Les Chemins de la Perfection

BOOK ID

Author(s): Sayyed Mujtaba Musavi-Lari

Translator(s): Haydar Amazigh

Category: Général Général Miscellaneous information: Les Chemins de la Perfection

Seyed Musavi Lari

traducteur: Haydar Amazigh

Center de diffusion des connaissances islamiques 2005

ISBN 9645817161,

Congress Classification: BP226/2/م 8ش 9 1381

Dewey Classification: 297 /466

National bibliography numbers: م 81-46718

Featured Category: Connaître l´Islam Spiritualité

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شابک : 9645817161

شماره کتابشناسی ملی : م 81-46718

عنوان و نام پدیدآور : Les Chemins de la perfection/ Mujtaba Musavi Lari; traductur Haydar Amazigh

مشخصات نشر : Qom: Center de diffusion des connaissances islamiques, 1996 = 1375.

مشخصات ظاهری : ص 362

یادداشت : (چاپ سوم) : 1384

یادداشت : کتابنامه

عنوان دیگر : Les chemins de la perfection

موضوع : انسان -- تکامل -- جنبه های مذهبی

موضوع : تکامل و انسان

موضوع : انسان (اسلام)

رده بندی دیویی : 297 /466

رده بندی کنگره : BP226/2/م 8ش 9 1381

سرشناسه : موسوی لاری، مجتبی، - 1314

شناسه افزوده : امازیغ، حیدر،Amazigh, Haydar، مترجم

شناسه افزوده : مرکز نشر معارف اسلامی در جهان

وضعیت فهرست نویسی : فهرستنویسی قبلی

point

Sayyed Musavi Lari présente à travers cet ouvrage les dimensions spirituelles et matérielles de l’homme, l’amenant ensuite à discuter des facteurs qui le conduisent soit vers le malheur ou le Bonheur. L’auteur démontre et met l’emphase sur la nécessité de travailler sur soi afin de créer un équilibre entre le cœur et la raison pour atteindre la plénitude. Ainsi, le développement des qualités morales et spirituelles élève l’homme au sommet de la grandeur et de la perfection, moyen ultime de se rapprocher du Créateur.

Introduction

Au nom d'Allah le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux

Nos sens et la raison même nous enseignent clairement que tout ce qui est au monde est dans un état de transformation et de changement, et que l'ordre créaturel repose sur le principe du renouvellement constant de la vie.

La croyance en la loi immuable du principe de développement de la vie nous commande de croire aussi en l'immutabilité de certaines idées qui régissent ce monde, à savoir les lois morales. La raison nous fait percevoir la nécessité de respecter ces lois, et il s'ensuit que, à moins de nous y conformer, la vie serait impossible.

C'est le facteur moral qui par la tension plus ou moins forte qu'il provoque conditionne la qualité de la vie sociale, tantôt fructueuse et réussie, tantôt décadente et

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stérile.

De par sa nature, l'homme présente une disponibilité à la perfection. Ses facultés, ses dons et potentialités sont inscrits en lui, avant même que sa personnalité soit révélée.

La nécessité de maitriser les passions et les sentiments, de les contenir dans les limites de la raison est une des questions les plus importantes dans la vie d'un homme, comme le confirment les recherches des spécialistes de l'éducation et de la psychologie.

Les potentialités humaines constituent un capital inépuisable; leur exploitation et leur développement sont de loin plus importants que tout ce que l'homme peut acquérir de connaissances dans différents domaines, car c'est avec ces potentialités que l'homme vit à chaque instant.

La raison, bien qu'elle éclaire naturellement la vie de l'homme, peut cependant être débordée par les instincts enfouis en chacun et qui sont les véritables sources de tout mouvement et l'instrument naturel de la raison, et perdre ainsi son autorité sur eux. Le débordement des instincts constitue une limitation de l'aire d'influence de la raison, et conduit l'homme à agir contre son propre intérêt. De là, le rôle important de la morale, et la gravité de la responsabilité de ceux qui ont mission d'éduquer.

D'autre part, l'application des principes moraux s'accompagne forcément d'une série de privations et de conflits. Dans la plupart des cas, on constate qu'une contradiction se fait jour entre les penchants naturels de l'homme et les exigences de la morale, et il arrive que la satisfaction des désirs se fasse en piétinant la morale. C'est que l'éducation sans une base

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spirituelle ne peut pas résister à l'assaut des instincts. Ceux qui ne sont pas protégés par le rempart spirituel ne tardent pas à céder à la pression des passions.

Le meilleur garant de l'application des principes de la morale, et le soutien le plus puissant des vertus morales est la foi religieuse, c’est une garantie parce qu'elle implique la croyance en un Dieu créateur dont la Loi s'exécute sur tout l'ordre de l'existence et dont la science embrasse les secrets les plus intimes de chacun. Elle implique aussi la croyance en la récompense et en la punition après le Jugement dernier. Grâce à des pensées saines et pures, l'homme pourra se libérer de ses mauvais instincts.

La mission et le but de tous les prophètes, et en particulier du prophète de l'Islam, étaient d'éduquer les hommes en vue de les faire parvenir à l'élévation spirituelle, et les débarrasser des pensées futiles.

L'œuvre morale de l'Islam conduite par l'Envoyé de Dieu fut révolutionnaire en elle-même, tant en originalité qu'en profondeur. Elle embrassait tous les aspects de l'âme humaine y compris les plus subtils, et se préoccupait de toutes les manifestations extérieures de cette âme.

L'effet de cette révolution morale fut de propulser au plus haut niveau de la spiritualité la psychologie de certains peuples comme les Arabes qui se trouvaient alors au degré le plus bas de l'humanité. Ce peuple décadent se relèvera grâce à la morale islamique et portera le flambeau de la foi avec laquelle il imprimera un élan nouveau à la

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vie sur terre, devenant un modèle inégalé pour les autres peuples.

Même de nos jours, et dans cet Occident qui a perdu ses valeurs morales, nous voyons des hommes venir à l'Islam, en quête d'édification spirituelle, l’effet est incontestable. Quand un noir américain embrasse l'Islam, toute sa vie est profondément bouleversée, révolutionnée, bien que sa formation islamique soit le plus souvent rudimentaire, ne disposant pas du matériel pédagogique. Voici le témoignage du Professeur Éric Lincoln, spécialiste des sciences religieuses dans une Université américaine:

« L'influence de l'Islam sur les noirs américains est l'expérience, un enfant qui n'est pas mal né, et qui a conservé jusqu'à vingt ans son innocence, et l'Islam, même leur situation économique et sociale s'améliore.

Nous ne retrouvons dans les familles des noirs américains musulmans aucune trace de la dépravation et de la corruption qui s'abattent sur la jeunesse américaine, certains individus, parmi les jeunes drogués non-musulmans ont même pu se débarrasser de leur accoutumance après avoir reçu l'enseignement de l'Islam, et sont redevenus des êtres normaux dont la vie sert même d'exemple.

Les musulmans noirs d'Amérique ne cherchent pas à nuire à autrui. Quand ils ressentent qu'un danger les menace, ils se défendent de toute leur force, toujours avec succès »

Les lois et les systèmes positifs sont sans effet sur la psychologie profonde de l'individu, et ne peuvent donc pas le toucher à la source même de sa volonté et de ses mobiles, ni capter ses énergies pour l'édification d'une société saine. Ils ne peuvent éduquer l'homme suivant un idéal sublime, élargissant

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ses horizons à l'infini.

En ce dont il a une âme, l'homme est un être immortel et éternel. En ce dont il est doté d'un corps physique, il est périssable, mortel.

Les hommes de science savent bien que ces deux aspects sont étroitement liés, de sorte que si une anomalie survenait en l'un, elle ne manquerait pas d'avoir un impact sur l'autre. C'est la raison pour laquelle les décisions qui ont été prises sans tenir compte de cette interaction ont abouti à des effets contraires à ceux escomptés.

Nous sommes aujourd'hui les témoins de l'absence d'équilibre et de sagesse dans l'orientation idéologique des sociétés humaines. Nous constatons bien des déviations et des excès dans l'un ou l'autre sens: ou bien l'accent est mis abusivement sur l'aspect matériel, ou bien au contraire on ne cherche à promouvoir que l'aspect intellectuel et spirituel en l'homme. Ces dernières années, le matérialisme idéologique a reculé, mais dans la pratique il existe toujours.

En Islam, l'éducation repose sur une évaluation de l'homme qui tient compte de sa nature profonde primordiale, c'est-à-dire de sa nature en tant qu'ensemble de prédispositions que Dieu a mises en lui, et non de la nature au sens négatif d'ensemble d'instincts animaux.

La pédagogie de l'Islam possède les enseignements nécessaires pour l'actualisation des potentialités de la fitrat, de l'ensemble des aspirations positives de l'homme.

Bien assimilés, ces enseignements devraient assurer le bonheur des individus, en satisfaisant leur légitime soif de valeurs élevées.

Cette promotion de l'homme doit se faire par l'exemple. Chaque individu qui s'amende contribue à l'amélioration

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de la société, et accroit le potentiel moral de celle-ci. Il devient un militant de la perfection humaine.

Je forme le vœu que les matières traitées dans ce livre qui puise sa substance dans les riches sources islamiques, tout en faisant appel aux témoignages modernes, puissent jeter quelques lumières sur les principes d'une pédagogie authentique. Si je réussis à me faire l'interprète de certains enseignements qui nous ont été transmis par les grands maitres de la morale et de l'humanisme, j'en serais ravi.

Je prie Dieu d'accorder succès et bonheur à toute l'humanité, à l'ombre des enseignements de l'Islam.

Chapitre 1: La Nature de L’Homme

L'homme aspire à la perfection

Tout homme dans quelque condition sociale et individuelle qu'il se trouve recherche la perfection pour soi, du fait même de sa nature, et à cause de son statut d'être doué d'intelligence. Il est prêt à endurer les peines et les souffrances pour s'assurer un meilleur avenir, transformer son état présent en un état plus parfait.

Cet amour inné de la perfection n'est pas l'apanage de l'homme. Il le partage avec les animaux qui eux aussi essaient d'écarter les obstacles qui se dressent sur le chemin de la perfection, et tentent d'éviter tout ce qui est susceptible de les faire reculer. Même les végétaux, et toutes les formes de vie naturelle depuis le minuscule atome jusqu'aux constellations et galaxies, font partie de cette caravane immense qui chemine vers la perfection.

Voici ce que dit un savant à ce sujet:

« Il existe dans le blé un mouvement intrinsèque vers un don plus grand, et dans la rose

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un désir d'être plus belle et plus parfumée. Il en va de même des hommes, en fonction de la “graine” dont ils sont issus. Lorsque survient un défaut dans le grain de blé, dans la beauté ou le parfum de la rose, ou encore dans le caractère d'un homme, il ne faut pas les imputer à l'aspiration à la perfection, mais plutôt à un accident provoqué par une cause qui s'oppose à cette perfection.

C'est ici que l'on peut mesurer combien la notion de but nous aide à corriger notre pensée. C'est grâce à elle que nous comprenons que cet univers au sein duquel nous nous voyons comme de simples parties minuscules est un univers moral ayant une finalité, et que par conséquent, nous ne sommes pas condamnés à vivre toujours dans l'instabilité et les ténèbres.

Derrière tous ces mouvements se trouve un moteur, et derrière toute chose se trouve une conscience, une pensée immense. Il nous suffit de considérer que la vie est une grande et belle chose. C'est alors que, pour le moins, nous pourrons nous préparer à nous mettre en harmonie avec cette âme universelle, et à comprendre qu'agir à son encontre nous porterait forcément préjudice. »

La perfection matérielle de l'homme échappe à son libre arbitre, alors que la perfection de soi dépend de sa volonté. C'est la perfection psychologique qui détermine la perfection matérielle. Il est évident que la perfection de l'âme est une chose immatérielle, et que l'homme ne peut y parvenir par la seule mise en œuvre

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de moyens matériels.

Pour qu'un arbre parvienne à la perfection, il devra surmonter tous les obstacles de la qualité du sol et du climat qui peuvent être de nature à l'en empêcher, et tirer profit de tout pour assurer sa croissance, comme l'eau, le soleil et l'air.

De même, l'homme se prépare à la perfection en s'équipant de tous les facteurs et conditions susceptibles de favoriser sa marche vers la perfection. Les différents aspects de l'existence doivent être organisés de façon que ses besoins matériels et spirituels soient satisfaits, et que sa vie soit en harmonie avec celle de ses congénères et contribuent à assurer à la société plus de cohésion, de maturité, et de responsabilité morale.

La vie de l'homme est un système constamment agité par toutes sortes d'instincts. Lorsque ces instincts sont contenus dans des limites raisonnables, ils sont nécessaires et doivent être protégés, car chacun joue un rôle dans l'économie de la vie. Mais si les instincts étaient libérés, sans retenue aucune, ils constitueraient un frein à la marche vers la perfection, car ils freineraient d'autres forces qui en l'homme, et à l'instar des instincts, aspirent à se libérer, et qui sont la raison et l'intelligence et la foi. Ces potentialités doivent aussi être actualisées pour permettre à l'homme de se réaliser pleinement.

La purification de l'âme, condition de la perfection

Pour atteindre tout but qu'il se propose, l'homme a besoin de se fixer une ligne de conduite à laquelle il doit se conformer. Si le but est la perfection, purifier son âme est la première condition, car

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l'homme est un être animé par plusieurs instincts, mais il est aussi doté d'une intelligence capable d'ordonner et de maitriser l'expression de ces instincts.

La perfection ne dépend pas seulement de conditions matérielles, dont l'impact est superficiel. Même l'apprentissage et l'enseignement scientifique n'assurent pas une perfection sous tous les rapports. La véritable perfection passe par la maitrise des passions dont il faut se délivrer de la tyrannie.

Le désir de perfection est inné en l'homme. C'est la raison pour laquelle ce dernier la recherche dès son enfance, même s'il n'en a pas conscience. On peut dire que ce désir est si fort qu'il tend à se manifester avec autant de force que les autres instincts et passions.

Les muscles acquièrent de la force par l'exercice. Il en va de même pour les qualités psychologiques, à la différence que si la force musculaire peut atteindre ses limites, la force de l'âme est illimitée: des exemples abondent dans l'histoire où les hommes se sont surpassés par esprit de sacrifice et de dévouement. Pour remplir ses fonctions naturelles, le corps doit supporter certains efforts et difficultés. Et même, l'âme devra supporter des peines pour réaliser son but.

Toutes les idées et théories relatives à la pédagogie tournent autour de la notion de l'âme humaine, car c'est elle qui est susceptible d'être éduquée. L'homme est capable d'élévation et il peut acquérir les qualités et vertus humaines les plus sublimes.

C'est l'esprit qui confère à l'homme une série de règles morales qui lui sont propres. Le Dr Carrel écrit:

« Nous devons

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nous habituer à distinguer le bien du mal comme nous savons distinguer l'obscurité de la clarté, le bruit du silence, puis nous engager à faire le bien et à renoncer au mal. Mais l'abandon du mal requiert une discipline du corps et de l'âme. Et la perfection n'est possible pour le corps et l'âme que par l'exercice de purification, et aucun excès dans la satisfaction des besoins de l'âme ne doit être permis pour celui qui entreprend de se purifier.

Cet état psychophysiologique constitue la clé de voute de la personnalité humaine; il est comme une base ou un aéroport duquel l'âme prend son essor. La voie de la perfection est toujours orientée vers le haut. C'est la raison pour laquelle beaucoup de ceux qui l'empruntent finissent par en chuter.

Parfois, ils tombent dans les fossés, dans les abymes, parfois ils se retrouvent sur les rives des fleuves, ou dans les lisières des champs, où ils s'endorment pour l'éternité, dans la joie ou la peine, la richesse ou la misère, la santé ou la maladie. Mais malgré cela, ils devront poursuivre leur effort, et se relever après chaque chute, et tenter de gagner la foi, le désir, la volonté, l'esprit de solidarité, l'altruisme, et enfin la modestie et la franchise. »

Aujourd'hui, l'homme a perdu, dans sa vie individuelle et sociale, ainsi que dans sa vie physique et mentale, son sens de la mesure, de l'ordre et de la juste appréciation des choses. Si l'homme abandonnait ou même réprimait les qualités émotives,

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sentimentales, et vitales de son être, qualités qui sont inhérentes à la mission que Dieu lui a assignée sur terre, il nierait ainsi la dignité humaine et détruirait sa nature primordiale. Sa vie ne serait plus régie que par les instincts animaux.

Aujourd'hui, l'humanité est en train de payer les conséquences de ce crime aux dépens de son bonheur et de sa sérénité. L'effet de ces perturbations et déviations apparaît sous les diverses formes de la criminalité. Pas une ne minute ne passe dans les sociétés sans que s'y commette un crime ou un délit de tout genre.

C'est l'une des plus graves questions sociales du monde. Les sommes dépensées chaque année pour lutter contre la criminalité et la délinquance sont gigantesques. L'un des facteurs de la propagation de la violence, de l'effritement de la cohésion sociale est la perte du sens de la responsabilité dans les sociétés. Ce facteur est encouragé par certaines philosophies et pédagogies, comme les pensées racistes, athéistes, permissives.

Étiologie de la criminalité

L'étude des causes de la criminalité et de la psychologie criminelle conduit à se poser la question de savoir si le crime est d'origine génétique ou s'il relève des maladies mentales. Puis le cas échéant à en chercher les traitements. Certains spécialistes en criminologie pensent qu'un certain nombre de délinquants et de criminels étaient destinés à le devenir dès leur naissance.

Ces criminels n'auraient fait qu'obéir à leurs gênes. Théoriquement, ils devraient être repérés comme tels au sein de la société, et seraient « les criminels nés ». Le précurseur de

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cette thèse était le célèbre criminologue italien Lambrozzo. Sa théorie a eu beaucoup de partisans notamment chez les écrivains.

L'homme est sans conteste un être éducable. Il accomplit librement et volontairement certaines actions positives, et s'abstient d'en commettre d'autres, négatives. Autrement, il serait absurde de dispenser des conseils ou des réprimandes quelconques à un être qui agirait uniquement par contrainte et sans volonté de sa part.

Les moralistes qui vouent leurs efforts à la recherche du bonheur de l'homme s'appuient sur le principe consistant à ordonner le bien et à interdire le mal. Ils mettent ainsi l'accent sur la responsabilité d'apprendre le nécessaire pour acquérir le bonheur en s'abstenant de faire certaines actions.

Quand on étudie les conditions des enfants vivant dans les hôpitaux psychiatriques, prisons, et maisons de redressement, il apparaît que ces enfants ont été élevés au sein de familles déséquilibrées et indifférentes à leurs responsabilités.

La plupart de ceux qui ne reculent pas devant le crime ou le délit sont nés dans les familles dépourvues de vertus morales et ne jouissant pas de chaleur humaine, ou appartiennent à des sociétés qui souffrent de dégradation morale.

Ce sont donc des facteurs familiaux et sociaux qui les poussent à préférer le mal au bien, la corruption à l'honnêteté.

Les plus grands devoirs de l'homme

Depuis qu'il existe, l'homme a toujours compris l'importance de l'éducation. Il s'est toujours fixé des objectifs et des règles conformes à la psychologie et en fonction de la façon dont il perçoit sa responsabilité dans la vie, que ces objectifs soient louables ou non.

Aujourd'hui, nous sommes les

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témoins de ce que les différentes doctrines en cours dans le monde ont causé comme changement et transformation tout au long de l'histoire. Il en ressort que l'homme n'est pas méchant et satanique par nature. En fut-il autrement, son effort éducatif aurait été vain, et toutes les prédications des prophètes auraient été infructueuses, absurdes. Si le crime ou l'effusion du sang faisaient partie du gène des Arabes, le Prophète de l'islam n'aurait jamais pu transformer les mentalités de ses contemporains.

S'il est vrai que l'homme est d'abord nourri dans son corps, il n'en demeure pas moins qu'au fur et à mesure qu'il croit physiquement ses facultés mentales se développent aussi bien. Ce qui prouve que ces facultés existent en lui dès sa naissance. Il apprend vite à construire des phrases, à parler, à se représenter les choses qui l'entourent. Ce qui nous ramène à son caractère éducable.

Le Coran dit:

« O Homme, tu déploies tes efforts en direction de Dieu, et tu Le rencontreras ».

« C'est vers ton Seigneur ».

L'homme doit s'inspirer des messages prophétiques qui constituent une doctrine d'éducation authentique, pour atteindre la vie éternelle et s'assurer par là le salut dans la perfection. Gustave Lebon écrit:

« Après plusieurs péripéties, la philosophie a reconnu que la voie du monde métaphysique lui était fermée. Pour cette raison, nous sommes obligés de nous conformer aux ordres des médecins psychologues, qui connaissent l'âme humaine, et se préoccupent de sa perfection spirituelle et mentale. Ces médecins de l'âme et de l'esprit, ce sont les prophètes divins et les envoyés

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de Dieu. Ce sont eux qui transmettent à l'humanité le savoir nécessaire à son amendement, savoir qu'ils puisent à la source de la révélation et de l'intuition et consistant dans l'art d'atteindre le bonheur pour parvenir à la perfection ».

Le Coran tient compte des deux dimensions physique et psychologique de la nature humaine. Le Coran insiste sur ce point que si l'homme ne reçoit pas une éducation de base, il sera forcément livré aux instincts naturels qui affaiblissent sa conscience et entraveront le développement de son intelligence. C'est la double nature qui le rend apte à recevoir les influences les plus diverses, contradictoires mêmes.

Comme le dit l'imam Ali:

« Les hommes doués d'intelligence ont une soif d'éducation semblable à la soif de pluie qu'éprouve un champ de culture ».

Si les potentiels et les énergies humains demeurent à l'état brut, et ne subissent pas un conditionnement par l'éducation, elles deviennent dangereuses et condamnent l'homme à l'état animal primaire.

C'est par rapport à cette règle que les actions seront jugées bonnes ou mauvaises, et entrainer l'encouragement ou le blâme, la récompense ou le châtiment.

La récompense implique que l'homme ayant bien agi a su distinguer entre le bien et le mal. Il n'est pas responsable de ses incapacités physiques ou intellectuelles. Il n'est pas responsable lorsque ses capacités physiques et intellectuelles sont insuffisantes.

On ne peut pas innocenter un criminel sous le prétexte qu'il est victime des désordres sociaux. Certes, nul ne peut nier l'importance de l'éducation et des orientations générales qui régissent une société donnée, mais on

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ne peut ignorer non plus la responsabilité du fauteur de crime. Certes aussi, il est un certain nombre de délinquants inaptes à la rééducation et à la réinsertion sociale.

Ce sont généralement des gens mentalement sains, mais ayant cédé momentanément à leurs instincts ou ayant subi l'influence de mauvaises compagnies. Ceux-là doivent être traités le plus rapidement possible. Mais la lutte contre la criminalité et la délinquance ne peut pas consister seulement en réactions aussi énergiques soient-elles.

Il faut que le criminel soit châtié pour préserver la société. Dans ce cas, la punition est la réaction naturelle de l'acte du criminel lui-même. Elle est nécessaire pour la préservation de l'équilibre et de la justice dans la société, et lui évitera le pire. Mais elle ne suffit pas. La science rejette aujourd'hui la théorie de Lambrozzo et de ses partisans pour qui les criminels existent naturellement.

Lambrozzo était un médecin exerçant sa profession dans l'armée italienne. Son attention fut attirée par les nombreux tatouages observés sur les corps des délinquants et criminels. Il en déduisit que les corps des criminels étaient moins sensibles à la douleur que les corps des hommes ordinaires.

Le défaut de sensibilité affective était chez eux la conséquence normale de leur faible sensibilité physique. Puis il disséqua le cerveau d'un bandit, et parvint à la conclusion qu'il y avait entre ce cerveau et celui des animaux vertébrés maintes ressemblances. Cela prépara le terrain à l'apparition de la théorie des caractères héréditaires cachés (le génotype).

Lambrozzo a dégagé certains

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traits physiologiques qui pour lui sont des signes du criminel né: crâne anormalement développé, cheveux crépus, la disproportion de la tête et du visage, front aplati vers l'arrière, nez écrasé, yeux enfoncés, grandes oreilles, menton saillant... Quand ces traits physiques et caractériels sont réunis en une personne donnée, on peut juger qu'elle est une criminelle par nature. Lambrozzo appelait ces traits signes de dégénérescence.

Le docteur Carrel écrivait:

« Il n'existe pas dans l'humanité de criminel par nature, comme le prétend Lambrozzo. La réalité est que beaucoup de criminels sont des hommes normaux et ordinaires. Certains d'entre eux sont même des gens d'une intelligence au-dessus de la normale. Les sociologues sont incapables de les rencontrer et de les maitriser dans les prisons.

Beaucoup de brigands au sujet desquels les journaux publient tous les jours de nouvelles informations sont des êtres intelligents ayant des sentiments humains et une beauté naturelle, voire surnaturelle, mais ils sont dépourvus de qualités morales. Beaucoup d'entre nous souffrent aussi d'insuffisances psychologiques.

Cette angoisse et cette perte de l'équilibre dans le monde de la pensée et de la conscience sont l'un des assaillants de notre époque. Bien qu'on ait pu assurer avec succès une certaine sécurité dans les corps et les biens dans les grandes villes, il n'est pas possible de développer les activités intellectuelles et morales, malgré toutes les dépenses qui sont engagées dans l'éducation et l'enseignement. Les déséquilibres dans la conscience s'observent même chez des personnalités sociales de premier plan. Les actes élémentaires manquent chez ces dernières de cohérence

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ou de l'énergie nécessaire ou même de finalité voire de tout cela.

Les hommes les plus utiles et les plus heureux sont ceux dont les activités intellectuelles et morales sont équilibrées, cohérentes et complémentaires. Le facteur de la supériorité chez ces gens-là réside dans la qualité de leurs activités et leur équilibre. Nous devons fixer pour but à notre enseignement et à notre éducation de former des individus aux pensées équilibrées. C'est sur pareils hommes équilibrés que nous serons à même de fonder la grande civilisation. »

Un psychologue contemporain écrit pour sa part:

« Il est établi aujourd'hui de façon irréfutable et indubitable qu'il n'existe pas dans l'humanité d'être méchant par soi. Il existe cependant des psychopathes. La compréhension de cette réalité nous permet de dire sans exagération qu'il n'est pas de découverte et d'invention plus importantes depuis l'apparition de l'homme à nos jours que la connaissance de cette réalité. Quand les hommes s'en imprègneront, et que les sociétés s'édifieront sur cette connaissance, tous les déséquilibres sociaux, les conflits et malheurs se dissiperont. En effet, lorsque chacun saura que l'avarice, l'envie, la couardise, le mensonge, la dissimulation et l'hypocrisie, et les centaines d'autres défauts du genre sont les conséquences logiques des souffrances psychologiques, et qu'elles sont susceptibles d'être traitées comme on traite la toux ou l'indigestion, alors l) tous les malades psychiques qui sont qualifiés de mauvais individus accepteront de se soigner avec un réel espoir de guérison, et redeviendront des gens utiles à leur société, 2) ces malades psychiques ne seront plus regardés

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comme des individus dangereux, à éviter. Au contraire, en tant que malades, ils recevront l'affection des autres hommes.

Il y a une différence énorme entre les deux conceptions.

Dans la plupart des pays développés, ces principes sont mis en application progressivement, et l'on atteint grâce à eux des résultats encourageants. Il incombe aux écrivains qui souhaitent le bien à l'humanité d'œuvrer à la propagation de ces idées de plus en plus utiles, afin d'en faire profiter toutes les sociétés du monde d'aujourd'hui. »

Cette théorie scientifique et philosophique qui est aujourd'hui mise au compte de la science moderne est tout à fait compatible avec les préceptes religieux islamiques.

Le Coran décrit le groupe des hypocrites comme des malades:

« Il y a une maladie dans leurs cœurs ».

John Dewey dit:

« Un proverbe dit: “qui veut noyer son chien l'accuse de rage.” Les moralistes professionnels continuent de dépeindre la nature humaine comme un chien enragé. Ils l'exposent à toutes sortes de blâmes, sans que personne n'ose les contredire. Si l'on considère l'histoire de la morale, on s'aperçoit qu'elle a de tout temps eu une attitude sceptique envers la nature humaine, la décrivant toujours comme mauvaise et vile. Le seul souci des moralistes était de débattre des voies et moyens de dominer cette nature, au point que certains vinrent à penser que si la nature humaine n'était pas à ce degré d'infériorité, de faiblesse et de dégénérescence, la morale n'aurait eu aucune raison d'être.

Certains écrivains tentèrent d'attribuer l'origine de cette idée d'une nature humaine foncièrement mauvaise aux adeptes des différentes religions,

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en disant que pour mieux glorifier le Créateur, ils ont décrit l'homme comme un être au plus bas de la bassesse. Honnêtement, il faut reconnaitre que cela est vrai dans un certain sens; en effet, les croyants voient sans aucun doute que l'âme humaine est quelque chose de corrompu à l'extrême. En fait, ce regard négatif est très déplacé, car si l'âme humaine est à ce point mauvais, d'où vient-il que les hommes arrivent à s'amender et à purifier leur âme, et entreprennent même de guider les autres? »

La nature pure non souillée

Le prophète de l'Islam a dit:

« Tout nouveau-né vient au monde avec une nature vierge (fitrah) jusqu'à ce que ses parents en fassent un juif ou un chrétien... »

L'imam Ali dit dans ses recommandations à l'un de ses enfants:

« Le cœur du nouveau-né est comme une terre non semée; elle accepte tout ce qu'on y jette. J'ai donc commencé à t'inculquer la bonne conduite avant que ton cœur ne durcisse, et que ton fond soit occupé (par d'autres pensées) »

Par conséquent, non seulement l'homme ne nait pas criminel, mais encore il existe dans l'être de tout homme une force qui le pousse du côté du bien et de l'utile. Chaque fois qu'il s'écarte du parcours, elle l'y ramène. Les philosophes disent que toute nature soumise à force dominante éprouve un puissant désir de retourner à son état premier. Depuis l'Antiquité, ces philosophes répètent que la raison spéculative est la faculté humaine la plus sublime, alors que la capacité de perception du réel au moyen de cette faculté

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est très limitée, et ne présente pas toutes les garanties d'efficacité. Dans maints domaines, la raison se montre sans effet, comme dans le cas du jugement équitable des condamnations des criminels et des délinquants, ou dans le fait de donner des ordres en vue de faire le bonheur d'autrui. En conséquence, il est nécessaire que dans la conscience de l'homme, il y ait une autre faculté indépendante de la raison, qui serait la source de la plupart des sentiments de bien, de l'altruisme, de la quête de la perfection, afin que par elle on puisse interpréter les actions morales.

Le Coran enseigne que l'amour de la foi, la haine de l'impiété, de la dépravation et de la désobéissance, ont été déposés en l'homme, de façon innée. En créant l'argile adamique, Dieu n'a pas seulement insufflé en elle la connaissance et la foi; Il a aussi orné le cœur humain de bien d'autres qualités comme l'amour du bien, le désir d'être utile. Il l'a informé que la haine de l'impiété, l'amour de la foi ont été déposés en lui, de façon que l'esprit est conduit tout naturellement à cultiver les vertus.

Le Coran dit en effet:

« Mais Dieu vous a fait aimer la foi, et l'a embellie dans vos cœurs, et Il vous a fait détester l'impiété, la dépravation et la désobéissance »

Hafez, le célèbre poète persan du treizième siècle a dit:

Toute cette bonté, cette fidélité qu'il y a entre nous,

Je ne me les suis pas imposées: je suis né avec!

Bertrand Russel dit:

« Jadis, on

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pensait que les vertus reposaient sur la volonté. On admettait que l'être humain avait un trop-plein de tendances mauvaises, qu'on ne pouvait dominer que par une seule faculté, la volonté. Il semblait que l'élimination de ces tendances perverses était impossible, que tout ce qu'on pouvait faire était de les maitriser par la volonté.

L'homme à leurs yeux était comparable à un criminel ou à un policier. On se représentait une société qui serait débarrassée un jour des personnes que la nature prédisposait au crime. Pour cette raison, le mieux que l'on pouvait faire était d'établir un nombre suffisant de centres policiers, de façon à dissuader les criminels, et lorsqu'il se trouvait quelqu'un pour défier ces mesures, il était sévèrement puni.

Cette théorie n'est pas admise par la psycho criminologie qui considère que dans la plupart des cas, il est possible de contenir les instincts pervertis par le moyen d'une éducation adéquate. Tout ce qui peut s'appliquer à la société peut aussi s'appliquer aux individus ».

Jean-Jacques Rousseau écrit à ce propos dans son célèbre Émile ou de l'éducation:

« Au contraire, un jeune homme élevé dans une heureuse simplicité est porté par les premiers mouvements de la nature vers les passions tendres et affectueuses: son cœur compatissant s'émeut sur les peines de ses semblables; il tressaille d'aise quand il revoit son camarade, ses bras savent trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verser des larmes d'attendrissement; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d'avoir offensé. Si l'ardeur d'un sang qui s'enflamme le rend

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vif, emporté, colère, on voit le moment d'après toute la bonté de son cœur dans l'effusion de son repentir: il pleure, il gémit sur la blessure qu'il a faite; il voudrait au prix de son sang racheter celui qu'il a versé; tout son emportement s'éteint, toute sa fierté s'humilie devant le sentiment de sa faute. Est-il offensé lui-même: au fort de sa fureur, une excuse, un mot le désarme; il pardonne les torts d'autrui d'aussi bon cœur qu'il répare les siens. L'adolescence n'est l'âge ni de la vengeance ni de la haine; elle est celui de la commisération, de la clémence, de la générosité. Oui, je le soutiens et je ne crains point d'être démenti par l'expérience, un enfant qui n'est pas mal né, et qui a conservé jusqu'à vingt ans son innocence, dans la physiologie et les hormones. Il sera, le plus aimant et le plus aimable des hommes. On ne vous a jamais rien dit de semblable... »

De son côté Waldo Emerson écrit dans La philosophie sociale:

« Les vertus existent dans les âmes fortes; ces dernières les contiennent toutes. L'âme humaine aspire à la pureté, l'équité et le bien, alors qu'elle est supérieure à toutes ces qualités. Ainsi, prêcher la vertu sans parler de la nature de l'âme humaine, c'est commettre un manquement envers elle. L'enfant qui reçoit une bonne éducation possède toutes les facultés naturelles, sans avoir fait d'effort pour les acquérir. Parlez avec le cœur de l'homme, vous le trouverez sûrement plein de vertus »

Par conséquent, et en accord

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avec l'enseignement de l'Islam, et la tendance des théories savantes contemporaines, l'homme vient au monde doté d'une nature pure, d'une âme saine suivant les lois de la génétique, les états de perversion sont accidentels en lui, et ne procèdent pas de sa nature foncière.

Les déviations par rapport aux normes naturelles originelles, la perversion des instincts, ne conduisent pas seulement à l'apparition de maladies psychiques, mais aussi à l'obstruction du chemin de l'âme par des complications particulières. Autrement, l'homme est apte de par ses tendances innées, à cheminer vers la perfection à grands pas et avec résolution. Nous devons prendre en compte que le milieu social a des effets sur les cellules cérébrales, exactement comme les différents effets de l'environnement sur la croissance des différents végétaux. Tout homme vit avec des cellules cérébrales qui lui sont propres et qu'il a reçues de ses parents à plusieurs degrés suivant les lois de la génétique. Les cellules cérébrales ne sont jamais semblables dans leur organisation d'un homme à un autre. La différence est évidente dans la physiologie et les hormones.

L'environnement influe de façon particulière sur chacune des graines d'une plante. Il en va de même quant à son influence sur chacune des cellules cérébrales. Dans un milieu donné, la vie connaitra tel effet et acquerra tel ou tel trait distinctif incomparable avec un autre trait. Nous voyons ainsi que deux enfants de mêmes parents peuvent présenter une dissemblance frappante, alors qu'on s'attendrait à ce qu'ils possèdent des caractères communs.

La prédication des prophètes divins

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repose sur le fondement de la nature unitariste et de la nature morale. Ces principes naturels sont aussi la base de l'éducation de l'homme conforme à son intelligence. La fonction des prophètes, à travers leur mission et les livres célestes qu'ils ont apportés, consistait surtout à réveiller les hommes à leur nature primordiale, comme à un capital enfoui en eux et dont ils n'avaient pas conscience...

C'est là un point d'une extrême importance: nous pouvons nous rééduquer, nous améliorer et nous perfectionner grâce à notre nature même. Il ne faut cependant pas oublier que les instincts indociles influent sur le fonctionnement de cette nature, tendant à l'affaiblir, à la corrompre. Il importe par conséquent que nous les maitrisions, que nous en prenions bien les rênes en main, faute de quoi nous ne tirerons pas un parti convenable du trésor enfoui en nous. La réalisation de l'équilibre dans les sentiments, les pensées et les actes supposent la connaissance du point d'équilibre et demandent un effort soutenu et de grands sacrifices.

Comme dit Aristote:

« La vertu est le moyen terme entre deux vices. L'un est l'excès, l'autre la négligence. Car la caractéristique de la vertu est précisément ce moyen terme dans les actions et les réactions. Par conséquent, le bien n'est pas chose facile. La connaissance du juste milieu en toute chose est hypothétique. De même, la connaissance du centre d'un cercle n'est pas donnée à tout le monde, sinon à la personne qui est initiée à la géométrie.

S'il paraît à chacun que l'émotion ou

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la colère, ou encore la dépense d'argent sont des choses habituelles, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas facile pour tout un chacun de les éprouver au moment qu'il faut, pour le mobile qu'il faut, avec l'intensité qu'il faut envers la personne qu'il faut, etc. C'est pourquoi il y a si peu de bien. Qui veut atteindre le juste milieu doit d'abord éviter de trop s'éloigner du moyen terme. Ainsi que le dit le conseil: “Éloignez votre vaisseau des marais boueux!”

Il ne faut pas suivre la pente de son désir au point d'outrepasser les limites raisonnables, afin qu'en demeurant dans le juste milieu, on puisse se préserver de l'erreur... »

Le but de la vie doit être d'éduquer son âme, de la conduire vers la perfection. Et notre devoir consiste à ouvrir les fenêtres de nos cœurs pour y laisser entrer l'air pur du bien, de la sincérité, de l'amour et de la bonté. La plupart des hommes consentent des sacrifices pour s'assurer une vie aisée et tranquille. Dans ce but, il leur arrive de supporter des privations qui les conduisent jusqu'au seuil de la mort; ils se privent du repos qui est pourtant le but même de leur effort. Ils s'imaginent ainsi que les moyens matériels acquis seront la cause de leur bonheur.

Or, cette idée est non seulement une erreur de leur part, mais elle est souvent la cause de leur malheur. Ils devront reconnaitre s'être trompés de chemin, et s'être éloignés de la voie du bonheur. On ne

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peut obtenir une vie calme et sans souci en poursuivant des plaisirs éphémères, ou une richesse matérielle aussi illimitée soit-elle. Cette voie ne conduit pas à l'épanouissement de la vie. Bien au contraire, elle la flétrit, et n'aboutit qu'à la perplexité et à l'égarement de celui qui la suit.

La liberté et les contraintes

Dans ces cas, la distinction entre la liberté et son contraire n'a pas de sens. La distinction à faire est entre une aliénation et une autre aliénation. La liberté n'est pas sur un plateau de la balance pendant que l'aliénation serait sur l'autre. On peut dire qu'on a le choix entre une liberté et une autre liberté; les hommes ont la possibilité de choisir entre la liberté humaine et la liberté animale.

Le critère distinctif de l'être humain est celui de l'intelligence, de la foi, de la vertu, etc., alors que le critère définitoire de l'animalité est celui de l'instinct pur.

Celui qui écoute l'appel de ses passions charnelles s'y soumet sans réfléchir aux conséquences de ses actes, parviendra à une liberté dans le sens où il sera libéré de toutes les contraintes qui font l'être humain. Sa liberté l'aura conduit à la négation de soi. En revanche, l'homme qui aura choisi de maitriser ses passions et instincts, en se conformant de plus en plus aux ordres divins, verra se consolider en lui les principes de l'intelligence et de la foi. Il aboutira à une autre liberté, celle qui affirmera avec force sa nature humaine authentique.

Les enseignements religieux consacrent une large place à

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la méthode à suivre pour contenir l'empire des instincts dans des limites raisonnables de façon à assurer le développement des valeurs spirituelles. Nulle autre force que la foi ne peut assurer aux hommes cette liberté et ce bonheur. La foi seule peut engendrer en l'homme le sens de la responsabilité, sans lequel aucune société ne peut être à l'abri de la criminalité et de la transgression des lois. L'Islam a énoncé les mesures nécessaires pour l'éducation des hommes, la réforme de leurs conditions de vie sociale et économique. Il promet bonheur et récompense infinie aux bons, et malheur et châtiment infernal aux méchants.

Le double rôle des habitudes

De par leur double effet positif et négatif, les habitudes jouent un rôle considérable dans l'édification de l'homme ou sa décadence. L'esprit positif des habitudes consiste dans la force qu'elles confèrent à la résistance morale devant les assauts des passions et des preuves affligeantes et des difficultés de toutes sortes. Quant aux effets négatifs résultant des mauvaises habitudes, ils sont incalculables.

L'habitude peut revêtir des formes et apparences positives, mais se révéler pernicieuse. Tel homme peut prendre l'habitude d'accomplir un acte dans une bonne intention, sans se rendre compte que les conditions qui rendaient cet acte positif ont disparu. Cela montre bien la nécessité de la vigilance pour que l'acte demeure toujours sous le contrôle conscient de celui qui l'accomplit, fût-il des mieux intentionné.

Il faut se méfier des habitudes irréfléchies, mécaniques. Elles peuvent engendrer des préjugés difficiles à surmonter causant des fois des retards immenses aux progrès des hommes.

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Cet effort pour conscientiser les habitudes est très encouragé par l'Islam dont les appels à l'action pensée et consciente sont nombreux dans le Coran. Une tradition prophétique nous donne la mesure de l'acte réfléchi par rapport à un acte accompli mécaniquement: « Une heure de méditation vaut mieux qu'une dévotion de soixante-dix ans » a dit le prophète de l'Islam. Le but est de développer en l'homme la meilleure concentration possible des facultés intellectuelles, de réduire au minimum la distraction. Car Dieu veut des hommes qui l'adorent en toute connaissance. En outre, grâce à cette pensée sans cesse en fonctionnement, les musulmans éviteront maintes innovations engendrées par des habitudes qui finissent des fois par prendre la forme de dogmes. »

Dans ses Principes de Psychologie, Mann écrit:

« Les habitudes qui sont apparues au début sous l'effet d'un mobile donné sont susceptibles de persister après la disparition de ce mobile. Nous pouvons alors dire que l'habitude est devenue son propre mobile. Au lieu de dépendre des besoins, tendances ou espoirs de l'homme, les habitudes s'en éloignent et s'en détachent et acquièrent une certaine autonomie.

Nous apprenons à satisfaire nos besoins en utilisant une certaine méthode. Il est possible que cette méthode s'enracine en nous de façon particulière de telle sorte qu'il devient impossible pour nous de la satisfaire autrement. On peut alors affirmer que nous nous sommes habitués à cette méthode. Ainsi l'habitude nous rend dépendants d'une méthode particulière, comme si nous ne pouvions plus nous passer d'elle, et dans la plupart des cas, il devient pénible

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de s'en débarrasser. L'habitude devient bien la cause d'elle-même.

Certains peuvent changer d'habitudes, et les événements peuvent changer le cours de leur vie. Mais on ne peut nier que l'âme humaine résiste à tout ce qui est nouveau, comme si elle redoutait le changement. Ceux qui entreprennent de changer les habitudes des personnes adultes ne devront pas perdre de vue cette donnée. »

Le système éducatif de l'Islam

L'habitude est une faculté dont Dieu a doté les hommes. Grâce à elle, ils peuvent accomplir de nombreux efforts dans l'acquisition des connaissances et leur formation dans la vie. Mais en dépit de son impact considérable, l'habitude peut se révéler une cause d'égarement, et de destruction de l'esprit humain, lorsque celui-ci n'a pas une culture suffisante et complète même. Les habitudes qui régnaient dans la société arabe d'avant l'Islam étaient pour la plupart capables de causer la ruine de la communauté.

Mais les pratiques furent abandonnées les unes après les autres grâce à la prédication du prophète de l'Islam qui avait lui-même reçu une éducation non entachée par les habitudes négatives des tribus arabes. L'Islam a mis un terme aux pratiques anciennes des Arabes qui enterraient vivantes les filles dès leur naissance, les considérant comme une cause de honte. Les Arabes avaient aussi beaucoup de pratiques basées sur les superstitions, l'esprit de clan, l'idolâtrie. L'Islam a fortement agité les consciences des Bédouins pour pouvoir les réveiller de leur léthargie, et les faire renoncer à leurs habitudes ancestrales.

Pour réaliser le miracle, le Prophète a utilisé toutes les voies possibles: éducation progressive,

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argumentation rationnelle, menace du châtiment, promesse de paradis, arguments rhétoriques, miracles, et aussi avantages matériels.

Les Arabes ont vu s'élargir les horizons de leur vie de façon spectaculaire au point qu'ils se sont massivement détournés de leurs anciennes coutumes qui les clouaient dans le cadre étroit. Ils étaient rendus aptes à la mission divine. Et c'est tout naturellement qu'ils ont porté la parole de Dieu aux quatre coins du monde en un temps record.

Si nous prenons le cas de la boisson alcoolisée, nous constatons que l'Islam a suivi une méthode d'interdiction progressive: au début, le Coran se contente de signaler le caractère nocif (argument logique) du vin. Mais les hommes, comme on le voit de nos jours, peuvent reconnaitre la nocivité d'une chose et continuer cependant à la consommer. Dans un deuxième temps, il est demandé aux premiers croyants de ne pas accomplir leur devoir religieux en état d'ébriété (entrainement, limitation progressive); enfin, quand le Coran annonce l'interdiction des boissons alcoolisées, les esprits et les gosiers y étaient déjà préparés. Les musulmans n'eurent aucune peine à briser leurs dernières jarres, ou à en renverser le contenu nocif dans les rues de Médine, débarrassant définitivement l'Islam du démon de l'alcoolisme.

Le docteur Carrel écrit dans ses Réflexions sur la conduite de la vie:

« Avant tout, il faut écarter les obstacles qui empêchent notre éducation spirituelle. Avant de progresser sur la voie de l'élévation spirituelle, nous devons abandonner les habitudes et défauts qui s'opposent à cette élévation. Puis après avoir écarté ces obstacles, nous

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entreprendrons l'élévation spirituelle suivant les dispositions de la nature authentique de la vie. L'homme se distingue par un caractère étonnant qui consiste dans la possibilité qu'il a, quand.il reflète sur la conduite de la vie esprit à l'aide de sa conscience vivante et éveillée. Mais cette construction nécessite une technique particulière. Il nous est possible d'apprendre l'art de nous gérer nous-mêmes, comme il nous est possible d'acquérir l'art de conduire des avions. Mais cela n'est possible qu'à celui qui est capable de se maitriser lui-même. Il n'est pas nécessaire que nous soyons des savants ou soyons très intelligents pour entreprendre l'ascension spirituelle; il nous suffit de le vouloir. Il est certain qu'il n'est pas possible de suivre ce chemin tout seul, car tout homme peut avoir besoin à un moment de sa vie d'être guidé et conseillé par les autres, mais on ne peut compter sur personne quand il s'agit de développer et d'organiser ses activités intellectuelles et affectives qui sont la composante essentielle de la personnalité. Le premier principe n'est pas le développement des facultés rationnelles, mais la consolidation du tissu affectif.

Les sentiments sont les fondements sur lesquels reposent tous les autres facteurs psychiques. La nécessité du sens moral n'est pas moindre que le sens de l'ouïe ou de la vue »

L'imam Ali, le quatrième calife a dit:

« Triomphez de vos âmes afin de leur faire abandonner les désobéissances (à Dieu), il vous sera ensuite plus facile de les conduire à l'obéissance; » et: « Luttez contre vous-mêmes pour abandonner les habitudes, combattez

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les passions, vous en serez les maitres. »

Certains soufis, mystiques de l'Islam, ont défini le soufisme comme l'abandon des habitudes. Les habitudes religieuses demandées par l'Islam doivent être conscientes, toujours accompagnées d'une conduite de la vie et la responsabilité, et ne doivent pas être accomplies comme un châtiment ou une charge pénible.

L'enfance et les habitudes

L'lslam recommande expressément d'habituer les enfants aux pratiques religieuses, à l’amour des vertus humaines, à fuir les causes de la dépravation et du péché, comme un rempart pour la foi.

Ce programme éducatif tend à préserver les enfants et les jeunes des effets nuisibles de la dégradation du milieu social.

C'est ainsi que le prophète a recommandé que l'on initie les enfants à la prière dès l'âge de sept ans.

L'imam Ali ibn al-Hussayn, quatrième imam du chiisme, surnommé al-Sajjâd, recommandait à ses enfants de « redouter le mensonge, petit ou grand, dans le sérieux ou la plaisanterie; car un petit mensonge encourage au grand. »

Et l'imam Jaafar al-Sâdiq disait: « Prenez l'initiative de parler à vos enfants des choses de la religion pour les préserver de l'influence des sceptiques. »

Plus près de nous, en Occident, un homme comme Bertrand Russel disait dans son livre sur l'éducation:

« Dans l'enfance, toute mauvaise habitude sera un obstacle à l'acquisition des bonnes. Par conséquent la formation des habitudes, dans l'enfance est une chose très importante. Car de bonnes habitudes nous mettent à l'abri du blâme et de la réprimande. Ajoutez à cela que les habitudes acquises en bas âge seront aux étapes ultérieures de la vie comme des instincts dans leur

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effet et leur domination. Quant aux habitudes opposées à elles, mais acquises plus tard, elles ne pourront pas les égaler en impact et en force sur le comportement. C'est pour cette raison qu'il faut que la question des premières habitudes mérite toute l'attention. »

Chapitre 2: La Raison et la Conscience

La nature singulière de l'être humain

Il est évident que Dieu a semé dans l'esprit de tout être humain les germes de penchants différents, chacun de ces penchants ayant un rôle particulier à jouer dans la promotion de la créature humaine et dans son bonheur ici-bas, sans oublier que le grand élan vital qui anime tout individu est le fait même de ces penchants qui émanent du plus profond de son être.

Cependant, tant que la relation qui lie l'homme à la vie reste forte, celui-ci attendra beaucoup de l'existence et dans son cœur brilleront toujours les lueurs du désir et de l'espoir, ce qui nous amène à penser que les douleurs et les peines qu'il ressent ne sont que l'expression de cette tendance à se convaincre et à apaiser ces désirs spirituels. De sorte qu'à chaque fois qu'il assouvit l'un de ses penchants, s'exprime en lui un autre désir, ce qui se traduira par un mouvement et une activité perpétuelle et pour l'homme par une énergie toujours renouvelée.

L'homme ne peut pas trouver la voie du bonheur rien qu'en se fiant à son instinct naturel et en le suivant. Il est certain que l'animal peut lui se rapporter à ses instincts pour ordonner et organiser sa vie. C'est ainsi que chacune de ces

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espèces non humaines est régie uniquement par les lois de l'instinct et peut se passer de l'éducation et de l'enseignement pour concevoir sa manière propre d'exister. Mais l'instinct ne peut, à lui seul, comme dans le cas de l'animal, le prémunir contre les errements et les fautes, la raison étant pour lui le premier guide, à la différence des animaux; c'est elle qui lui indique la voie à suivre pour une existence honorable. C'est par la raison et la réflexion que l'être humain pourra trouver la voie de son bonheur et qu'il avancera vaillamment et inébranlablement dans cette voie.

L'être humain est, de ce fait, confronté intérieurement à une guerre implacable entre ses instincts et sa raison, chacune de ces forces tendant à annihiler l'autre. Il importe donc pour atteindre l'équilibre interne nécessaire à chacun que nous soumettions nos instincts à la raison, car celle-ci, en tant que capital, devra être investie dans la capacité à percevoir les dangers dans leur réalité et à les éviter afin de parvenir à l'ordonnancement de nos existences.

Nous pouvons alors affirmer que l'être humain peut fonder son bonheur en s'appuyant sur la raison, de manière forte et décidée, pour éviter que son esprit ne soit dominé par ce danger que représentent les instincts. Il peut également céder sous la pression de ses instincts et emprunter les chemins de l'erreur. L'homme a donc besoin, pour se prémunir contre ses mauvais instincts, de se doter d'un solide bouclier qui le protégera de leurs attaques; de choisir une

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voie et une manière de vivre appropriées; de savoir comment éviter les voies sinueuses qui peuvent le tenter; enfin, pour une bonne organisation de sa vie, de se placer sur le plan des bonnes mœurs et du respect de son semblable. L'être humain, pour cela, est contraint de faire des « sacrifices » et de se choisir une « vocation » dictée par les nécessités de l'existence.

Chacun d'entre nous qui dès sa prime existence, a choisi les impératifs de la raison comme références dans l'existence afin d'éviter de se compromettre, verra son énergie spirituelle se développer de manière équilibrée et n'aura aucune difficulté à poursuivre sa voie dans les différentes étapes de la vie.

Selon le professeur Karl:

« Nous n'avons toujours pas compris que nous sommes tous autant soumis aux lois de la cinétique et de la physique que nous devrions l'être vis-à-vis ses lois de la vie, il y a donc une lutte âpre entre la liberté de l'homme et les lois de la nature, lutte dont l'homme est aujourd'hui la victime. Car l'homme veut une totale liberté, mais il ne peut profiter de cette liberté dans les limites des zones interdites sans éviter les dangers qui l'y guettent.

La liberté est semblable à de la dynamite, c'est un moyen efficace et efficient, mais elle est également un danger pour celui qui la manipule et qui en a l'usage. C'est ainsi que celui qui serait le plus à même de l'utiliser est celui-là même qui se soumettrait à la raison et qui aurait la force de

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caractère nécessaire. C'est pour cela que nous disons que l'action conforme aux lois naturelles nécessite de circonscrire le champ de la liberté, car il est impossible de parvenir à la réussite dans la vie sans un minimum de discipline et de contrôle de soi.

La contradiction qui existe entre la liberté de l'homme et les lois naturelles nécessite un exercice spirituel afin d'éviter d'encourir les dangers de l'existence. Nous devons donc combattre maints penchants et maints désirs, car sans un minimum de sacrifices nous ne pourrions nous adapter à l'ordre naturel du monde, car il semblerait que le sacrifice fasse partie des lois de l'existence. Le fait même de s'abstenir d'assouvir certains de nos désirs nous permettra de préserver nos forces et notre volonté, car sans continence et sacrifice la vie ne serait pas aussi belle, aussi sacrée ni aussi grandiose. Chacun doit faire les sacrifices qui s'imposent à lui, car le sacrifice est une nécessité de la vie des hommes. Cette nécessité s'est matérialisée à partir du moment où la libre raison a supplanté l'instinct pressant qui régissait la vie de nos ancêtres. Quelle que soit la volonté de l'homme, s'il donne libre cours à sa liberté, il ne pourra qu'enfreindre les lois naturelles et s'exposer ainsi à de sévères représailles. »

Les limites de la raison

La raison est un des grands bienfaits de Dieu envers l'homme dans Sa volonté de l'honorer: « Dis: c'est Lui qui vous a produits et vous a assigné l'ouïe et les yeux et les cœurs. Pour peu que vous soyez reconnaissants. »

L'Émir

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des Croyants L'imam Ali (que le salut soit sur lui) dit un jour:

« La meilleure chance de l'homme est sa raison, s'il est humilié elle l'honore; s'il chute, elle le relève; s'il se perd, elle le guide; s'il parle, elle dirige ses paroles. »

L'Islam a décrit la raison comme étant l'argument intérieur. C’est ainsi que s'exprime l'Imam Kadhem (que le salut soit sur lui).

« Dieu a envers les hommes deux arguments: l'un énoncé et l'autre tacite. L'énoncé étant les prophètes, envoyés de Dieu et Imams. Le tacite étant la raison. »

Mais, du fait de l'inégalité de la raison parmi les gens et la différence qui caractériser leur perception, chacun ne sera redevable, le jour du jugement dernier, que de sa propre raison ainsi que le rapport l'Imam Bâqer (que le salut soit sur lui):

« Dieu ne jugera les hommes le jour de Jugement Dernier qu'à l'aune de la part de raison dont Il les aura dotés durant leur existence. »

Aujourd'hui, l'Humanité est séduite par les résultats extraordinaires qui découlent de la raison, faisant des découvertes scientifiques le but ultime de la vie. Partant de là, elle a asséné un coup terrible au rôle que devait jouer la raison dans la vie de l'homme. Cette attitude exclusiviste est devenue cause du désintérêt envers cette force qui est en relation directe et étroite avec le principe de l'existence même et de toutes les questions spirituelles. Si cet être, leurré et trompé, pouvait étendre son horizon et accéder aux grands espaces qui échappent à l'œil en adoptant une autre

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démarche, il ne serait pas convaincu par les merveilles matérielles, œuvre de l'esprit humain.

L'Islam a, en cela, une vue plus générale concernant la raison et son champ d'application pour la soumettre à son éducation et l'orienter vers les vérités de l'existence de manière claire et précise. Le Coran appelle la raison à ne pas suivre une voie qui ne lui apparaît pas clairement et à ne point admettre toute chose sans preuve établie: « Et ne cours pas après ce dont tu n'as science aucune. L'ouïe, la vue et le cœur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé. »

Cette déclaration appuie la thèse de la nécessité d'une étude approfondie de chaque sujet avant de s'en convaincre et apporte un meilleur éclairage sur les erreurs de ceux qui ne fondent leurs pensées que sur la croyance et les illusions plutôt que la science et la réalité: « Ils ne font que suivre le doute. Mais le doute ne peut remplacer la vérité en rien. »

Par la méthode posée du raisonnement scientifique, démolit les fondements des raisons qui se fondent aveuglément sur l'imitation et le doute et attire l'attention des imitateurs sur le fait que cette pratique qui nous viens de nos pères et ancêtres n'est qu'égarement: « Ils disent: Non, mais nous suivrons ce à quoi nous avons trouvé nos ancêtres. Quoi! Même si leurs ancêtres ne comprenaient rien et n'étaient pas bien guidés? »

Cette guidance et cette volonté de montrer la voie visent à ouvrir les yeux et à corriger l'engagement de la raison en

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chassant les doutes, ce qui amènera la raison à plus de discipline dans son activité et mènera à regrouper les différentes forces et idées qui lui sont assujetties.

Ce à quoi tend l'Islam, dans le domaine de l'intellect, ce n'est pas la pensée dénuée de pragmatisme, c'est-à-dire la pensée philosophique pure. Le Coran qui rapporte les détails de la création convoque la raison et appelle l'homme à consacrer ses forces vives à réfléchir sur les miracles de la création de l'Univers par Dieu et donc à s'élever à la vérité à travers une pensée libre et éloignée des mythes, afin de ne pas se perdre dans des chimères, mais plutôt de lier sa perception à la réalité de l'environnement qui l'entoure.

À ce sujet, Spinoza écrit:

« Le plus haut que notre raison peut atteindre est l'idée de l'existence de “Dieu” c'est-à-dire cette existence absolue et infinie sans laquelle rien ne serait et même ne se concevrait. De ce fait, ce qui serait bénéfique à la raison, si peu soit-il, est de savoir que Dieu existe et aussi que la raison agit en conséquence de ce qu'il sait. Ainsi, nous pouvons dire que la vertu suprême de la raison est l'entendement ou plutôt la compréhension. Cependant, nous avons démontré plus haut que le point culminant de la pensée est l'idée de Dieu, ce qui nous amène à dire que la vertu suprême de la pensée est la connaissance du Créateur. »

L'objectif de la pensée en Islam est de corriger la raison de l'être humain et

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de fonder la vie sur des principes de justice et d'équité, car lorsque l'homme aura atteint un résultat dans la réflexion, il l'aura atteint par sa propre pensée; il aura alors à la transposer de l'état de force à l'état d'action pour en bénéficier quotidiennement. Il est donc nécessaire pour le Croyant d'assumer l'ensemble de ses actes, de ses sentiments et de ses pensées et qu'il entreprenne une lutte continue pour vaincre les déviations qui affecteraient la valeur intrinsèque de l'être humain.

Malgré le fait que la raison est le principal guide de l'homme, il arrive que les instincts envahissent cette raison et la dominent, obscurcissant par la même les jugements de l'être humain, comme l'évoque le Coran: « Et puis, s'ils ne te répondent pas, sache alors que c'est leurs passions qu'ils suivent, rien d'autre. Et qui est plus égaré que celui qui suit sa passion sans la guidance de Dieu? Dieu, vraiment, ne guide pas les gens prévaricateurs. »

Dieu dit: « Bien au contraire, ceux qui prévariquent suivent leurs propres passions sans savoir ».

Puis, Il ajoute: « Si la vérité suit leurs passions, certes les cieux et la terre et ceux qui y sont seraient dans le désordre »

Enfin: « En bien, le vois-tu celui qui prend sa passion pour son Dieu? Si Dieu l'égare sciemment... »

Le Cheikh Saddouq rapporte dans son livre:

« Le sens des nouvelles » que le Prophète (que le Salut de Dieu soit sur lui) a adressé la parole à ses compagnons qui revenaient du champ de bataille en ces termes: « Bienvenue aux gens qui

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ont accompli le petit Djihad et qui doivent encore accomplir le grand Djihad. On lui demanda: Ô Prophète, qu'est-ce que le grand Djihad? Il leur répondit: Le Djihad de l'Âme. »

Il en ressort donc que ne pourra prétendre à la grâce du Seigneur que celui qui aura pu contrôler ses mauvais penchants et qui n'aura pas laissé ses désirs dominer sa raison, versant ainsi dans la mauvaise voie: « Et pour celui qui aura redouté d'avoir à se tenir debout devant son Seigneur et préservé son me de la passion, alors oui, le Paradis! Ce sera le refuge. »

La conscience et les instincts refoulés

La conscience morale est un facteur important dans la régulation des pulsions de l'âme. C'est ainsi que l'homme, depuis les temps les plus reculés de son apparition sur la terre, n'a cessé de faire le bien pour le bien et d'essayer d'éviter le mal, prêtant l'oreille à cette voie intérieure qui s'appelle la conscience, car sa vie spirituelle a toujours été tributaire de sa conscience et de son âme.

C'est ainsi que faisant la différence entre les épines et la fleur, il a su écarter les premières pour jouir des senteurs de la seconde; de même, sachant séparer le bien du mal, il ne pouvait se tromper sur ses actes. La nature de la conscience humaine est un des phénomènes les plus captivants de la création du Seigneur.

Quand l'homme jouit d'un bon équilibre intérieur, il ne peut qu'être juste et loyal, s'écartant des voies du mal et de la traîtrise. Il en est de même de

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la conscience qui est l'élément révélateur de la réalité. De ce fait, tout ce que l'homme perçoit du monde qui l'entoure, il le comprend comme des signes qui lui parviennent de son environnement et qui sont dissociables de son esprit. Tandis que la réalité qui émane de son for intérieur est perçue par lui comme étant plus proche de son âme que ce qu'il appréhende du monde extérieur par l'œil ou l'ouïe; il s'aperçoit alors que cette réalité fait partie de sa conscience et en est indissociable.

Alors que certains psychologues, tel Freud, nient l'innéité de la conscience et rapportent que ce qui est appelé conscience morale n’est que des penchants refoulés de la vie sociale, réprimés dans l'esprit de l'homme, de sorte que la conscience n'est pas autre chose qu'un garde-fou sans lequel la société n'aurait pas grand prise sur le comportement des êtres qui la composent.

Freud, dans ses études de psychologie analytique, recherchait les racines de l'âme sans se préoccuper des autres éléments qui déterminent les comportements et agissements malsains.

Nous ne pouvons trouver à travers le monde l'exemple d'une nation qui élèverait la trahison, le parjure, l'injustice et la violence en tant que vertus, tandis qu'elle ravalerait la loyauté, la droiture et la justice au rang de mauvais comportements, pour rechercher à travers cette attitude, les voies du bonheur et de la réussite.

Nous ne pouvons donc faire nôtre la théorie de Freud que dans la mesure où l'homme a pu apprendre à distinguer le bien du mal à travers

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les évènements du monde, et donc admettre que chaque action de l'homme, en ce bas monde, qu'elle soit bonne ou mauvaise, n'est que le reflet des interdits que nous impose la société pour réprimer et refouler nos instincts.

Lorsque Freud, dans ses écrits sur le comportement moral, nie la conscience, rabaissant l'homme à un ensemble d'instincts et de penchants, il ne fait que réfuter tout naturellement toutes les valeurs morales et, plus encore, il passe sous silence toutes les tendances au bien qui œuvre profondément à modeler la nature humaine. En conséquence, le bien, l'entraide et le soutien qu'apporte le puissant au faible ne sont, à ses yeux, que des formules dénuées de sens.

Sur la base de cette théorie, le fait de refouler ses pulsions et ses instincts naturels au plus profond de son âme ne découle pas de la volonté et de la force de caractère de l'être humain, mais plutôt de la pression de son environnement.

Si la conscience était le reflet des forces externes à l'homme, nous n'aurions aucune explication à fournir concernant le contrôle que peuvent exercer certaines personnes sur leurs instincts ou penchants naturels et qui supportent les souffrances pour le bien public, c'est-à-dire sans attendre aucun bénéfice pour eux-mêmes. Ceci ne s'accorde aucunement avec la théorie de Freud qui réfute les sacrifices et les compare à une supercherie à l'égard de l'inconscience humaine qui est plus liée aux penchants naturels refoulés.

Les chantres du réformisme, à travers l'histoire de l'Humanité, ont, de tout temps, appelé les gens

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à plus d'honnêteté, ce qui amène à croire que ceux-ci n'ont pas suivi leurs chefs par peur de leur force, mais plutôt par conviction.

Il y a dans la vie beaucoup de personnes qui préféreraient plutôt mourir que d'avoir un jour à affronter leur conscience du fait de comportements qu'ils jugent déshonorants ou immoraux. Les gens qui accomplissent de bonnes actions ne voudront, à aucun moment, cesser de le faire parce que le bonheur qu'ils en retirent n'a pas, pour eux, d'équivalent.

Il est évident, aujourd'hui, que si le monde n'avait pas admis, dès le début, qu'il n'y avait aucune noblesse dans la recherche des profits au seul bénéfice des individus, il ne connaîtrait pas cette complémentarité et ce développement entre les sciences et les industries.

Les limites des jugements de conscience

Il est rare que la conscience se trompe dans ses jugements, alors que les erreurs que commet l'homme dans sa vie sociale ne sont que la conséquence de la mauvaise perception de ses sens ou de son entendement dans l'analyse des faits ou de la faible résistance qu'il oppose aux désirs qu'il porte en lui et à ses mauvais penchants.

Ainsi, la multiplicité des erreurs dans les différents aspects de sa vie n'est pas imputable à la conscience ou au défaut de conscience, car celle-ci n'a d'autre incidence que dans les limites de son champ de travail, à savoir l'analyse de ce que perçoivent les sens et la raison, c'est-à-dire les sujets et les lois, objet de jugement.

La bonne conscience nous pousse toujours à éviter les déviations, autant

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que possible. Cependant, il arrive qu'elle soit entachée par le crime et le péché, dans certaines circonstances, provoquant chez l'homme un sentiment de culpabilité. Ainsi, une fois le crime accompli, l'être humain se recentre sur lui-même pour procéder à une autocritique qui fait qu'il sent monter en lui une vague de chaleur provenant du plus profond de son être, qui l'assaille et le remplit de honte et de repentir. C'est cela qu'on appelle la conscience, c'est-à-dire cette réflexion sur la faute et sur le châtiment très dur qui l'attend, l'amenant à se repentir et à regretter profondément son acte.

La conscience n'est pas seulement un guide sûr au plan de la vie quotidienne, mais elle est également le témoin de nos actes qui contrôle tout au long de notre vie et nous rapporte nos faits et gestes. Aussi, il est possible que l'homme puisse s'exprimer en contradiction avec son cœur, ou qu'il maîtrise totalement ses actions, ne laissant rien transparaitre de ses moindres pensées, mais il ne pourra rester sourd, indéfiniment, à l'appel qui émane du plus profond de son être ou qu'il n'entende pas le cri de réprimande qui l'interpelle. Il est impossible de neutraliser totalement la conscience. Même si elle semble s'assoupir pendant un certain temps, il arrivera qu'un jour elle se réveille pour évaluer les actions de chaque être. Elle finira par rendre les jugements mesurés à l'aune du bien et du mal pour chacune des actions et punir en conséquence.

Rien n'est plus cher aux yeux de l'homme

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que lui-même et, à partir de là, celui qui se voit réprimander par sa conscience se détestera et fuira son image, c'est-à-dire qu'il se punira de sa propre main. Ainsi, la conscience peut être considérée comme le facteur le plus déterminant dans la limitation des crimes et péchés.

Cependant, si les atteintes qui touchent l'homme sont au-dessus de ses forces et triomphent de sa résistance, la conscience sera alors profondément ébranlée, ce qui pourrait, au vu de l'emprise qu'elle exerce sur l'esprit, causer ce que l'on appelle communément des maladies psychologiques ou psychopathologiques.

Certaines études faites sur des personnes atteintes de déséquilibre mental ont fait apparaître qu'elles avaient perdu la raison du fait des contraintes et de l'énorme pression exercée par la conscience sur eux, en raison des crimes qu'elles avaient commis.

Il est possible que les penchants et les désirs de l'âme exercent une telle pression sur l'homme que celui-ci tente de tromper sa conscience et de rester sourd à ses messages. Il est vrai que l'homme est doté d'une grande force de résistance à la pression des penchants et désirs qui sont toute aussi grande et que tant que son équilibre n'est pas touché, sous l'effet de cette pression, il pourra poursuivre son action et sa lutte dans la voie du devoir, autant que faire se peut.

Selon Henri Baroque:

« La force de résistance de la conscience est peu commune, car même lorsqu'on ne la perçoit pas, elle demeure en éveil. Et lorsque cette situation devient critique, elle recommence à s'exprimer de nouveau. »

Finalement,

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on peut affirmer que quiconque n'écoute pas la voix de sa conscience ne peut que s'écarter du droit chemin et connaître les tourmentes de l'âme et les troubles de l'esprit. Par contre, que tous ceux qui écoutent cette voix ne pourront que jouir d'un bon équilibre et d'une bonne santé psychologique! Et c'est cela, précisément, que recherche vainement tout être humain égaré.

Le Coran et l'appel des instincts

Nombre de savants estiment, aujourd'hui, que la théorie de Freud est dépassée et que la conscience fait partie d'un tout qui est l'homme. Les penseurs qui ont eu à étudier ce que recèlent la raison et la nature humaine de droiture ne cessent, dès lors, de souligner le phénomène de la conscience et la tendance de chaque être à faire le bien de manière innée. De même, le Coran insiste sur cet aspect à travers ses versets et relève cette capacité de l'homme à faire la différence entre le bien et le mal: « Et par l'âme et comme Il l'a ordonnée en sorte qu'll lui a inspiré son libertinage de même que sa piété. »

Selon Jean-Jacques Rousseau:

« Il est vrai que l'homme, tout homme, ne recherche rien d'autre que son propre bonheur. Mais nous ne devons pas oublier qu'il y a un bonheur moral qui découle des plaisirs spirituels et pour lequel les meilleurs se sacrifient. C'est pour cela que nous disons que les premiers sont des hommes sans cœurs qui n'œuvrent que pour le profit matériel pour eux-mêmes. Ainsi donc, l'activité de la conscience n'a aucun lien avec les jugements

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de la raison, mais elle est plutôt la résultante d'un certain sentiment inné. Et à supposer que nous ne puissions atteindre la nature même de la conscience par nos propres moyens, du moins nous pouvons en ressentir la présence et l'existence de manière profonde.

Ô conscience, toi qui représentes l'appel divin en nous, toi qui es notre guide et qui nous préserves des errements, toi qui guide notre raison, qui juge du bien et du mal sans erreur, toi qui rapproches l'homme de son créateur, qui polis et éduque sa nature et qui concilie nos actes avec les lois morales. Si ce n'était toi, je ne pourrai appréhender en moi cet être qui me distingue des animaux, qui me rend différent d'eux par mon entendement et ma raison diminuée et désordonnée, qui fausse mes jugements et me rends fautif par mes actes et commettant erreur sur erreur.

Mais ce guide ne suffit pas, il faut encore bien le connaître et le comprendre. Et, dans ce cas, si la conscience parle aux cœurs, pourquoi si peu d'entre eux l'écoutent-ils? Oui. Depuis si longtemps que nous la repoussons et l'humilions, elle ne nous parle plus et ne nous réponds pas. De fait, sa présence ou son absence nous est tout autant difficile à supporter. De même qu'il est difficile pour celui qui n'apprécie plus les désirs spirituels de les rechercher. »

Quant au Professeur Friedman, il rapporte les observations suivantes:

« L'appel de la conscience fait partie de la personnalité humaine, car rien ne vient par l'éducation et

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l'enseignement. Et quiconque parvient à une position dans la société ou devient l'un de ses dirigeants ne doit être guidé que par sa conscience pour agir au mieux et éviter l'erreur. »

Selon un autre psychologue:

« La conscience n'est pas un réflexe artificiel. Elle est un élément humain naturel et profond. Car l'homme ne peut quelque soit son désir étouffé ou enterrer sa conscience. Ainsi, le fait que la conscience résiste aux plus graves maladies et même aux atteintes de l'âme et à la folie et persiste après l'extinction de la raison ne fait que renforcer la conviction que la conscience occupe une grande place et un rang élevé dans l'âme humaine.

Certains scientifiques se demanderont: la conscience ne serait-elle pas la résultante de l'éducation et de l'enseignement religieux? Pour y répondre, nous devons nous rappeler que les anthropologues ont mis à jour, dans leurs fouilles, ce qui s'apparente à d'anciens rites qui représentent la conscience comme un état de contemplation chez les anciennes tribus et l'adoration des dieux. Ce qui prouve l'existence de la conscience depuis que l'homme a été créé. Nier ce fait équivaut à ignorer la nature de l'être humain. »

Dieu Lui-même, après nous avoir rappelé les dons qu'Il nous fait, celui de la vue, du parler et de la raison, rapporte Son orientation de l'homme vers le bien et le mal par ces paroles: « Ne lui avons-Nous pas assigné deux yeux et une langue et deux lèvres? Et Nous l'avons guidé aux deux voies. »

Ceci ne nous démontre-t-il pas que l'homme a

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appris la distinction entre le bien et le mal à l'école de la création: « Oui, c'est Nous qui créons l'homme d'une goutte de mélange de sperme pour l'éprouver. Nous l'avons donc fait entendre et voir. »

Samuel Smiles nous dit:

« Les grands esprits et les idées sublimes sans la conscience qui les guide et les oriente ne sont que des éclairs vifs qui peuvent aveugler l'homme et causer sa porte. Car la conscience est cet élément qui le maintient ferme et droit et l'empêche à s'écarter de la bonne voie.

La conscience enseigne au cœur les bonnes mœurs. Elle éduque l'homme et lui montre la voie; elle lui inculque la pensée juste; elle fortifie sa foi, à vivre dans la décence. Sans elle, les sentiments purs ne pourraient croître et arriver à maturité l'intérieur de l'âme humaine. »

Il est dit dans le Coran: « Non, J'en jure par le jour de la Résurrection! Mais non, Je jure par l'âme grande réprimandeuse! » Dans ce verset, Dieu nous rappelle cette voix intérieure qui nous vient du tréfonds de nous-mêmes et qui nous reproche nos péchés et nos fautes, à savoir ce que Dieu appelle « l'âme grande réprimandeuse ». Cette force intérieure qui nous réprimande et qui les psychologues ont appelé la « conscience ».

Selon le professeur Otto Friedman:

« Il n'est pas rare de remarquer que beaucoup de personnes passent du temps dans les bars ou les auberges, à consommer des boissons alcoolisées, ou alors parient leur argent, ou bien jouent au tennis, sans pour autant éprouver du plaisir, car elles souffrent de

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maux intérieurs. C'est-à-dire qu'elles entendent une voix qui vient d'eux-mêmes et qui les réprimande et leur dit: tu passes ta vie à ne rien faire! Et cette voix n'arrête pas de retentir dans leur conscience.

Parfois, une idée traverse l'esprit de ces personnes, les invitant à abandonner ces plaisirs vains pour s'occuper plutôt de l'éducation de leurs enfants, à faire de l'agriculture, de l'apiculture ou s'adonner à toute autre activité utile. C'est la conscience qui les pousse ici au bien et à agir au mieux de leur intérêt et de celui des autres. C'est alors que l'homme se compare aux autres gens et apaise sa conscience. Ainsi, plus l'homme écoute sa conscience, plus sa force de caractère et sa stabilité morale sont elles augmentées et raffermies. Au contraire, Plus il s'éloigne de l'appel de sa conscience et plus il versera dans la brutalité et les fautes. »

Il peut arriver, parfois, que l'homme se trompe et se livre à ses penchants, ce qui le fera souffrir et regretter toute son existence d'avoir eu ses instants de faiblesse. Il se sentira alors malheureux et abattu, comme le dit le Calife Ali (que le salut soit sur lui): « Combien le plaisir d'une heure a-t-il engendré de longues tristesses. »

La communauté humaine a toujours tiré profit de la conscience, tout au long de son histoire. Mais pour ceux qui n'éprouvent aucun sentiment et qui n'ont aucune conscience, qui ne font pas la différence entre le bien et le mal et qui passent leur vie durant à manger,

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à dormir et à assouvir leurs désirs, ces personnes-là sont esclaves de leurs impulsions et de leurs instincts bestiaux; elles sont comme une planche dont se jouent les vagues. De ce fait, la société qui les abrite ne peut aucunement compter sur eux. Car lorsqu'on confie une mission qui nécessite de celui qui en est de la conscience, il est important de s'assurer que celui-ci est guidé par elle. Il serait aberrant et irraisonnable de confier cette tâche à une personne dont on sait qu'elle n'obéit point à sa conscience, encore moins à celle qui l'ignore et va à son encontre.

L'Islam, à ce propos, a donné une importance toute particulière à la conscience et insisté sur le fait que l'élévation de l'âme par la réflexion et le travail individuel et social résulte de l'obéissance à la conscience. L'Islam œuvre, par ses principes, à cultiver dans l'âme humaine une tendance à éviter de nuire aux autres, même dans les moments de colère et de frustration. Il avertit, à travers le Coran, les gens d'agir ainsi: « (...) Et que la haine d'un peuple ne vous invite pas à ne pas faire l'équité. Faites l'équité: c'est plus proche de la piété. » Cela signifie qu'il n'est permis à personne, pour quelque raison que ce soit, d'agresser les autres et de fouler aux pieds leurs droits.

La loi interdit à l'homme de commettre des infractions à son encontre, par le seul pouvoir qu'elle a à son égard et du fait des moyens limités qu'elle possède. Par

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contre, l'Islam, à travers l'intérêt qu'il porte à l'éducation de la conscience de ses adeptes, fait que ceux-ci perçoivent par eux-mêmes la nécessité de s'abstenir de certaines actions afin de se rapprocher spirituellement de leur Créateur. Nul doute que ce sentiment, cette attitude morale et cette foi offrent plus de quiétude à l'homme et concourent aux objectifs de l'éducation.

L'Islam croit qu'il est possible d'atteindre les objectifs mêmes d'une existence heureuse par l'entraide, les relations amicales et l'affection que porte chaque être humain et qu'il ressent pour ses semblables. Il appelle ainsi les gens à ces sentiments nobles et à bâtir leurs relations sur la base de la fraternité et de la concorde.

Ainsi, le musulman a conscience que l'Islam, par sa lumière, lui montre la voie à suivre, sauf s'il ne veut pas se donner la peine de fraterniser avec ses semblables et de comprendre autrui.

Selon l'Imam Sâdeq (que le salut soit sur lui), le Prophète (que le Salut de Dieu soit sur lui) disait: « Le croyant a envers ses semblables sept responsabilités que lui impose Dieu Tout Puissant: le respecter, l'aimer, le réconforter dans ses biens, veiller sur lui en son absence, lui rendre visite en cas de maladie, assister à son enterrement et ne dire de lui que du bien après sa mort. »

L'homme obéit donc à son innéité et fait la distinction entre le bien et le mal tant que cette innéité n'est cachée par rien. Tandis que la conscience enchaînée par les penchants et les désirs inassouvis ne

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peut aucunement rendre compte de sa réalité. De ce fait, lors d'événements brutaux, tels les guerres et les troubles révolutionnaires, la conscience est rudement ébranlée et peut même s'arrêter de fonctionner. De même que les fausses convictions qui sont les plus puissants moteurs de l'homme peuvent atteindre durablement la conscience et, par conséquent, causer d'irréparables dégâts à l'humanité tout entière.

La différence qui existe entre un homme qui est doué d'une conscience et un autre qui n'a aucune conscience est semblable à la différence qui sépare le ciel de la terre. Car l'affrontement et le désaccord qui existent entre ces deux types d'homme sont plus acharnés que ceux pouvant exister entre l'homme et toute autre créature sur terre.

Si le feu peut brûler tout ce qu'il touche, par le simple fait que sa nature même est de brûler, il ignore qu'il occasionne par la même des souffrances; l'être humain qui ne jouit pas de la conscience est, par contre, conscient de ses actes et de ce fait, il sait qu'il fait du tort volontairement à ses semblables, la répétition des péchés ne fait que jeter un voile sombre sur la nature innée de l'homme. Ainsi, le pire des criminels poursuit-il ses crimes sans ressentir aucun sentiment de culpabilité pour les mauvaises actions qu'il a commises, ni de remords de sa conscience. Mais cela est une exception qui s'apparente au « sadisme ».

La société ne peut instaurer une véritable justice sociale que si les hommes qui la composent sont portés par un élan de l'âme

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qui les guide et les pousse dans la voie du bonheur, et de l'honneur et auquel ils obéissent. Si les hommes faisaient partie d'une seule nation constituant une véritable entité, celle de leur humanité, le problème ne se poserait plus de cette façon, car ils seraient alors comme les différents organes d'un même corps ou bien comme les pièces d'une seule et même machine.

Le fondement de la raison et de la conscience

Lorsque les penchants et les désirs refoulés tendent à briser la raison et la conscience et à asservir l'homme, la « foi » devient alors le refuge le plus sûr pour tout être humain, la foi est donc le capital de la raison et de la conscience et leur plus grand protecteur. Raison et conscience peuvent, sous sa protection, refouler les assauts de nos désirs et briser leur élan; elles sont comme les murailles d'une forteresse que prendrait d'assaut la horde des mauvaises tendances qui seraient vaincues dans tous les cas. Ainsi, le Coran compare-t-il l'homme, qui est paré de l'armure de la foi, en ces termes: « (...) tandis qu'il croit en Dieu, saisit alors l'anse la plus solide, sans brisure. »

La mission de la raison théorique, fondement des sciences théologiques, mathématiques et naturelles, est de rendre des jugements d'ordre pratique. Tandis que la raison pratique, fondement des sciences de la vie, son champ d'investigations est la fonction et l'œuvre de l'homme. Ainsi, la méthode pratique que choisit l'homme durant sa vie relève des jugements de sa raison pratique.

Parmi les facteurs importants qui ont un effet considérable sur la pertinence

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de la raison et son bon discernement, il faut citer la piété. Car il est dit que la piété engendre la raison et ouvre la voie de la sagesse. Ici, il ne s'agit nullement de la raison théorique, mais plutôt de la raison pratique, c'est-à-dire que l'homme, par sa piété, peut déterminer la meilleure voie à suivre dans la vie et connaître ainsi le traitement de ses maux.

Du fait que l'aire d'exercice des jugements de la raison pratique » ce sont les penchants, les désirs et les sentiments de l'être humain, il est évident alors que le diktat de ses désirs et de ses penchants aura une influence directe sur sa raison et sa manière de penser et qu'il devra comprendre et assimiler les termes de bien et de mal dans le cadre de ses fonctions et de ses obligations, pour éviter que sa raison ne soit obscurcie et qu'il ne perde toute clairvoyance dans ses actes.

Ce qui ressort clairement des textes islamiques c'est qu'ils décrivent les désirs comme les ennemis de la raison, partant de l'observation qu'ils affaiblissent le pouvoir de la raison et diminuent sa force de persuasion. À ce sujet, le Prophète (que le Salut de Dieu soit sur lui) nous dit:

« Ton plus dangereux ennemi est l'âme qui est en toi. » Selon l'Imam Sâdeq (que le salut soit sur lui). « Le désir est l'ennemi de la raison ».

Quant au Calife Ali (que le salut soit sur lui), il dit: « Les raisons chutent généralement sous la pression des désirs ». Cependant,

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si la piété est présente, elle pourra contenir les désirs et les refouler, ce qui aura pour effet de libérer la raison et de lui ouvrir le chemin de l'âme. Partant de là, nous pouvons appréhender les effets de la piété sur la clairvoyance de la raison et son jugement.

Le Prophète (que le salut de Dieu soit sur lui), citant les qualités du croyant, nous dit:

« Il ne fréquente pas celui qui éprouve de la haine et ne cause pas de torts à celui qu'il affectionne; il n'agresse ni ne provoque; il n'approuve pas le mal fait par ses amis et ne repousse pas l'équité qui est l'œuvre de ses ennemis. »

Si Dieu a accordé à l'homme la raison et la conscience, qui sont son grand capital, Il l'a laissé libre de ses choix quant à la manière d'en tirer profit. Cette liberté totale n'exclut pas que l'homme doive réprimer certains de ses instincts naturels pour asservir sa nature à l'autre partie de son être que sont la raison et la conscience.

Dans ce cas, c'est-à-dire lorsque la nature et la conscience ne s'opposent pas aux désirs refoulés de l'âme humaine, celles-ci sont à même d'orienter l'être humain de manière beaucoup plus aisée. De plus, elles influent plus profondément sur celui-ci que toutes les forces que pourrait exercer l'environnement, par cela même que les jugements rendus par sa conscience et sa raison sont, pour lui, plus convaincants et ne donnent pas matière à s'y opposer.

Le problème se pose, cependant, lorsque l'obéissance à la

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conscience et à la raison nécessite de réprimer un désir, car il arrive très souvent que la volonté soit brisée par la force d'un désir irrépressible.

Toutefois, pour celui qui se conforme aux orientations de son Créateur, qui a foi profondément en Lui et qui se soucie des aspects religieux de l'existence, il est plus facile, en se basant sur ces principes, de réprimer et de contrôler ses désirs et de leur résister quand cela est nécessaire.

Arguties, prétextes et fausse rhétorique

L'obéissance à la raison et à la conscience et aux impératifs de justice et d'équité n’est pas des sujets obsolètes. C'est ainsi que nous pouvons observer que beaucoup d'hommes qui n'ont pas cette capacité d'entendement et de perception de la réalité qui les rendrait accessibles à la raison et à la conscience leur intimant de dépasser les intérêts personnels égoïstes au nom des responsabilités morales et religieuses ne se sentent nullement concernés et ne consentent aucunement à supporter les conséquences des sacrifices à consentir. Ces hommes ne feront que se fourvoyer tout au long de leur vie et violenter leur conscience pour finalement recourir à la pratique d'une raison tronquée et d'une pensée écartelée.

Il est évident que cette manière de faire et d'agir est inacceptable à maints égards. Cette attitude poussera cette catégorie d'hommes au sophisme face aux esprits raisonnables et consciencieux, c'est-à-dire qu'ils feront appel aux arguties et à la fausse raison, ce qui deviendra chez eux une habitude néfaste qui pourrait revêtir un caractère permanent.

Il est d'autres personnes qui chercheront à fuir leurs

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responsabilités et à nier leurs erreurs en les rejetant sur les autres. Ces personnes, tout au long de leur existence, tenteront de se justifier et de forger des raisons et des arguments pour se couvrir et se tirer d'affaire en préservant au mieux leurs intérêts personnels. Ces arguties et ces raisons fallacieuses que présentent ces personnes nous apparaissent comme autant de preuves et d'arguments en leur défaveur, car ils ne font que se référer à ces mensonges dans leur comportement avec la société pour justifier de leurs attitudes criminelles.

À ce sujet, Dale Carnegie écrit:

« J'ai en ma possession certaines lettres très intéressantes et amusantes qui me viennent du directeur de la célèbre prison de Sing-Sing et qui me dit: Peu sont les criminels à Sing-Sing qui se voient comme des êtres nuisibles, mais plutôt comme tous les gens pacifiques. Ils justifient et expliquent leurs actes et avancent les raisons et les motivations à l'origine de leurs méfaits. Ils avouent avoir agi sous la contrainte, forcés, par exemple, de dérober le contenu d'une caisse ou de tuer pour de l'argent.

La plupart des criminels tentent de justifier ainsi les actes qu'ils ont commis à l'encontre des hommes et de la société, non seulement pour convaincre les autres, mais surtout pour se convaincre eux-mêmes et, de ce fait, affirment que leur arrestation et leur emprisonnement sont contraires au droit et à la justice!

Si la plupart des criminels qui se trouvent maintenant en prison, derrière les barreaux, se voient sous ce jour, alors quelle peut

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être la conviction des personnes que nous rencontrons quotidiennement. »

Bien sûr, toute personne qui se compromet par la transgression de l'ordre social et des lois de la morale publique ressentira, tout au début, de la douleur et éprouvera un remords de la conscience. Mais, par la répétition de l'acte, elle s'habituera progressivement et n'aura plus aucun remord, elle oubliera même la gravité d'un tel acte. De ce fait, cette personne ne ressentira, au plus profond de son âme, plus aucune douleur ou de repentir.

Le Coran compare ces personnes qui ont perdu la raison et ne sont plus conscientes des dangers que peuvent représenter pour eux et pour la société leurs actes empreints d'égoïsme et d'intérêts personnels, car elles ne font plus la différence entre le bien et le mal, à un troupeau errant, sans berger pour le guider. « Ils ont des cœurs par où ils ne comprennent pas, ils ont des yeux par où ils ne voient pas, ils ont des oreilles par où ils n'entendent pas: ce sont de vrais bestiaux et plus égarés encore. Tels sont les inattentifs. »

Chapitre 3: L’Éducation de la Personnalité et sa Plénitude

L'échelle d'évaluation de l'homme

Ce qui différencie les êtres humains et constitue la référence pour évaluer la valeur de chacun c'est la « personnalité ». Malgré la ressemblance de leurs attributs qualitatifs et la similitude de leurs réactions et de leur comportement général dans la vie sociale, il demeure que chaque individu présente des particularités sur le plan éducatif qui forment une entité distincte des autres êtres qui comme lui font partie du genre humain.

La recherche

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de la personnalité n'est pas une recherche de caractères exclusifs abstraits chez l'individu, car le concept de personnalité signifie tout ce qui constitue un individu, entre autres l'identité, c'est-à-dire la différence entre les individus, un ensemble d'attributs et de motivations personnelles ayant leur source dans l'inconscient, le tout formant une personnalité spéciale.

Cependant, malgré que les principes présidant à la formation et au développement de la personnalité sont les mêmes pour tous, il n'en demeure pas moins que leur application à deux êtres ne donne pas un même résultat. Au vu de la comparaison qu'on peut faire entre eux, on relève des différences bien marquées. De même, si nous pouvons évaluer les aspects perceptibles de la personnalité par une analyse des réponses fournies à des questions précises, donc évaluer cette personnalité, il est très difficile d'en cerner les aspects cachés, les facteurs incitatifs et les raisons qui la déterminent et qui ne sont pas détectables du fait qu'elles plongent leurs racines dans l'inconscient de l'être.

Certaines caractéristiques ont plus d'importance dans la formation de la personnalité que d'autres. Les notions de bien et de mal sont, à cet égard, décisives. C'est-à-dire que l'étude de la personnalité se fait par le prisme des mœurs de l'individu.

Le développement de la personnalité d'un individu et la formation des caractères de l'esprit en lui sont intimement tributaires de l'étendue et du niveau de sa perception des faits qui se produisent autour de lui et de la façon de les appréhender et de les évaluer. Il est

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naturel que l'individu adapte sa personnalité avec ce qui l'intéresse le plus, qu'il organise ses activités et son comportement de manière harmonieuse et en accord avec la valeur la plus éminente à ses yeux dans la vie. La différence des valeurs nous renseignera sur la manière de penser et la psychologie des êtres humains. De là, nous pensons comprendre la valeur réelle de chaque homme et évaluer, de ce point de vue, sa personnalité.

Par exemple, celui qui croît bâtir son bonheur sur une base matérielle, quantitative et qualitative, et y œuvre de manière continue et avec persévérance, en restant sourd aux valeurs réelles de la vie qui apportent le vrai bonheur, celui-là a déjà détruit sa personnalité humaine. Nombreux sont ceux qui œuvrent leur vie entière à accumuler les richesses matérielles et refusent de se consacrer eux-mêmes, l'espace d'un instant, à l'acquisition des richesses spirituelles qui sont, pour l'homme, la seule vraie richesse.

Les psychologues émettent plusieurs théories au sujet de la relation entre la personnalité et les faits sociaux et, plus spécialement, dans le domaine de la psychosociologie. Certains voient dans la personnalité la résultante du système physiologique et génétique de l'individu, tandis que d'autres pensent que les aspects de la personnalité ne sont que le reflet des aspects sociologiques. Pour ma part, je crois que la théorie réaliste, en dépit des divergences relatives à certaines questions, soulève essentiellement deux hypothèses.

Le foyer familial, l'école et l'environnement social sont trois éléments forces à l'origine de la formation de la personnalité et

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de la spécificité des mœurs et des vertus de l'individu.

Pour la psychologie moderne, l'intérêt se porte essentiellement sur ce qui est appelé l'élément inconnu dans la formation de la personnalité. Les psychologues croient que cet élément est essentiel dans la formation de la personnalité de l'individu, car il peut influer et même changer les autres aspects, c'est-à-dire modifier radicalement la personnalité, au point de transformer cette personnalité de manière imprévisible.

Parlant des causes psychologiques, Mann dit:

« Les effets que génère l'environnement sur la formation de la personnalité de l'individu ont une grande importance. Si l'un de nous était né dans une tribu esquimau, il aurait une personnalité tout à fait différente de celle qu'il a aujourd'hui; nous ne serions pas si différents dans notre manière de nous habiller, de nous loger, de parler et de se nourrir, mais notre regard sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure et notre place dans ce monde serait réellement différente.

Les psychologues ont insisté sur l'importance culturelle et sociologique dans le développement de la personnalité; car si un individu donné avait appartenu à une autre culture et à une autre société, sa personnalité aurait été différente de ce qu'elle est. Le fait, aussi, de résider dans une autre région du pays, de vivre dans une autre famille, qu'il soit uni ou séparé de ses parents et leur manière de vivre, de l'école qu'il fréquente et des camarades qui le côtoient, de ce qu'il voit ou entend, toutes ces choses ont une importance certaine sur la

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formation de sa personnalité. Les effets des facteurs sociologiques sur la formation de l'enfant commencent dès sa naissance et durent jusqu'à la fin de sa vie. »

Les premiers temps de l'enfance sont les plus importants dans la modélisation de l'homme du point de vue sentimental et pour créer cette société parfaite tant désirée. Ainsi, l'éducation première que reçoit l'enfant de ses parents, et plus généralement de ses proches parents, le modélise en quelque sorte, car ce que font et ce que disent les éducateurs aura un effet décisif sur la ligne de conduite et la manière de vivre future de l'enfant, c'est ce qui libérera ses énergies et forgera sa personnalité. De même, leurs erreurs dans l'éducation peuvent inhiber la personnalité de l'enfant et annihiler ses bonnes dispositions. Une analogie peut être faite avec la jeune pousse qui vient de sortir de terre et que l'homme peut, à ce stade de la croissance, orienter à son gré.

Ainsi, nous pouvons déterminer l'orientation de la personnalité de tout individu dès ses premières années et la rendre positive, par l'adaptation du contexte et des nécessités. Dès l'instant où nous déterminons la position qu'occupe l'enfant au sein de sa famille, nous pouvons dessiner les contours de sa personnalité et sa manière de réagir face aux évènements défavorables. De cette façon, nous aurons la possibilité de rechercher les causes de l'immaturité de l'individu ou de son échec dans la vie dans sa personnalité.

Ceux qui ont conscience des tentations intérieures qui les agitent et influent sur leurs

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activités ressentent plus profondément leur indépendance et ont confiance en leurs aptitudes. De sorte que leur productivité augmentera par rapport à ceux qui ne s'intéressent qu'aux choses extérieures et oublient de s'intéresser à ce qui se passe en eux-mêmes et à analyser leurs élans et motivations intérieurs.

Schopenhauer note:

« Parmi les éléments les plus importants du bonheur de l'homme, on relève une nature calme, une vision optimiste, de la force et de l'énergie. Il est possible au sage, même dans l'isolement le plus total, de vivre les heures les plus heureuses de sa vie par la pensée et l'imagination; tandis que l'ignorant, bien que vivant dans le monde et organisant des sorties touristiques pour lesquels il dépense sans compter, il ne peut fuir la lassitude qui gagne son âme et son corps. L'homme mature et optimiste peut passer sa vie dans la misère avec conviction et contentement, tandis que le matérialiste, quand même il posséderait toutes les richesses d'ici-bas et de l'au-delà, il continuerait à vivre dans l'ennui et l'insatisfaction.

L'homme sage et réfléchi est immunisé contre les tentations matérielles qui poussent certains au suicide lorsqu'ils échouent à réaliser leurs espoirs. Comme le disait Socrate, observant une exposition de bijoux et de parures: que de choses existent en ce monde dont l'homme n'a nul besoin! C'est pour cela que nous disons: l'élément le plus important qui influence le bonheur de l'homme c'est sa propre personnalité. »

Nous ne devons pas juger la personnalité sous un seul angle pour en faire ensuite la référence d'évaluation

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unique, car ce mauvais raisonnement peut fausser l'évaluation même et nous éloigner de la vérité.

Nombreux sont ceux qui souffrant d'une faiblesse de la personnalité ignorent sa formidable capacité à pallier les insuffisances et défauts qu'elle recèle. Plus encore, ils n'arrivent pas à faire la distinction entre l'absence d'un élément constitutif de la personnalité et sa disparition progressive, ce qui peut les entraîner vers des comportements malsains et dangereux qu'il serait difficile de corriger.

Il existe des gens qui se caractérisent par un esprit vif, mais qui souffrent de ne pouvoir accomplir certaines choses, ce qui perturbe leurs activités. Il arrive que ces gens imputent cet état de choses à la malchance et tentent ainsi d'éluder leurs responsabilités, ce qui n'empêchera pas qu'ils devront supporter leur fardeau leur vie durant alors qu'ils auraient pu remédier à cela pour peu qu'ils veuillent s'en donner la peine.

Quoique vous essayiez de dissimuler vos faiblesses et chaque fois que vous permettez aux mauvaises pensées de dominer votre esprit, vous participez ainsi à perpétuer ces faiblesses. La réussite dans la vie est liée, chez l'homme, aux décisions qu'il prend. Les chances d'éduquer l'esprit sont illimitées et les résultats, en général, sont excellents. L'important est de s'interroger pour savoir quel genre d'homme on veut devenir. Cette pensée se matérialise dans l'esprit au moment de prendre la décision vitale quant à la voie à suivre dans la vie pour se réaliser pleinement.

Les instincts ont sur l'individu un effet d'attraction et de répulsion constant. Un de ces instincts vous pousse

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sur une voie tandis qu'un autre s'y oppose. Le plus important pour la pensée est alors de trouver un dénominateur commun entre les différentes options et de prévoir ce qui pourrait découler de notre choix en termes de réussite ou d'échec.

Nous devons, en conséquence, savoir qu'il n'existe pas une personnalité homogène derrière ce qu'entreprend l'individu, mais plutôt que la personnalité se compose d'un ensemble de comportements et de traditions complexes et instables qui, au fur et à mesure, se sont imbriqués. Chaque fois que l'esprit est soumis à la tentation, la raison intervient pour opérer ou tenter d'opérer un équilibre entre les différents éléments déterminants afin de détourner l'esprit de la tentation. Pour y réussir, il est nécessaire de réaliser une symbiose entre les différentes tendances et donc que l'homme soit doté d'une certaine force et sérénité morales.

Les psychologues rapportent, pour leur part, une analyse spéciale à ce sujet:

« Comme possibilités d'éviter le danger, il est celle d'affronter les contradictions morales et leurs conséquences avec le courage et la lucidité nécessaires pour atténuer l'effet de celles-ci et réaliser une entente entre elles afin qu'elles puissent coexister dans la conscience sans heurts.

Mais, généralement, nous ne pouvons trouver une solution idéale pour contourner ces contradictions morales, ce qui nous pousse à recourir à des moyens exceptionnels tels le recul, le repli sur soi, le mensonge à soi-même...

Il est possible que l'individu ignore ce que son esprit recèle de contradictions et d'attractions ou qu'il n'y prête pas attention. Ainsi, apparait chez l'homme un type

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spécial de mœurs et de comportements qui ne s'accorde pas avec sa personnalité réelle et cela à son insu. De sorte que la conscience s'oriente sur deux voies différentes et incompatibles entre elles. L'individu est alors atteint d'un dédoublement de la personnalité, c'est-à-dire d'hypocrisie-vis-à-vis des autres! Car les pensées, les concepts, les révolutions et les tendances sont, chez lui, différents et instables.

Ceux qui sont dotés d'une double personnalité affichent, vis-à-vis de l'extérieur, un certain visage, mais agissent à l'insu des autres d'une manière tout à fait surprenante.

Le politique qui défend les prolétaires de manière soutenue en proclamant: “Nous devons secourir les gens démunis”. Mais une fois son objectif atteint il entreprend de compliquer l'existence de ces travailleurs et aggrave leurs maux. Ces individus font partie de cette catégorie qui a un double langage. Pire: ils ont deux personnalités totalement contradictoires. »

L'importance du facteur moral dans l'éducation

Toutes les écoles philosophiques dans le monde voient dans l'éducation le sujet le plus important dans la vie sociale de l'Humanité. Personne ne peut ignorer le rôle capital que joue l'éducation dans l'amélioration de la vie des hommes. L'important est de déterminer le sens réel de l'éducation, ses contraintes et ses fondements qui sont considérés comme des références pour l'évaluation de la personnalité morale des individus et qui, par leur application, aident à emprunter la voie du bonheur et de la plénitude.

Tout comme l'esprit et le corps s'associent pour donner vie à une entité humaine, nous devons savoir que l'éducation a besoin d'un support pédagogique de développement qui assure la coordination

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entre les tendances du corps et de l'âme. Par comparaison entre les deux systèmes éducatifs, c'est-à-dire le système spirituel et le système temporel humain, nous pouvons mieux nous convaincre de la primauté du système spirituel, car la spiritualité est une motivation innée qui jette ses racines au plus profond de l'âme humaine, bien avant qu'elle ne devienne captive des ténèbres et de l'ignorance.

Si les éléments extérieurs ne forment pas un obstacle aux prédispositions naturelles, celles-ci s'épanouiront dans la conscience de l'homme et dans son cœur et l'aideront à réaliser une entente entre ses inclinaisons et sa volonté profonde. Et chaque fois que croîtra chez lui ce sentiment de force intérieure, il sera d'autant plus disposé à s'y soumettre.

D'un autre côté, les penseurs n'ont pu s'accorder pour proposer une voie à suivre pour l'éducation de l'âme humaine, compte tenu de leurs conceptions différentes relatives à l'Univers. Et même, si l'on parvenait à s'accorder sur la voie à suivre, il ne serait pas possible d'en user comme d'un moyen d'éducation de l'esprit valable pour tous, surtout ceux qui ne sont pas capables de comprendre des sujets et théories philosophiques trop complexes et incompréhensibles pour eux, car la force véritablement efficace la réponse adéquate à tous ses penchants naturels.

En ce qui concerne les questions morales et philosophiques liées à la réalité de l'homme. Elles ne sont pas capables de se frayer un chemin vers la réalité enfouie dans l'âme humaine. Elles ne suffisent pas à l'éduquer et à le rendre heureux. Car

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même si l'individu parait adhérer à ces valeurs, il le ferait, en vérité, sans conviction et à contrecœur.

Ainsi, pour que l'homme puisse réaliser les résultats qu'il escompte de ses efforts en matière d'éducation, il lui faut reconnaître la primauté du système éducatif religieux, car la religion naît des profondeurs de l'âme humaine; elle est une réalité éternelle centrée en l'être et prépondérante pour ce qui est de l'éducation de l'esprit. Nous devons donc privilégier cette réalité religieuse dans tout système éducatif.

C'est pour cela que l'homme a reconnu, avant de s'avilir dans la vie matérielle, la toute-puissance de la religion à laquelle il croit et s'y rattache fermement, de même que les âmes pures sont convaincues qu'il faut lui obéir et s'y soumettre.

En résumé: cet élément religieux est celui qui détermine l'homme par l'innéité et le réalisme, qui peut répondre à toutes ses attentes personnelles et qui n'a d'autre objectif que celui de réaliser son bonheur sur la base du système religieux.

Une observation attentive de la vie d'aujourd'hui, marquée par la technique qui est le phénomène dominant de ces temps troubles, nous confirme cette réalité, à savoir que l'homme, bien qu'il ait atteint un niveau de développement très appréciable du point de vue des sciences exactes et des industries, des découvertes scientifiques et matérielles, a emprunté la voie de la décadence dans la connaissance de son moi. Ces mêmes connaissances ont fini par devenir l'instrument de sa destruction.

Le monde occidental a fait de l'homme dans son souci d'industrialisation un instrument, entre

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autres, si bien que le moyen est devenu une fin en soi. Il a conçu l'organisation sociale sur la base de l'individualisme et de la lutte des classes. Il est indéniable que cette manière d'organiser la société ne convient nullement à l'homme, car sa spécificité, en tant qu'être humain, lui est déniée, cela tant qu'il sera tenu à l'écart de la civilisation.

Ariche Karoum a écrit:

« Ces relations qui existent aujourd'hui ne sont pas des relations humaines, mais sont des relations éclatées et fragmentaires. Cette situation apparaît nettement dans la destruction qu'opère l'homme sur son âme. L'homme ne vend pas seulement, aujourd'hui, des marchandises; il aliène sa propre personnalité, car il se considère comme étant lui-même une marchandise! L'ouvrier qui vit à la sueur de son front vend ses efforts, tandis que les commerçants, médecins et fonctionnaires, ou “cols blancs”, aliènent leurs “personnalités”. Pour vendre leurs services et leurs produits, ils doivent avoir une personnalité attrayante et posséder de l'énergie et de l'ingéniosité. Ce qui évalue la valeur de ces qualités et détermine les besoins c'est le marché; s'il peut se passer des qualités qu'offrent les hommes, c'est comme si ceux-ci n'avaient aucune qualité, tout autant qu'un produit invendable sur le marché perd sa valeur bien qu'il soit de qualité. En un mot, nous disons: il n'est pas possible, aujourd'hui, d'évaluer un individu, quelles que soient ses qualités intrinsèques, sans prendre en compte les concepts purement mercantiles des besoins du marché. »

L'accomplissement de l'homme dans le système musulman islamique

Chaque être en ce monde a une personnalité qui lui est propre

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et dont nous ne pouvons imaginer qu'il en soit dépossédé. Tout homme est à la fois une personne physique et une personne morale. La personnalité morale est tributaire, pour sa part, de l'héritage de l'humanité et de ses acquis spirituels afin de ne pas réduire l'être humain à la seule personnalité sensitive. Cette analyse s'applique aussi bien aux individus qu'aux peuples et aux différentes ethnies avec tout ce qui les caractérise et les distingue.

La personnalité morale des différentes sociétés est liée à leur niveau de perception des réalités et à leur manière d'être dans la vie.

Pour étudier le développement de la personnalité, nous nous devons d'observer tous les aspects humains et d'analyser toutes ses dimensions, selon une optique bien déterminée. Cela permettra de définir la meilleure manière d'arriver à un développement équilibré et serein de la personnalité.

Pour l'Islam, l'intérêt s'est porté sur l'ensemble des aspects humains, don fait par le créateur à l'individu. L'Islam observe l'homme à travers les forces qui le font agir et réagir, par la conscience qu'il a de ses capacités et énergies. Car cette religion, en définitive, est venue pour libérer ces énergies, pour que la personnalité se développe pleinement sans qu'elle soit surestimée ou sous-estimée.

Au stade de l'enfance, on est enclin à la rêverie, car les hormones sont encore inactives. C'est ainsi que l'enfant est plus proche du monde des sens que du réel. Cependant, progressivement, il passe des choses simples aux choses complexes pour s'intéresser à des sujets qui nécessitent de la réflexion et

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de la sagesse. Cette mutation apporte avec elle de la maturité à l'individu.

Si ce développement néglige les orientations des prescriptions divines, l'enfant ne pourra pas s'accomplir pleinement. Les déficiences devront alors être palliées. En fait, de même que l'instinct de l'homme renferme une disposition naturelle à se sublimer, il développe également la disposition à l'avilissement. Chacune de ces deux dispositions coexistant chez l'individu, elles ne lui sont nullement imposées par l'environnement.

Les orientations de l'Islam sont, à cet égard, pour l'individu, la voie salutaire vers un développement harmonieux et équilibré de sa personnalité et le meilleur moyen de mobiliser ses énergies potentielles. Le développement effectif de la personnalité, en Islam, c'est la soumission à une direction morale salutaire, vraie et liant l'homme à son Créateur. Celui qui s'abreuve des sources de la religion musulmane chassera de son âme les souillures de la vanité et refusera de s'assujettir à un autre homme, à une tentation, un penchant ou toute autre force en ce monde.

Dans ce cadre, la personnalité doit se développer sereinement; les sens de l'individu et sa perception doivent en accompagner la croissance, suivant la voie que Dieu a tracée pour lui. Chaque être doit, dès lors, trouver la philosophie de son existence pour atteindre, par cette connaissance, l'objectif qui est le sien dans la vie.

Cette connaissance doit, automatiquement, s'accompagner de résultats, c'est-à-dire que la connaissance doit se transformer en une force active et motrice afin que l'être humain puisse concrétiser l'objectif existentiel qui est le sien, en accord avec sa

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destinée. L'homme atteindra ainsi une vie supérieure transcendante que Dieu a voulue pour toutes Ses créatures humaines.

L'Islam est venu forger une nation à part qui brandirait l'étendard de la religion et de l'ordre divin. Une nation qui guiderait l'humanité vers son salut et la sauverait des mauvaises orientations d'écoles obscurantistes et rétrogrades par une vision universelle juste garantissant le développement de toute la communauté humaine.

Cette vision universelle sera en harmonie avec toutes les facettes de la personnalité, c'est-à-dire la science, la connaissance, la pensée et la perception, ainsi que tous les éléments de l'entendement et de l'existence humaine et qui permettra aux sociétés d'instaurer des modèles parfaits dans les domaines de la pensée, de la sérénité de l'âme, des activités ou de l'organisation du travail.

L'Islam rappelle à l'homme que la satisfaction des désirs et des tentations l'entraînera dans le monde des ténèbres et le fera dévier de la juste voie que lui a assignée le Créateur.

En un mot, l'Islam forme un homme à deux dimensions: une dimension physique à l'intention de la vie matérielle et une dimension morale qui le fera entrer dans l'éternité. L'Islam rappelle à l'homme que dans son corps physique a été insufflée une lumière divine, un feu sacré qui brûle et le lie à son Créateur.

L'effet de la foi et de la raison sur la formation de l'homme

L'Islam voit dans la force de la raison un fondement dans la formation de l'homme et insiste pour qu'elle soit suivie dans la vie pratique et dans la pensée libre pour s'orienter dans les dédales de l'existence, pour être plus perspicace

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et apporter sa pleine contribution à l'ensemble de l'humanité.

En même temps, l'Islam ne privilégie pas totalement la raison de manière exclusive, en s'y référant abusivement, la trouvant même inapte à apaiser le feu des passions. Le rôle de la raison dans la transformation de la vie ne doit pas être un rôle purement passif, mais doit contribuer à transporter l'homme de niveau de la vie animale à un stade supérieur qui le mette à l'abri de la tyrannie des instincts et de l'assouvissement des désirs.

La différence entre l'homme et les autres créatures ne réside pas seulement dans le fait qu'il soit doué de raison et de sens. L'homme domine le reste des animaux par sa foi et sa perception de cette foi. C'est pour cela qu'il est responsable, dans le système de la création, et qu'il doit se fier à sa foi et à son entendement personnel vis-à-vis des aléas de l'existence et dans tous ses comportements et activités, individuels ou sociaux, ayant trait à ses préoccupations d'homme.

L'homme, dans sa quête du bonheur, a besoin d'un élément moral qui lui permette de mieux appréhender le monde. Cet élément c'est le discernement que Dieu nous accorde et qui nous évite l'inconscience et les déviations de l'âme. La foi en Dieu a une valeur intrinsèque dans la vie des gens. Elle est la source de la liberté individuelle et de la promotion humaine. Elle joue un rôle particulier dans le développement de la personnalité humaine.

Les effets de la foi en Dieu apparaissent

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dans tous les domaines de la vie. La foi restreint la pression des instincts animaliers de manière radicale et sauve l'homme des atteintes malsaines. Les résultats de la foi en Dieu sont la patience, la résistance aux tentations matérielles et donc la sérénité de l'âme. Par contre, la désobéissance à Dieu. Le manque de sens moral et l'inclination aux désirs de l'âme briment la vie sentimentale et accentuent la faiblesse de la personnalité morale. Le manque de foi rabaisse l'humain du rang d'être vertueux à celui d'être barbare.

En ce qui concerne les systèmes pédagogiques mis en place par l'homme, ceux-ci n'ont pas la capacité nécessaire pour limiter les déviations de l'esprit et de combler les déficiences morales de l'humanité, car le système éducatif et scientifique moderne repose sur les éléments que sont la raison et la science, en excluant la foi en Dieu.

Max Planck, le célèbre physicien allemand, écrit:

« L'homme, au quotidien, a besoin de fondements nécessaires qui sont plus nécessaires pour lui que sa soif de connaissances scientifiques. Ces fondements doivent être mis à la disposition de l'homme, hors du système de la raison.

La raison doit faire place aux lois de la morale. De même que la connaissance scientifique doit céder le pas, parfois, devant la croyance religieuse. »

Ainsi, si la direction morale n'arrive point à éveiller les consciences aux lumières de la religion, les fondements et principes terrestres humains ne pourront pas faire naître dans l'âme humaine le sentiment vertueux lui permettant d'assumer les responsabilités civilisationnelles qui sont les siennes.

Nous

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observons que l'Islam n'a pas ordonné à ses disciples de fuir les plaisirs licites qui ont été accordés par Dieu à ses créatures. Bien au contraire. Certes, le Coran nous avertit que plonger dans une vie de plaisirs illimités et de confusion des réalités de la vie, en ne retenant que la seule dimension matérielle, ne convient point à une humanité vertueuse: « On a enjolivé aux gens l'amour des choses qu'on désire: femmes, enfants, trésors thésaurisés d'or et d'argent, chevaux marqués, animaux et champs; tout cela est objet de jouissance temporaire pour la vie présente. Alors que près de Dieu il y a belle retraite. »

D'un autre côté, l'Islam ne rejette pas l'aspect matériel de la vie de l'homme, mais refuse plutôt le repli sur soi et le rejet des plaisirs licites: « Dis Oui a interdit la parure de Dieu qu'Il a produite pour Ses esclaves, ainsi que les excellentes nourritures? Dis: Elles seront, dès la vie présente, à ceux qui croient, exclusivement leurs au jour de la résurrection. Ainsi détaillons-Nous les signes pour les gens qui savent. »

Le renoncement aux plaisirs matériels signifie l'humiliation de la raison et l'élévation de la matière au rang d'objectifs de la vie. Les biens de la vie terrestre tentent, le plus souvent, les gens de peu de volonté et de foi qui n'ont pas cette force de contrôle dont dispose le vrai croyant et qui lui sert de guide.

En conséquence, l'Islam conçoit l'homme comme possédant une personnalité saine, dotée d'un pouvoir de réflexion et persévérant

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dans la vertu, ce qui lui permet d'assumer son rôle principal, à savoir se construire lui-même et bâtir une société de manière juste en se libérant des chaînes qui l'enserrent, en fuyant les tentations sans pour autant renoncer aux plaisirs licites.

L'homme dont l'Islam parle comme d'un modèle d'éducation parfait est cet individu réfléchi, positif, efficace et bien élevé. C'est un homme dont on observe la droiture, la complémentarité, la réflexion et le comportement, dans tous les domaines de la vie. Son âme, libre et bien éduquée, lui donne un équilibre qui lui autorise certains plaisirs sans verser dans l'excès matérialiste et de participer à la civilisation et au progrès de l'humanité.

La première des étapes sur cette voie menant à la perfection est la purification de l'âme, signalée par le Coran comme préambule à l'éducation de l'être humain et l'acquisition des connaissances scientifiques: « C'est Lui qui a envoyé chez les gentils un messager des leurs qui leur récite Ses versets et les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, quand même qu'ils fussent auparavant dans un égarement manifeste. »

Ce principe fondamental qu'est la « purification de l'âme » est l'indication permettant de connaître la vraie nature de l'homme. Il n'y a pas, dans l'Islam, de références scientifiques matérielles qui pourraient donner la valeur de l'homme, car ces références concernent un ou deux aspects et ne permettent pas de prendre en compte les autres facettes de la personne.

Certes, les sciences ressortirent de l'humain; elles sont le résultat du travail de l'homme et constituent

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ses acquis. La vie se fonde également sur ces sciences. Cependant, cette richesse matérielle doit être complétée par une richesse morale qui relève l'homme du monde physique au monde spirituel, lui permettant ainsi de pallier les lacunes de la science. Car cela est plus facile à combler que les déficiences de l'âme.

L'Émir des croyants disait, à ce propos, ce qui suit;

« Si nous ne souhaitions pas le paradis et ne craignions pas ni l'enfer, ni récompense ni châtiment, nous serions tout de même obligés d'avoir de bonnes mœurs, car elles sont la voie de la réussite. »

Il disait également:

« Résiste à la tentation avant qu'elle ne te domine, car si elle grandit elle te dominera et t'orientera sans que tu puisses la combattre. »

« L'esclave de la tentation est plus vil que tout autre esclave. »

« Celui qui vainc sa tentation préserve sa dignité. »

Pour Wayne Durant:

« Notre raison et nos besoins sont comme le vent qui pousse les navires, mais nous ne devons pas laisser les voiles à l'abandon, car si nous leur cédons elles nous domineront et nous serions tels des esclaves ou des prisonniers. Chacun d'entre nous a pu voir, durant sa vie, des gens prisonniers de l'envie, du plaisir ou de la colère. Faute d'y mettre un frein, cela entraîne la dégradation des mœurs de l'homme. Je rappelle l'histoire bien connue des enfants de Kesroès, roi perse zoroastrien. Leur nourrice les laissait libres de faire tout ce qu'ils voulaient. Le résultat a été qu'ils sont devenus des incapables et des pervertis.

Donc, la primauté de la

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connaissance sur les penchants et les tentations est l'essence même de la raison et la base du self-control qui sont le fondement nécessaire à la formation des caractères. »

La volonté est au centre des activités et des responsabilités dans le système éducatif de l'Islam. L'homme étant doué d'une liberté de réflexion et d'exécution doit s'en servir de la meilleure manière possible afin de se consacrer à ce qui est son véritable objectif: son accomplissement.

Même si l'homme n'est pas totalement libéré des instincts qui le régissent, il demeure qu'il a toute liberté de choisir la façon d'y répondre et d'y réagir. Sa volonté lui permet de contrôler ses actions et ses sentiments afin d'ouvrir la voie d'une activité mentale et spirituelle plus riche, c'est-à-dire de se forger une personnalité plus forte et plus profonde chaque jour.

Jacquaud disait:

« Pour empêcher l'implosion de la personnalité et sa multiplicité qui réduit le self-contrôle-nous devons procéder à une utilisation et une division du temps très strictes. Car l'organisation de la vie selon des programmes bien établis atténue les effets des impulsions et fait que l'inconscient accepte l'idée qui a pris corps.

Pour cela, il suffit de laisser libre cours à l'imagination pour régler nos activités, au moment le plus approprié ou avant le sommeil. Car cela cultive chez la personne une bonne habitude: la discipline et l'ordre. Ceux qui ne possèdent pas cette habitude et qui ne s'y préparent pas à temps verront des changements surprenants survenir à eux et auxquels ils ne pourront pas faire face. Les

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progrès qu'ils feront dans tous les domaines aideront à leur accomplissement grâce à cette organisation du temps.

Ceci n'est pas étonnant, bien que nous devrions savoir entraîner notre esprit à étudier les questions qui les préoccupent et à opérer les changements nécessaires, bientôt il sera en mesure d'atteindre ses objectifs.

La régularité préparera le terrain à une activité quotidienne accrue et cette augmentation s'accompagnera d'une augmentation des moyens d'action, d'un élargissement du champ des possibilités, d'un gain de données nouvelles et d'un accroissement des opportunités bénéfiques. »

Il est certain que le combat de l'âme encline aux tentations est chose difficile. L'Islam, à cet égard, assure que la victoire contre les tentations dénote la force de caractère de l'homme. La grande fierté de l'être humain est de débuter son éducation spirituelle par un contrôle total sur les désirs et les tentations pour parvenir à se forger une réelle personnalité.

L'lmam Sâdeq disait:

« Force ton âme à éviter ce qui lui nuira avant qu'elle ne te quitte et œuvre à la satisfaire comme tu le fais pour gagner ta vie, car ton esprit est tributaire de ton travail. »

Pour le Docteur Carrel:

« Le développement qui néglige l'esprit demeurera un développement incomplet. L'homme ne parviendra pas à la plénitude sans l'intervention de sa volonté. Chacun de nous sait que le développement des organes et des muscles du corps ne peut se faire que par un entraînement physique et l'individu ne peut prétendre devenir un champion sportif sans un entraînement régulier et soutenu.

De même, pour développer notre intellect, nous devons consentir

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les efforts nécessaires. Si l'élève ne désire pas apprendre, le meilleur et le plus compétent des professeurs ne pourra rien lui inculquer. La lecture des œuvres morales ne rendra pas le lecteur plus pieux. Ainsi, il est impossible de convaincre une âme dénuée de volonté. »

Pour Bergson:

« Acquérir une personnalité, avoir telle ou telle vertu ne peut s'accomplir que par un acte volontaire de la part de l'individu. Pour cela, l'intéressé doit puiser dans son âme et dans son corps tout ce qu'ils renferment comme volonté, énergie et force; qu'il organise son existence et sa vie intérieure du mieux qu'il peut; qu'il se forge une âme ferme et volontaire.

Les plus grands hommes sont, généralement, issus de petites familles pauvres, sinon misérables. Cette réalité historique apparaît dans l'histoire de l'humanité chaque jour. Chaque homme, ignorant ou savant, pauvre ou riche, jeune ou vieux, peut, s'il le veut, mobiliser toutes les énergies enfouies au fonds de son être pour réaliser ses objectifs. »

Le Calife Ali disait, à ce sujet:

« La pire misère est celle de l'âme. »

Il est vrai que l'homme pâtit plus du manque de spiritualité que d'un quelconque besoin matériel non satisfait. Lorsque l'esprit est malade du fait d'un manque de clarté et d'incompréhension, le mal gagnera la pensée et les sens et l'individu, dès lors, faillira dans ses activités. À partir du moment où l'homme perd son discernement et le sens du réel, il ne saura plus tirer profit des éléments matériels et des énergies qu'il porte en lui.

Celui qui croit en Dieu et

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se soumet totalement à son Créateur possède la pureté du cœur et de l'âme qui l'empêchera de succomber aux vices et au mal, car tout ce qu'il entreprendra sera lié à sa foi, à sa conscience et à son comportement.

L'Islam, pour limiter la domination des tentations, lui propose un cadre organisationnel. Cette organisation vise à comptabiliser l'âme selon des règles et des principes fondés sur le discernement et la raison. Ainsi, se forme une adéquation entre les penchants de l'individu, en tant que personnalité indépendante et en qualité de membre de la société, qui le limite dans l'action à ce qui est convenu, c'est-à-dire préserve la société de l'individu et l'individu de la société. Tandis que l'homme pèse le pour et le contre, il aura à choisir entre ses intérêts personnels et ceux de toute la société.

Tant que son discernement et sa pensée sont paralysés, l'homme demeurera dans l'ignorance de la réalité et ne pourra déceler ses manques et les failles de sa personnalité. S'il lui était donné d'en prendre connaissance, ils seraient désagréablement surpris et se prendraient à se haïr. Ainsi, Schoppenheimer dit:

« Tout comme l'homme ne ressent pas le poids de son corps, de même il ne voit point les mauvaises habitudes et les actions détestables qu'il commet. Au contraire, il a toujours tendance à rejeter sur les autres ses défauts et ses faiblesses. Nos semblables sont comme le miroir qui reflète nos défauts et faiblesses que nous ne pouvons voir nous-mêmes. Il nous semble alors voir dans ce

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miroir l'image d'autrui. »

La personnalité croît selon un système de valeur dans la vie suivant lequel se développeront les qualités et les caractères. Si l'homme n'arrive pas à user de sa liberté raisonnablement et n'arrive pas à libérer de quelque manière ses instincts, il sera dès lors soumis à ses tentations. Il est évident que cela signifie un avilissement de l'âme et une humiliation de la nature humaine qui l'empêcheront de s'accomplir pleinement et limiteront les horizons de la pensée et de l'esprit.

La seule voie pour réaliser l'équilibre nécessaire entre les déviations de l'âme et son accomplissement est de consolider le lien qui unit l'homme à Dieu, car plus l'on s'éloigne de Lui plus l'on y perd son discernement.

L'Islam sème dans le cœur des gens la graine de la vertu et de l'honnêteté et n'accepte pas de séparation entre l'action et la foi. Cette religion tente perpétuellement de faire que l'homme, à tout instant et pour toute occasion, sache que Dieu l'observe et le juge, car Il est son Créateur et le Confesseur de ses secrets cachés.

Les vertus humaines lorsqu'elles manquent d'un socle qui les soutient ne peuvent s'ancrer solidement dans l'âme. La foi joue, à cet égard, le rôle du socle naturel et du soutien dans la vie.

Nous devons, à ce stade de la réflexion, secouer la léthargie de notre esprit, recouvrer le discernement et voir la réalité en face. Cette prise de conscience suscitera dans notre esprit une impression étrange; l'impression de vivre une nouvelle vie ou de renouveler

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notre existence. L'absence de discernement influe énormément et durablement dans toutes les étapes de la vie. Elle rabaisse l'homme du stade de la vertu à celui de l'avilissement.

Ali a rapporté un certain nombre d'observations à ce sujet. Il disait:

« Évertue-toi à penser, cela te conduira vers le bien. »

« Pense au bien, pousse à le faire. »

« Songer à entreprendre une chose, c'est déjà la réaliser. »

Au sujet de la pensée, le Docteur Marden écrit:

« La pensée est partout présente dans le monde. Mais cette vérité est restée longtemps cachée et indiscernable durant tout le long de l'histoire de l'humanité. Et lorsqu’on s'en est aperçu, qu'on a entrepris de la considérer et de l'évaluer, on a cru que c'était une chose rare qui ne concernait qu'une élite. Durant ces dernières années, l'homme a décidé de soumettre la pensée à l'étude et en faire l'objet de ses enquêtes.

Les études nous montrent que nous avons la possibilité d'agir sur nos penchants, bons ou mauvais, en modulant nos pensées; que nous pouvons influencer les facteurs de notre monde extérieur et modifier leur impact sur notre moi de manière positive et acquérir ainsi le bonheur et la réussite, car l'éducation de la pensée n'a pas de limites et ses résultats sont innombrables.

La pensée est comparable au burin qui sculpte la pierre de la vie. C'est pourquoi nous devons résolument orienter cet outil qu'est la pensée vers les buts les plus nobles et en user en vue d'atteindre les objectifs les plus louables et les plus nobles. Il suffit de faire appel,

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pour cela, à toute notre volonté.

Nul ne peut nier le pouvoir de la pensée. Elle accroît les capacités de l'individu et peut influer radicalement sur sa vie.

Il faut se convaincre que si l'on dirige convenablement ses pensées, l'on ne peut que se ménager un avenir des plus radieux et la manière est toute naturelle et toute simple. Le rôle que joue la pensée dans les aspects matériels et spirituels apparaîtra graduellement aux humains et ceux qui divergent aujourd'hui se rencontreront sur ce point à l'avenir. »

Les dégâts des mauvaises pensées

Tout comme les idées positives engagent l'homme à entreprendre des actions fructueuses, les pensées malveillantes avilissent celui-ci. C’est parce que l'homme est un être qui pense et qui s'exerce à penser que le fait de penser mal ou de manière malveillante obscurcit l'âme humaine et l'empêche de faire le bien.

De même que chaque chose dans la raison de la nature se développe, la mauvaise pensée grandira dans l'esprit de l'individu pour se traduire ensuite par de funestes actions.

Un sage fut questionné un jour: comment trouver le bonheur? Il répondit: « Nous le trouverons dans la beauté de la pensée humaine ». Ainsi, l'homme doit endiguer, en amont, les flots de la malveillance qui risquent de polluer le lac de vertu où baigne son cœur. Ali disait:

« Force-toi à la réflexion et à demander pénitence, car cela effacera de ton cœur la haine et y glorifiera l'amour. »

Il ajoutait: « Force-toi aux bonnes intentions pour que tes efforts soient couronnés de succès. »

Changer les traits de caractère d'une personne est chose malaisée et

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ardue, cependant cela est possible si l'individu fournit l'effort nécessaire et se dote d'une volonté inébranlable et évite la mauvaise pensée comme la mauvaise action. Cela est d'autant plus possible que l'homme est porté naturellement vers le bien, compte tenu de ses prédispositions innées.

Pour Calman Jacquaud:

« L'éducation de l'esprit ressemblerait en un sens à une armée disciplinée faisant face aux habitudes, qui au lieu d'attaquer de front celles-ci susciterait des idées et des sentiments dans l'inconscient de l'individu pour contrarier et annihiler ces habitudes. Ainsi, de manière graduelle, le cerveau va pouvoir faire la distinction entre bonnes et mauvaises actions. Mais, avant d'y parvenir, la première chose que l'on doit observer est de se rappeler la réalité suivante: on peut changer une habitude et soi-même on peut soulager définitivement l'esprit du mal qui le ronge et atteindre ainsi l'objectif souhaité. Il faut se rappeler cette vérité de façon continuelle et l'enraciner dans la conscience pour qu'elle devienne conviction.

Cette conviction en vertu de la loi sur l'effet de l'éducation sous-tendue par le rappel incessant aura les caractéristiques d'une réalité absolue et l'inconscient se chargera de consacrer cette réalité en effaçant la conviction originelle que les habitudes sont incontournables ou irrésistibles.

Si l'on évalue le plaisir passager consécutif à la mauvaise habitude, l'on s'apercevra de sa futilité, l'on saura également que le mieux est de consacrer ses efforts à corriger les erreurs dues aux mauvais penchants et habitudes. »

La relation des objectifs avec le développement

Ce qui peut faire de l'homme un être supérieur et, par conséquent, contribuer au développement de la

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personnalité c'est qu'il se fixe des objectifs nobles dans l'existence. Plus ces objectifs sont nobles, plus la personnalité de l'homme s'épanouit. Il est indéniable que l'Islam a de grands objectifs et une vision large et unificatrice. Les musulmans qui ont été éduqués sous la houlette du Prophète de l'Islam et de ses prédications ont établi des relations existentielles fermes et solides et se sont caractérisés par une personnalité élevée et originale. Les buts louables qu'ils se sont fixés leur ont permis de faire des progrès continuels.

Pour le célèbre psychologue américain Alworth:

« Les objectifs et buts sont considérés comme des caractéristiques spéciales et complexes de la personnalité, de même que les intentions et les projets que l'homme porte en lui annoncent l'avenir qu'il veut se préparer. Les intentions et les objectifs individuels optent pour des motivations bénéfiques et proposent un choix particulier. Les moyens licites et interdits ont un grand impact sur le développement et l'accomplissement de chaque individu.

De fait, comme le développement se poursuit à tout moment et à tout âge chez l'homme, il faut s'attendre à trouver un sentiment religieux développé aux stades avancés de la personnalité. Tant que le cerveau de l'homme croît et se développe, il tentera autant que possible d'étendre le champ de sa réflexion en usant de la démonstration analogique, de l'analyse et de l'étude comparative des hypothèses comme moyens.

Tant que l'homme poursuit sa quête et s'y consacre, il découvre le besoin de la foi pour en user en tant que moyen de protection palliant l'échec

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de la raison. Il se convainc que la foi l'aidera à surmonter les difficultés innombrables de l'existence.

La plupart des croyants sentent que la foi qui les anime prend sa source dans cette force surnaturelle qui est derrière toute chose et chaque phénomène naturel renforce leur conviction religieuse. C'est cette conviction qui leur donne un but dans la vie et leur apporte paix et repos de l'âme.

La vision universaliste particulière des religions n'est rien d'autre qu'un ensemble de croyances, de pensées et de conceptions qui dominent et orientent le comportement humain.

La religion forme et prépare l'homme à se prémunir contre l'anxiété, les troubles, le doute, l'échec et le désespoir en même temps qu'elle le fortifie dans ses résolutions et engagements vis-à-vis de l'avenir et qui lui permet de trouver sa place dans l'univers, au sens intégral du mot et du concept. »

La relation entre les activités spirituelles et physiologiques

Des études scientifiques ont démontré que les troubles psychologiques influencent le corps et le perturbent. D'un autre côté, l'esprit est affecté par les réactions chimiques qui ont leur siège dans le corps. Dès lors, nous pouvons comprendre cette réaction qui lie esprit et corps.

Bien que les scientifiques rapportent cette théorie aux temps contemporains à ces dernières années mêmes, nous pouvons affirmer que les textes islamiques ont traité cette question il y a plus de siècles.

Ainsi, l'Émir des Croyants (Imam Ali) disait à propos de l'effet des maladies de l'esprit sur le corps:

« L'anxiété épuise le corps »; il ajoutait également: « Celui qui obéit à sa colère précipite sa perte ».

Le Prophète insistait sur la

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relation qui existe entre les réactions chimiques du corps et les dispositions d'esprit de l'individu et ses mœurs et disait:

« N'étouffez pas les cœurs par un excès de nourriture et de boissons, car le cœur périt telles les plantes d'un excès d'eau ». Il disait aussi: « Celui qui s'habitue à trop manger et boire endurcit son cœur et: « L'obésité détruit la sagesse ».

Le professeur Carrel disait:

« Les activités spirituelles sont liées aux activités physiologiques du corps et nous pouvons observer certaines transformations organiques lorsque nous suivons les différents cas psychologiques ou bien lorsque nous voyons certains cas psychologiques être affectés par certaines activités organiques. En un mot, nous disons que cet ensemble formé du corps et de l'esprit est influencé par les facteurs organiques et psychologiques qui le transforment. L'exemple du corps et de l'esprit peut comparer à la statue taillée dans le marbre: on ne peut changer la forme de celle-ci sans casser la pierre ou la retailler.

Nous savons que les affections gastriques, intestinales et hépatiques ont une grande influence sur l'esprit, car les organes du corps sécrètent certaines substances dans le sang qui auront une influence certaine sur les comportements spirituels et moraux de l'homme.

Le rapport régissant les activités conscientes et les activités physiologiques ne concorde pas avec l'ancienne théorie qui plaçait l'âme dans le cerveau. Le corps, en réalité, est un tout formé par les forces spirituelles et physiques, tandis que la pensée serait le résultat des sécrétions produites par les glandes internes et le cortex. Ainsi, il est nécessaire que

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le corps participe à l'harmonie de l'esprit. En un mot, nous disons: l'homme réfléchit et décide, aime et hait, souffre et jouit, invite et prie, tout cela grâce à son cerveau et à tous ses organes. »

Pour le célèbre psychologue C. Murphy:

« Durant la dernière décennie de ce siècle, il est apparu clairement combien les sentiments et les théories, ou bien l'amour et la haine étaient, chez les hommes, le symbole des combinaisons chimiques du corps.

La psychopathologie a clairement démontré cette relation d'interdépendance entre la santé corporelle et spirituelle, c'est-à-dire ce lien fonctionnel entre les réactions chimiques du corps et les choses de l'esprit et la relation entre réactions spirituelles et les réactions corporelles d'un autre côté. Nous ne pouvons plus, aujourd'hui, dire du système vital chimique dans le corps qu'il est l'élément fondamental dans l'organisation de la vie spirituelle. Nous devons donc aussi dire que les réactions spirituelles organisent le système chimique du corps. Le mieux serait de dire comme l'indiquent les chercheurs que nous faisons toujours face à un système unique composé du corps et de l'esprit dans lequel le côté spirituel peut dominer, mais que, parfois, l'aspect physiologique et chimique soit en première place. »

Le terme « connais-toi toi-même » que citaient les anciens n'a plus, aujourd'hui, le sens de la prépondérance de l'esprit sur la matière sans âme, comme cela était le cas auparavant; comme il n'a plus le sens que lui accordaient les matérialistes du 19e siècle et qui disaient: de même que le foie sécrète une matière jaunâtre du

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« pancréas », le cerveau lui secrète les pensées.

Aujourd'hui, nous requerrons que soit admis comme principe élémentaire que dans la recherche de la connaissance de l'homme, l'aspect chimique et l'aspect spirituel soient convergents.

Chapitre 4: Le Cycle de la Vie et les Sacrifices

L'homme et le poids des responsabilités

L'homme est, avant tout, un être social qui a besoin de vivre avec ses semblables. C'est là un penchant naturel très marqué de l'être humain qui influencera toute son existence.

La société humaine est bâtie sur un ensemble de classes et d'individus, chaque individu est tenu par certaines responsabilités et obligations afin de réaliser sa part de travail. Si chaque individu accomplit pleinement son rôle que lui a assigné la société et prend conscience de ses responsabilités propres, il est certain que la communauté ne s'en portera que mieux.

À l'inverse de la vie animale qui ne connait ni limites ni restrictions, la vie de l'homme est soumise à plusieurs restrictions et lois touchant à tous les domaines et aspects de son existence. Ce sont ces règles, ces restrictions et ces lois qui marquent la différence entre la vie d'un être humain et celle d'un animal.

Les obligations commencent à s'imposer dès le plus jeune âge et ne cessent qu'avec la disparition de l'individu, ce qui ne permet pas de tracer une frontière entre l'existence humaine et les obligations y afférentes, car chaque être humain est astreint à celles-ci.

L'homme, de manière innée, s'oblige lui-même. Spontanément, il accepte des contraintes, nonobstant les commandements de la religion ou ses prescriptions. Les obligations naissent de la relation qu'entretient l'individu avec ses caractéristiques physiques, ses

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sentiments et ses instincts, bien que ses motivations dans la vie puissent être différentes. Nous pouvons dire, cependant, que les bases de la logique sont les axes autour desquels s'articulent les devoirs et obligations de chaque individu, de même que l'obéissance que nous devons aux règles religieuses repose également sur le suivi des règles et des lois de la logique. Ainsi, les règles religieuses touchant aux choses de la vie et aux problèmes sociaux ne visent rien de moins qu'à embellir et renforcer la perception spirituelle de l'homme.

Nous ne nous égarons, en fait, que lorsque nous négligeons ou ignorons les devoirs qui sont les nôtres. Beaucoup de gens tentent avec leurs moyens propres de s'économiser dans la vie en fuyant leurs responsabilités et en évitant toute activité susceptible de nuire à leur repos. Ils refusent ainsi de consacrer une partie de leur temps à entreprendre des activités dont les bénéfices iraient à d'autres qu'à eux-mêmes. Ces personnes ont une vue courte, tournée vers des objectifs personnels et s'habitueront progressivement à ériger cette vision des choses en mode de vie. Elles ne pourront, dès lors, prendre en charge ou réaliser aucune œuvre d'importance ou bien acquérir une personnalité douée de valeur et recélant des énergies positives.

Faisant face à cette catégorie, il existe des personnes que ne badinent pas avec leurs responsabilités, pour quelque raison que ce soit, et ne s'abandonnent pas à l'anxiété et au trouble quand elles sont mises à l'épreuve du temps. Ces gens restent disposés, continuellement, à endosser

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des responsabilités constructives et à peiner pour leur réalisation. Ils sont convaincus que le meilleur usage de leur corps est d'agir de manière bénéfique, même si cela nécessite de fournir d'intenses efforts.

Ainsi, plus l'homme est mur et sage, plus son esprit est ouvert, plus grande sera sa volonté de prendre en charge ses responsabilités.

Œuvrer à réaliser de nobles objectifs

La vie de l'homme est faite d'un espoir immense, celui de réaliser des projets ambitieux et qui sont bénéfiques. C'est pourquoi l'homme doit œuvrer durement pour atteindre un niveau digne de son humanité, par l'éducation de l'esprit, la responsabilisation et le dévouement à autrui, à la société et à la communauté à laquelle il appartient.

Le grand poète persan Hafez a dit:

« Ne dis pas: je n'essaierai pas de passer par le chemin obstrué. Sois comme la brise du printemps qui fait tout renaitre après la mort ».

Le Dr Schweitzer lui disait:

« Nous entendons souvent des gens dire: je voudrais faire le bien dans ma vie, mais mes responsabilités et mes activités m'empêchent de réaliser cet objectif. Je me suis noyé jusqu'au cou dans les questions existentielles et je n'ai pas eu l'occasion de donner un sens à ma vie. Cela fait partie des graves erreurs courantes, car il existe nombre d'occasions pour chacun d'entre nous et de recevoir la bénédiction de Dieu et la paix de l'âme. Pour cela, l'homme ne doit pas oublier ou ignorer ses responsabilités quotidiennes; il doit se garder d'entreprendre des tâches ostentatoires destinées à attirer l'attention.

J'ai nommé ce travail spirituel: “notre deuxième commandement”. Vous devez

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donc profiter des nombreuses occasions qui vous sont offertes et agir en vertu de ce commandement, car vous avez l'opportunité pour le faire et pour réussir pleinement; toutes les énergies que vous recélez vous le permettent. Ce dont le monde a besoin, aujourd'hui, et qui lui fait défaut c'est des hommes qui pensent aux besoins de leurs semblables et qui, dès lors qu'ils agissent pour le bien et l'intérêt d'autrui, bénéficieront de la miséricorde de Dieu.

Cependant, les pressions qu'exerce la société moderne nous feront perdre notre personnalité au fur et à mesure qu'elles s'intensifieront et feront disparaître en nous l'espoir et la créativité. De ce fait, la société ne pourra accéder à la vraie civilisation tant que durera cette situation.

La grande erreur que commet chaque individu c'est de vivre sans discernement, sans faire attention aux occasions qui s'offrent à lui. Certes, si nous ouvrons nos yeux pour observer notre environnement, nous remarquerions une multitude de personnes qui ont besoin de notre aide, non pas pour des tâches immenses, mais plutôt pour des choses très simples.

Nous devons consacrer notre existence et nos forces à prêter main-forte à ceux qui sont dans le besoin, sans lésiner sur le dévouement et les sacrifices à faire. Ainsi, cette toute petite pièce donnée en aumône par la veuve et qui constitue toutes ses économies vaut plus que les dons les plus généreux faits par des gens riches et opulents. Nous entendons souvent dire: si j'étais riche, j'aiderai autrui. Mais nous pouvons affirmer que nous pouvons

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tous être riches par l'amour et l'affection que nous portons aux gens. Si nous pouvions découvrir les besoins réels des nécessiteux et tenter de les combler, nous aurions alors consacré ce qui nous est le plus cher, c'est-à-dire l'amour et l'affection envers eux, ce qui est supérieur à toutes les richesses matérielles de la terre!

Il est possible que vous soyez étonné par mon choix de vivre dans les forêts “tropicales” de l'Afrique. Cependant, vous devez savoir que vous pouvez-là où vous résidez-vivre la plus étrange et la plus extraordinaire des vies si vous vous consacriez à rechercher et à accomplir des milliers d'œuvres de bien et d'amour pour les autres. Ce travail spirituel nécessite du courage, de l'abnégation, du renoncement à soi et de la volonté de donner de l'amour aux autres, ce qui représente la plus grande des épreuves pour l'être humain.

Vous devez savoir aussi que dans ce “deuxième commandement”, le plus dur, vous pouvez trouver le vrai bonheur ».

La manière de tirer un réel profit de la volonté

L'homme est libre d'obéir aux commandements de sa conscience ou de les ignorer et chacun d'entre nous est maître de son esprit et de sa volonté, ce qui lui permet d'opter pour la vertu et l'honnêteté ou pour les tentations et les instincts débridés, c'est-à-dire la malveillance et l'agression. Toutes ces qualités et ces vertus sont donc sous le contrôle de l'homme et dépendent de sa volonté et de son choix. Il peut s'y astreindre par l'activité soutenue ou bien, au contraire, choisir le vice et l'avilissement, plongeant ainsi dans un

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environnement fait de tentations et d'instincts primaires.

La puissance de la volonté est un don du Ciel que nous ne devons ni gaspiller, ni mésestimer ni négliger pour ne pas verser dans le mal et l'immoralité et utiliser celle-ci dans toutes nos activités. Profiter de la volonté, à la lumière du discernement et conformément à la conscience, afin de lutter contre les tentations de l'esprit et vaincre l'égocentrisme et l'immoralité paraît difficile au départ et nécessite un esprit de sacrifice, mais grâce à la persévérance, la détermination de l'homme se trouvera graduellement renforcée et ses qualités morales s'affirmeront de manière bénéfique. Ainsi, l'activité volontaire apparaîtra à l'individu comme une chose toute naturelle et facilement réalisable.

Si le sentiment de responsabilité est fortement ancré chez l'individu, les problèmes et les obstacles ne pourront plus constituer les raisons de l'échec. Et même si ses efforts demeurent vains face aux évènements contraires, sa conscience n'en sera pas moins en repos et il pourra marcher tête haute, car il aura certes subi l'échec et la déception, mais il aura également tout tenté pour réaliser ses objectifs.

Un grand personnage conseilla un jour son fils en lui disant:

« Mon fils: sois pauvre et sans argent et laisse les autres s'enrichir devant toi par la tricherie, le mensonge et la trahison. Vis sans rechercher ni gloire ni position et laisse les autres occuper les hautes positions par la flagornerie et l'insistance. Souffre les maux et les peines et laisse les autres réaliser leurs vœux par la soumission et la servitude.

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Délaisse les hommes puissants que d'autres courtisent constamment. Il serait préférable pour toi que tu revêtes l'habit de la vertu et de la piété. Si tes cheveux blanchissent et que rien n'a entaché ta renommée et ton bonheur, alors remercie Dieu et soumets-toi à la mort avec contentement et joie. »

L'homme, en général, a besoin, pour son éducation, d'un environnement social qui le soutienne et de modèles humains valables auxquels il puisse se référer pour arrêter une méthode de comportement dans son existence.

Le rôle de la foi dans la prise de conscience des responsabilités

Le sentiment de responsabilité et l'acceptation des obligations qui touchent à tous les aspects de la vie sociale sont à la base même du bonheur de l'homme comme de celui de la collectivité. C'est ainsi que l'éducation musulmane s'articule autour de cet axe qu'est le sentiment de responsabilité.

Chaque musulman doit se référer à sa foi et à ses bonnes actions pour garantir son bonheur dans la vie. L'lmam Al-Sajjad (que le salut soit sur lui) qualifie les obligations humaines, en toute chose, de la manière suivante:

« Sache que Dieu t'accorde Sa Miséricorde, que Dieu a sur toi des droits pour tout acte que tu entreprends, pour tout immobilisme de ta part, pour toute position que tu occupes, pour tout outil que tu utilises, certains plus grands que d'autres ».

L'Islam affirme que chacun est responsable de ses actes et que personne n'est tenu pour responsable des actes d'autrui, car le Coran reporte: « Quiconque se guide ne se guide que pour lui-même; et quiconque s'égare ne s'égare que contre lui-même. Et nul porteur

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ne porte le port d'autrui. »

Au fond de chaque être humain, il existe une force qui le pousse à s'acquitter de ses devoirs et de ses responsabilités. Et lorsque l'homme répond positivement à sa conscience, cette force intérieure le soutiendra et le remplira de joie et de quiétude. Cette force c'est la conscience qui naît au plus profond de la nature humaine et qui nous porte à éviter le mal et à œuvrer pour le bien. On pourrait s'imaginer que la conscience, à elle seule, pourrait garantir l'action du bien par l'homme et qu'elle est le pilier sur lequel reposerait l'exécution des obligations, nous évitant ainsi la référence aux préceptes religieux. Le fait est que la conscience morale, avec ce qu'elle a comme valeur pour la réalisation du bonheur humain, ne peut, pour toutes les situations et dans tous les contextes, empêcher l'homme de tomber dans l'erreur et la déviance.

Nous devons donc, avant toute chose, nous pencher sur le champ d'activité de la conscience, car ses ordres diffèrent selon les traditions locales et les conditions contextuelles, même quand il s'agit d'une même question.

L'activité de la conscience s'exerce essentiellement en ce qui concerne des sujets pour lesquels les us et les coutumes et les traditions sociales ont tranché de manière favorable, même s'il s'agit, en fait, de sujets répréhensibles en soi ou bien rejetés et blâmés par d'autres sociétés. Ainsi, le démon a travesti aux yeux de l'homme un certain nombre d'actions qui sont, en réalité, plus malveillantes qu'il ne le pense.

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Mais sous couvert d'activités bénéfiques, les hommes ont admis celles-ci comme telles. Le Coran rapporte cette réalité dans ses versets: « Dis: pouvons-nous apprendre lesquels en fait d'œuvrer sont les plus grands perdants? Ceux dont l'effort, dans la vie présente, s'égare tandis qu'ils comptent bien faire? »

Il ajoute: « Mais leurs cœurs s'étaient endurcis et le Diable enjolivait à leurs yeux ce qu'ils faisaient. »

Il faut également rappeler que la conscience, sans se référer à quelque chose de particulier, ne pourra résister face à une multitude de tentations de l'âme et à une foule de penchants, dont l'amour de l'or et du pouvoir, car elle manque, dans cette lutte, de conviction et de résistance. Parfois, elle rompt dès le premier choc face aux tentations et aux penchants, car l'âme traîtresse peut travestir les réalités et tromper la conscience, éteignant ainsi la lumière qui brille à l'intérieur de chaque être humain.

Certes, c'est cela la « foi » qui guide la conscience et oriente l'être. Elle constitue, par là même, la base solide sur laquelle l'homme s'appuie; elle est le tribunal qui juge les traditions et coutumes de sa société et peut lui commander de ne pas s'y soumettre. Ceux qui se sont éveillés à l'unicité et croient en Dieu de manière inébranlable ont répondu à l'appel de leur conscience et voient dans leur obéissance à cette conscience une obéissance à la vérité divine. Ils se sentent ainsi dégagés du poids des obligations et dotés d'une force et d'une activité qu'ils ne ressentaient point auparavant.

Lorsqu'il n'y a pas

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de dissensions entre l'âme et les instincts, l'obéissance au commandement de la conscience est chose aisée. Le problème se pose au moment où l'obéissance à la conscience oblige l'homme à réprimer une tentation de l'âme. La force des instincts, avec l'étendue de son influence, et lorsqu'elle ne repose pas sur la croyance religieuse, domine généralement la conscience et l'être. Toute prétention humaine qui n'a pas sa source dans la vie matérielle et n'est, dès lors, qu'une notion et une utopie irréalisable.

Ainsi, les ambitions humaines, en Islam, qui se sont réalisées et ont ouvert une page glorieuse dans l'histoire de l'Humanité ne l'ont été que grâce à la conscience spirituelle et la nécessité de légiférer, pour le bien de l'homme, ainsi que par la foi en Dieu. Autrement, l'homme n'aurait pas accepté, quels que soient les ambitions ou le message, s'il n'avait été convaincu en son for intérieur de leur justesse et de leur bon sens.

Le célèbre psychologue américain William James nous dit:

« Le moraliste pur (agnostique) obéit aux lois, règles générales et globales qui régissent les créatures en toute connaissance de cause et n'ignorant point leurs conséquences. Mais cette obéissance est pénible et ennuyeuse alors que dans son cœur il n'existe aucune passion ou engagement. Il est toujours accompagné de ce sentiment que ces jugements sont comme un couperet au-dessus de sa tête.

Au contraire, dans la religion, cette obéissance est soutenue par un sentiment d'engagement qui donne à toute chose dans la vie un caractère de bonté, de dynamisme et de

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disponibilité.

Toutes nos références morales sont comme le bandage qui recouvre une blessure, mais elles ne constituent pas un baume pour celle-ci. Ici, la religion s'empresse de nous apporter son aide pour ce qui est de nos problèmes cruciaux. Elle nous apporte un état spirituel que nous ne retrouverons nulle part ailleurs. »

Les leçons de Luqmân le Sage

À travers des versets du Coran, nous découvrons des paroles pleines de sagesse, de conseils et autres orientations, comme celles rapportées de Luqman le Sage s'adressant à son fils pour lui tracer les grandes lignes touchant aux obligations et aux fonctions imposées à chaque homme doté de bon sens la vie, à travers des sermons et des leçons de grande valeur:

a) Les obligations de l'homme vis-à-vis de Dieu: « Et quand Luqman dit à son fils, tout en l'exhortant: O mon petit, ne donne pas d'Associé à Dieu; oui, c'est un manquement énorme que de donner des Associés ».

b) Les obligations des enfants vis-à-vis de leurs parents: « Et nous enjoignons à l'homme, au sujet de ses parents, car sa mère le porte, fragilité sur fragilité et sevrage au bout de deux ans-ceci: Sois-Moi reconnaissant, ainsi qu'à tes parents! Vers Moi est le Devenir ».

c) Les obligations de l'homme vis-à-vis de ses semblables: « O mon petit, établis l'office et commande le convenable et empêche le blâmable et endure avec constance ce qui t'atteint. Oui c'est là de la résolution dans les entreprises! »

« Et ne renfrogne pas ta joue pour les gens et ne foule pas la terre avec arrogance: Dieu n'aime pas du tout, vraiment,

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le présomptueux plein de gloriole »

« Sois modeste dans ta démarche et baisse ta voix; oui, la plus détestable des voix c'est bien la voix des ânes »

Les étapes de la prière et le sens de la responsabilité

Sachant que les capacités mentales des gens ne sont pas semblables et qu'il existe entre eux des différences fondamentales pour ce qui touche à l'entendement et à la compréhension, les guides de la religion musulmane ont appelé les hommes à s'acquitter de leurs obligations conformément à des formes de pensée différentes selon la classe sociale à laquelle ils appartiennent et en leur parlant le langage qu'ils comprennent.

Ainsi, la mission religieuse des prêcheurs doit s'axer sur l'essentiel qui peut profiter à tout savant, penseur ou individu illettré. Par exemple, faire admettre aux gens qui ne pensent qu'au commerce lucratif l'existence d'un commerce plus lucratif encore; ou bien attirer les gens à croire en une vie future paradisiaque peine de plaisirs et de bonheur du fait qu'en ce monde ils ne pensent qu'à prendre du plaisir. Autrement dit, on peut amener ceux dont la préoccupation est d'éviter la souffrance à croire en un enfer de douleurs pour ceux qui pèchent.

Il est évident que la plupart des gens ne comprennent pas le sens précis des choses et ne peuvent donc aspirer à des objectifs plus élevés que ceux-là. Il est difficile, pour un grand nombre de personnes dans la société, de s'acquitter de leurs obligations et de faire le bien si ce n'est par ce biais, car la nature humaine est pleine de faiblesse et d'imperfections. Ainsi, rares sont

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ceux qui peuvent se fixer dans la vie des objectifs nobles et s'atteler à les réaliser contre vents et marées.

La part la plus importante dans le développement et la progression des religions monothéistes dans le cœur des gens revient à ce qu'elles accordent à la piété et à l'action du bien un intérêt tout particulier contrairement à bien des règles et lois humaines. La piété dans le système éducatif de ces religions célestes n'est pas seulement un moyen d'éviter la punition, mais plutôt un incitateur de récompense, car l'homme du point de vue psychologique laisse apparaitre une grande sensibilité et une grande réceptivité face à la réprimande ou à la récompense et, par-là, il s'engagera de plus en plus dans la voie de l'obéissance au commandement de l'école religieuse.

L'Islam, de son côté, à travers beaucoup de ses textes, voit dans l'obéissance absolue aux ordres divins, non par besoin de récompense ou par peur de punition, une quasi-exclusivité des gens qui ont de la foi en la vérité divine, une très haute idée. Ces gens sincères qui ont atteint les plus hauts degrés de la loyauté ne pensent pas à autre chose qu'à l'obéissance totale à Dieu et à obtenir la grâce du Très-Haut.

Ces personnes, selon ce que les textes islamiques ont rapporté, ont été nommées les gens « libres », tandis que ceux qui croient et obéissent par amour des récompenses ont été appelés les « commerçants » et que ceux qui s'acquittent de leurs obligations par peur de la réprimande sont qualifiés « d'esclaves ».

Le

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Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« La communauté qui adore Dieu par convoitise fait montre d'une adoration de commerçants; la communauté qui adore Dieu par crainte fait montre d'une adoration d'esclaves et la communauté qui adore Dieu par reconnaissance est celle des hommes libres ».

Le célèbre savant anglais Owburry a une opinion qui s'accorde avec le contenu de cette citation. Il disait:

« Celui dont l'âme s'emplit de l'amour de Dieu qui témoigne de sa gratitude envers son Seigneur semble s'engager comme s'il n'avait ni volonté ni choix, non dans l'espoir d'une récompense ou dans la crainte d'une punition, mais uniquement par amour de Dieu. Celui qui agit en bien et qui ferme les yeux sur une mauvaise action par volonté d'être récompensé ou par peur d'être puni ne doit pas s'enorgueillir de son acte ou de cette piété et ne doit pas être considéré parmi les élus, car il n'est rien d'autre qu'un commerçant qui œuvre pour son propre intérêt et pour s'éviter toute nuisance; une sorte de salarié qui supporte tout dans l'attente de son salaire.

Certes, au vu de ces gens qui arrachent leurs racines de leurs propres mains par ignorance, souillant leurs âmes par leur désobéissance et refusant d'adorer Dieu, au vu de ceux-là, il est possible de compter les “salariés” qui agissent par désir de récompense ou pour éviter la punition, relativement comme des bienfaisants.

Cependant, nul doute que ce qui nous pousse à les considérer comme des bienfaiteurs est chose vile, en vérité. Il aurait été certes

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plus beau s'ils avaient porté leurs regards vers de plus lointains horizons, pour adorer Dieu du fait qu'Il est le Seul qu'on doit adorer. Ceux qui gaspillent leur existence par tentation des jolies choses périssables n'attendent point de profits de cette attitude, car ils espèrent autre chose, de plus sublime, et qui n'obéisse pas à des objectifs purement matériels: ils cherchent la beauté, car ils sont épris d'arts. Ils veulent prendre la beauté aux multiples couleurs et facettes pour l'exposer et la faire admirer. C'est là leur seule motivation.

Si seulement nous étions comme ces propriétaires de galeries d'art, prêts à purifier nos âmes des tentations matérielles et nous consacrer à nulle autre chose qu'à l'adoration de Dieu, Unique et Éternel. Cela est la vraie religion qui élève nos âmes au sommet de la plénitude »

Plus la foi de l'homme en Dieu croit, plus nous remarquons dans ses actes les signes de la loyauté. Ainsi, la recherche du contentement de Dieu domine ses actes et réprime ses tentations et ses penchants. Celui-là agit alors en toute chose sans craindre la réprimande ou souhaiter la récompense.

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Seigneur, je ne T'ai adoré lorsque je l'ai fait ni par peur de Ton enfer ni par envie de Ton paradis, mais parce que je T'ai trouvé digne de l'adoration, alors je t'ai adoré »

Le Coran rapporte du prophète Salomon (que le salut soit sur lui) qu'il disait: « Disposes-moi Seigneur à rendre grâce pour le bienfait dont Tu m'as comblé

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ainsi que mes père et mère et que j'œuvre le bien que Tu agrées » se fixant comme objectif l'agrément de Dieu. Alors que les actes sont la voie pour se rapprocher de Dieu et obtenir Sa grâce.

Nous devons nous pencher sur le fait que l'adoration n'est pas restreinte, dans l'Islam, à ces instants de prière et d'accomplissement des rites, car l'adoration, en Islam, est plus vaste et plus large. Elle touche à toute chose et à tous les comportements dans la vie, de l'adoration par les prières, à la pensée et à la perception ainsi qu'à tous les actes quotidiens. Tant que le but et l'orientation qui président à l'acte sont dirigés vers Dieu, l'acte est adoration. Autrement dit, l'Islam a fait de l'adoration le socle sur lequel reposent tous les actes de la vie, sinon toutes ces attitudes et tous ces comportements à ces moments furtifs n'auront pas grand sens. Ce qui importe le plus c'est que le comportement soit basé sur ce socle de manière claire et franche et que l'homme reconnaisse l'Unicité de Dieu et le mérite de Son adoration, non pas seulement par le verbe, mais aussi par l'acte.

De même, l'adoration en Islam ne signifie pas uniquement que la probité et la piété soient présentes dans le cœur de l'individu au moment d'accomplir les rites, s'en désintéressant après cela pour s'abandonner ensuite aux tentations et aux instincts primitifs, perdant toute vertu et tout sens du bien. En réalité, il est tel le voyageur qui hésite à

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atteindre sa destinée et à profiter de la lumière qui illumine sa route dans les moments sombres de l'existence.

Ainsi qu'il est dit dans le Coran: « Ce n'est pas charité que de tourner vos visages vers l'Orient ou l'Occident. Mais c'est charité, oui de croire en Dieu et au Jour Dernier et aux anges et aux livres et aux prophètes, de donner son avoir pour l'amour de Dieu aux proches et aux orphelins et aux pauvres et à l'enfant de la route et aux mendiants et à délier les jougs et d'établir l'office et d'acquitter l'impôt. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu'ils se sont engagés et ceux qui endurent dans l'adversité et la détresse et lors de la guerre. Les voilà les Véridiques! Et les voilà les Pieux! »

L'essentiel dans l'éducation religieuse est qu'il existe entre l'homme et son Créateur un lien indéfectible et que l'individu n'ait de peur, d'amour et de renoncement que pour Dieu, car Celui-ci est l'Unique référence pour toute chose et à tout moment de la vie.

Ce genre de relation vive et profonde entre Dieu et les hommes complète toute chose et, lorsqu'elle est rompue, le sens des choses disparait. De même qu'elle confère à l'individu ces vertus et ces qualités qui font son humanité.

Les qualités humaines ont, en réalité, leur source dans la croyance en dieu et l'obéissance à Ses commandements. Nous ne pouvons, en conséquence, attendre d'un individu qui ne noue pas de lien avec son Créateur qu'il soit doté des qualités et vertus humaines

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qui se retrouvent uniquement chez le Croyant.

Chapitre 5: Quelle est la Source du Repos de L’Âme et de sa Quiétude

La vie mouvementée

La vie est telle une mer démontée qui balance l'homme en un mouvement de va-et-vient perpétuel, le plaisir et la souffrance étant, à cet égard, la crête et le creux des vagues qui prennent d'assaut la vie de chaque être. De ce fait, chacun de nous est dans l'obligation de faire face à toute situation, qu'elle soit bonne ou mauvaise, du moment qu'il s'est engagé sur cette mer déchaînée qui le mettra à l'épreuve de bien des évènements durs et difficiles, des privations, des échecs, des pertes et autres défis.

Mais alors, quel est l'homme qui pourrait sauver son âme des turpitudes de la vie, sachant que chaque époque apporte avec elle son lot de difficultés et de problèmes qui ne ressemblent pas à ceux des époques précédentes, mais les souffrances et les difficultés demeurent les compagnes de l'homme tout au long de sa vie.

Cependant, l'époque que nous vivons aujourd'hui est plus porteuse de richesse que jamais. Elle a permis à l'homme de percer les secrets de la nature. Grâce à la science et à la technique, l'homme a pu vaincre bien des difficultés et surmonté bien des obstacles qu'il ne l'a fait auparavant. Il n'en reste pas moins que celui-ci ne ressent pas en son for intérieur la quiétude et la sérénité de l'âme qu'il devrait escompter et sur lesquelles il doit fonder sa vie.

Cet homme moderne s'éloigne chaque jour de l'objectif recherché et il a de plus en plus conscience que

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la vie matérielle ne lui offrira pas la sérénité et le bonheur auquel il aspire.

Nous ne pouvons ignorer que les perturbations psychologiques sont, aujourd'hui, le lot croissant des sociétés dites modernes et qu'elles sont proportionnelles aux développements scientifiques, industriels et économiques, de manière telle que le nombre de psychologues et de chercheurs ne suffit plus aux besoins de l'heure, à cause de l'accroissement des troubles psychologiques.

À ce propos, le Docteur Schneider se pose la question:

« Qu'elle est la cause principale des malheurs des gens? En ma qualité de médecin, je peux répondre à cette question et dire: c'est la maladie chronique de l'époque. Si vous y réfléchissez, vous serez atteint par la peur, car la nature de l'homme est sujette à plus de mille maux différents. L'une de ces maladies est plus répandue que les autres: % des patients chez les médecins, aux États-Unis d'Amérique, sont atteints par cette maladie, certains disent même que ce taux est encore plus élevé.

J'ai reçu des rapports à propos de cinq cents patients internés à la Clinique d'Oxes dans la ville de La Nouvelle-Orléans, et les résultats ont été que plus de % d'entre eux sont atteints par ce mal. Il est de même possible que chacun soit touché à n'importe quel âge ou étape de la vie. Les frais de traitement, pour de tels cas, sont exorbitants.

Je ne m'autoriserais pas à déclarer son nom, de peur que vous ne me jugiez mal. Je me bornerai à vous citer ses caractéristiques et vous dire que

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sa première caractéristique est que ce n'est pas une maladie réelle, mais qu'elle est plutôt connue comme étant une maladie moderne et qu'on appelle aujourd'hui maladie psychomotrice. Ce mal se caractérise également par le fait que le malade ne pense pas être atteint, mais il souffre de la même manière qu'il souffrirait de la présence dans son corps d'un kyste.

La maladie psychomotrice n'est pas due à un microbe ou à la présence d'un virus ou à la présence d'un virus ou bien au développement désordonné de cellules du corps, mais elle est plutôt la conséquence des situations de la vie de chaque jour. Chaque fois que l'homme est soumis à une multitude de problèmes insurmontables et de soucis qui occupent son esprit, faisant qu'il ne peut s'y soustraire et vivre dans la plénitude et la quiétude; il est alors considéré comme étant atteint d'une maladie psychomotrice. »

Selon Freud:

« L'homme préhistorique assouvissait ses instincts mieux que ne le fait l'homme moderne d'aujourd'hui; sa vie échappait aux perturbations et aux troubles et il n'était pas atteint par des maladies de l'esprit. Avec le développement de l'industrie et de la civilisation, l'homme connait de graves maladies psychologiques. »

Les causes de la souffrance de l'âme

Parmi les facteurs de troubles, nous pouvons citer la frénésie qui pousse l'homme à posséder toujours davantage. Dans le contexte matérialiste qui caractérise la vie des gens, la référence de réussite étant la richesse et le luxe, nul doute que la vie sera emplie de pressions et de douleurs, car la volonté de chaque homme à réussir ne peut

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suffire à elle seule à réaliser ses espoirs et ses désirs. Entre ses tendances et objectifs et leur réalisation, il se trouvera sûrement des obstacles qui lui seront insurmontables, faisant qu'il sera sujet à des doutes et à voir ses pensées perturbées et son âme et ses nerfs durement éprouvés.

D'un autre côté, comme il a fondé ses espoirs sur des objectifs matérialistes et non durables, il est certain que ceux-ci ne lui apporteront pas la quiétude qu'il recherche.

Il est certain que l'idée de la disparition et de la mort lorsqu'elle commence à hanter l'esprit des hommes donne à chacune de ses activités un goût amer et fait qu'il ressent en lui-même un sentiment de désespoir qui va en s'amplifiant avec l'âge. De même, les perturbations dues à la peur, au sentiment d'affronter un danger inconnu, sans pouvoir déterminer l'origine de cette peur, ainsi que toutes les pensées imaginaires ébranleront certainement son esprit et agiront telles des massues qui ne cesseraient de marteler ses nerfs.

Certains se plaindront d'un sentiment d'insécurité pour leur argent et de problèmes économiques, d'autres ressentiront de la peur à cause de leurs richesses et des problèmes financiers qui en découlent. D'autres, enfin, s'habitueront à la critique et à s'arrêter aux détails insignifiants, faisant que tous ceux qui les entourent s'en lassent. Ce genre de personnes, pour exprimer leur colère, ont recours aux provocations et s'empressent de gémir et de se lamenter sur leur sort.

Ceux qui sont victimes de la peur et broient des idées noires dues

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à des erreurs insignifiantes (ou bien graves) doivent savoir s'en libérer, car la nervosité et les troubles du comportement n'arrangeront rien. De même, ces gens ont tort de se plaindre des retombées négatives de leurs actes antérieurs, car l'on ne récolte que ce que l'on sème. En conséquence, l'homme qui se complait dans une réflexion tendant à grossir toutes ses erreurs ne pourra nullement se consacrer à trouver les solutions à celles-ci; en effet, l'être humain ne peut réfléchir efficacement à deux sujets simultanément.

Ainsi, la quiétude de l'esprit est nécessaire pour que l'homme puisse trouver les solutions à ses problèmes et pour œuvrer à éviter de retomber dans les mêmes errements.

La réflexion vaine sur un avenir inconnu

La quantité c'est-à-dire le temps de réflexion que se ménage l'individu a une importance certaine sur son équilibre intérieur. Il existe ceux qui s'intéressent au futur plus que de raison, perdant par là l'occasion de profiter du présent, ou bien qui ne voyant aucun danger dans le présent s'alarment à l'idée d'être touchés par un évènement douloureux dans l'avenir, ce qui fait que leur esprit est dominé par la peur comme si le danger était réel et imminent.

Cependant, nous devons savoir que le passé n'influe pas sur le présent et que nous ne pouvons pas prédire l'avenir. Ce qui doit préoccuper l'individu ce sont les évènements futurs qui sont inévitables, car il est rare, exceptionnel même, qu'un événement présumé par l'homme se passe réellement à l'avenir.

Un des chercheurs de l'Institut Technique Dale Carnegie écrit à ce sujet:

« Remarquez bien que vous

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tendez à choisir parmi vos amis et même parmi vos parents ceux d'entre eux qui ont des idées positives et qui vous font aimer leur compagnie. Vous remarquez également que parmi eux existent des personnages émettant des idées négatives vous inclinant à fuir leur présence.

Les gens positifs sont plus joyeux, plus dynamiques et plus entreprenants. Ils aiment à travailler et il est naturel qu'ils se trompent souvent à cause de cela. Mais ils possèdent cette ressource d'esprit qui les pousse à corriger leurs erreurs et celle volonté farouche d'accomplir ce qu'ils ont entrepris. Ceux-ci ne perdent pas leur temps dans l'inquiétude et la peur de ce qui pourrait on ne pourrait pas survenir. »

Selon Marc Twain:

« Je suis un vieil homme et j'ai connu beaucoup de problèmes et d'épreuves, mais je sais aussi que beaucoup d'entre eux ne surviennent pas.

La vie est un fleuve tumultueux charriant beaucoup de problèmes et chaque problème doit être affronté de face. Nous prêtons à certains d'entre eux trop d'attention et leur permettons de nous nuire et de détruire notre bonheur, parfois pour toute une journée, tandis qu'ils ne méritent pas tout cet intérêt. Le problème, en fait, est que nous n'arrivons pas à limiter son intérêt dans le temps. »

Que ces dangers arrivent ou non, il n'y a pas de raison à toute cette inquiétude qui nous domine et nous éprouve moralement et physiquement. Ces dangers, qui sont parfois insurmontables dans la vie, n'en demeurent pas moins normaux et prévisibles, dans une certaine mesure, pour tout un

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chacun.

Cependant, ces dangers intérieurs n'en sont pas moins nuisibles que les dangers extérieurs et parfois même plus ravageurs. Chacun d'entre nous porte en lui une force qui peut lui être fatale: ce sont l'anxiété et le trouble.

Que chacun se souvienne de combien de temps il a passé à réfléchir à la manière d'affronter des dangers imaginaires alors que ceux-ci ont moins d'effets négatifs que le fait même de ne pas cesser d'y penser.

Cronin écrit à ce sujet:

« Préparez un résumé de ce que vous croyez être les raisons de votre anxiété et de votre trouble, nous y verrons qu'elles sont, pour la plupart, vides de sens et sans valeur. Généralement, nous voyons nos troubles comme suit: % de catastrophes qui n'arrivent jamais, % de problèmes passés et à venir, % concernant une peur infondée sur la santé et la forme physique, % de sujets bénins tandis que % seulement peuvent être des raisons fondées et réelles d'anxiété et de troubles. L'expérience nous montre, sans équivoque, que nous devons rayer un certain nombre de raisons d'anxiété irréelles de nos listes, car ce que nous craignons le plus n'arrive que très rarement. Malgré cela, nous continuons à entretenir une masse de craintes pour notre avenir et notre situation.

Il est impératif que nous procédions à un changement dans nos vies par le fait de ne plus nous croire son centre d'intérêt, mais comprendre que la réalité de notre existence n'est qu'une partie de la communauté humaine et que notre vie, en bien ou en

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mal, est rattachée à la famille, au groupe, à la nation et à l'ethnie dont nous faisons partie. »

L'anxiété mentale a un effet physique certain sur tout ce que l'individu entreprend avec ses mains, ce qui l'amène à emprunter des voies et des moyens détournés et irresponsables. Parmi les dégâts que cause ce genre d'anxiété le plus important est la perte de la sérénité et de la confiance chez tout individu.

Beaucoup de gens se sont habitués à se plaindre de leur sort et de la malchance qui les frappe et semblent insatisfaits de leur vie. Ils s'imaginent qu'ils ne peuvent profiter de leur existence tant qu'ils n'auront pas réussi et qu'ils n'auront pas amassé des fortunes et acquis des moyens luxueux. Ils recherchent le bonheur dans un avenir lointain et perdent ainsi leur capital-âge dans des rêves et des chimères. Tandis que s'ils recherchaient réellement le bonheur, il leur serait possible de découvrir ce bonheur dans leur vie présente, même s'il est misérable par l'aspect matériel.

Celui qui se sent las et fatigué par sa vie présente et attend d'un avenir sombre et incertain une situation meilleure doit sortir de sa torpeur et rechercher ce à quoi il tend dans un présent misérable plutôt que dans un avenir sombre et impalpable.

Pour d'autres, par contre, le présent et l'avenir importent peu. Ils ne vivent pas leur présent et n'espèrent rien de l'avenir, mais plutôt se lamentent constamment des occasions qu'ils ont ratées ou laissé passer. Car plutôt que s'intéresser à leur présent, ils

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préfèrent se retourner sur leur passé, tel quelqu'un qui s'étant perdu dans le désert s'en retourne sur ses pas à la recherche d'une piste hypothétique qui le sauvera.

Il est certain que nous ne tirerons rien de positif à nous lamenter sur des souvenirs, si agréables soient-ils. Nous ne ferons rien que nous angoisser. Qui plus est, l'âme s'en ressent fortement et les énergies se dispersent tandis que l'individu se perd en conjonctures sur la voie à suivre.

Les méthodes déviantes

Le besoin et la privation donnent naissance à la douleur. C'est pour cela que nous voyons que les gens luttent, chaque jour, contre ce besoin et cette privation. Cependant, ceux qui sont déjà parvenus à satisfaire leurs besoins matériels sont de ce fait atteint par une certaine forme de paresse, de nonchalance et de douleur morale qui les pousse, pour s'en sortir, à emprunter des voies faciles et qui, généralement, les conduisent à dilapider leur énergie et leurs capacités comme, par exemple, recourir à l'alcool, aux drogues et à certains vices tels le jeu.

La plupart de ces gens utilisent ces voies comme exutoires à leurs problèmes et aux soucis de la vie. La réalité est qu'ils détruisent ainsi les bases de leur bonheur de leurs propres mains. Ainsi, chacun doit savoir que ces voies tortueuses ne leur éviteront pas la nécessité de faire face à leurs problèmes dès que les effets des drogues ou de l'alcool, ou autres se seront dissipés. Et peut-être même que ces voies seront sources de nouveaux problèmes encore plus

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graves.

L'explication que donnent certains psychologues au recours par l'individu à l'alcool est la suivante:

« Les alcooliques sont incapables de satisfaire leurs besoins dans la vie. Ils fuient alors les problèmes, à travers le rêve, par un recours aux boissons alcoolisées qui nuisent gravement aux nerfs et au cerveau. Cette accoutumance entraine une détérioration rapide du cerveau. En effet, l'alcoolique est sujet à des comportements irrationnels, ce qui lui cause non seulement des dégâts physiques, mais également de l'humiliation vis-à-vis de son entourage. Et lorsqu'il sort de son état d'ébriété, ses capacités à faire face aux problèmes sont amoindries. La consommation d'alcool ne lui apporte aucune solution à ses problèmes, mais plutôt les multiplie, ce qui l'amène à consommer encore plus d'alcool.

L'état d'un alcoolique est semblable à celui d'un rêveur, à la différence qu'il y a plus de dégâts physiques. Ce qui les lie, par contre, c'est qu'aucun d'entre eux ne cherche à résoudre raisonnablement ses problèmes, mais plutôt à les fuir par le rêve. Cependant, sachant que cette fuite ne peut pas être éternelle, ils devront revenir, tôt ou tard, à la réalité et alors le choc avec cette réalité sera encore plus douloureux et triste qu'auparavant. »

La manière de réfléchir où la réflexion a sur l'aspect matériel de la vie un effet décisif sur l'individu. À cet égard, la personne dynamique est moins exposée aux tentations matérielles et aux aléas de la vie qui pourraient le pousser à l'anxiété, chaque fois que surgirait un problème.

À l'inverse de cette catégorie, il existe

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des individus dont les horizons se limitent à l'aspect matériel de la vie et qui, par conséquent, sont sujets à l'anxiété et au désespoir de se voir un jour dans la nécessité, malades ou assaillis de problèmes qui, en général, ne sont que le fruit de leur imagination fertile et perturbée.

Pour cette catégorie de gens, Carlos rapporte:

« Vous les voyez tentant de fuir cette paresse qui les étreint, en train de fuir leurs magnifiques palais et se raccrocher à n'importe quoi. D'autres fuient leurs épouses et enfants à toute vitesse, comme s'ils tentaient d'éteindre un feu, sans espoir de réussite. Ils ne réussissent qu'à faire face de nouveau à leurs ennemis jurés, c'est-à-dire la peine et la paresse morales. Ils y retournent aussi vite qu'ils les avaient fuis, tels des fous en errance. »

L'effet des souffrances de l'âme

L'homme doit, pour acquérir les moyens matériels de son repos, éprouver une multitude de souffrances physiques et morales, ce qui renforcera ses capacités intellectuelles et spirituelles sur la voie de la plénitude.

Si l'homme n'avait pas souffert de l'ignorance des premiers instants de son existence, il n'aurait pas tenté, avec acharnement, de remédier à cette ignorance. Ainsi, l'individu dompte ses forces morales sous la pression des évènements, surtout les évènements contraires.

La base de toute plénitude humaine et de tout développement, individuel ou collectif, repose sur ce paramètre. Toutes les grandes révolutions de l'humanité qui ont apporté des avancées et des acquis majeurs ont eu pour corollaires des difficultés et des problèmes aigus. De même, le malheur et la peur portent

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en eux les germes d'un avenir meilleur si tant est que l'individu sache y faire face.

En conséquence, la relation entre les problèmes, les calamités, le bonheur et la plénitude est une relation de causalité.

Pour Hegel:

« La lutte pour la survie est la loi du progrès et du développement, de même les qualités et les références se forment et se complètent dans les dilemmes et l'anxiété. L'homme n'atteint sa vraie valeur qu'à travers les douleurs, la responsabilité, l'anxiété et le trouble. Ainsi, les douleurs sont chose normale et sont une qualité intrinsèque de la vie et constituent un élément dynamique de progrès.

La vie n'est pas faite pour être calme et reposante, mais plutôt pour la complémentarité. Ainsi, l'histoire du monde ne s'est pas faite sur le bonheur qui ne représente que ces feuilles ternes que sont les époques de resserrement des liens et des hommes. »

Quand les métallurgistes ou les industriels veulent extraire des métaux les impuretés, ils les plongent dans le feu. De même, les obstacles de la vie sont le feu purificateur de l'âme. En un mot, l'homme ne peut être heureux que s'il souffre, comme rapporté par le Coran: « Très certainement, Nous avons créé l'homme en lutte ».

Pour Samuel:

« Les problèmes et obstacles mettent davantage l'homme à l'épreuve que durant les périodes de repos et lui font découvrir ses qualités et ses dons cachés. Les problèmes et les obstacles sont des épreuves pour les mœurs des gens. Car, telles certaines plantes doivent être élaguées pour exhaler leurs odeurs parfumées, certaines mœurs doivent

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être éprouvées pour laisser apparaître les qualités cachées de l'individu.

Point de repos dans ce monde qui ne change que dans la douleur et les troubles. Ainsi, les obstacles amènent obligatoirement au bonheur et à la plénitude et ce que nous en tirons dépend de notre comportement vis-à-vis d'eux.

Nous ne pourrons trouver en ce monde de repos ou de bonheur éternel et même si cela était, nul bénéfice n'en découlerait. Les obstacles et autres problèmes sont de meilleurs éducateurs que le repos et la quiétude, car les revers de la fortune améliorent la nature humaine et consolident l'esprit. Ces changements domptent la nature de chaque individu et l'éveillent; ils lui inculquent le sens de la patience et de l'espoir et cultivent en lui les idées et les espérances les plus folles.

Hewer s'interroge: « Qu'est-ce qui entraîne le développement des idées et leur influence sur la nature humaine? Ce n'est point la science et les connaissances, ce n'est pas aussi l'art, les sentiments ou les sens. C'est plutôt les souffrances et les épreuves qui peuvent influer directement sur la pensée humaine. C’est sans doute pour cela que nous voyons le monde empli de souffrances. Le Roi qui est chargé des problèmes de ses sujets et de leurs sorts a plus servi les hommes dans la vie que le Roi qui leur a apporté le remède à leurs maux et la guérison. »

L'effet de la Foi sur la quiétude de l'esprit

Une recherche dans l'histoire de l'humanité et de son développement nous prouvera que les bases de la civilisation humaine et de la

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culture étaient et restent à la charge de ceux dont la foi leur permet d'affronter les obstacles et de surmonter les douleurs.

Les psychologues reconnaissent, généralement, que la « FOI » a des effets salutaires dans le traitement des douleurs de l'âme et dans la recherche de la plénitude et du repos intérieur.

Lorsque les problèmes tendent à détruire la personnalité de l'individu et à lui ôter toute volonté et tout espoir, la foi et la croyance en Dieu apportent à l'homme un grand soutien moral. Le désespoir, les problèmes et la malchance ne peuvent avoir sur l'esprit des gens croyants une grande emprise et donc ne peuvent les mener à faiblir, à désespérer ou bien à perdre son âme.

Le psychologue moderne Jung déclare:

« Nous n'avons trouvé parmi les gens de la tranche d'âge des plus de trente-cinq ans, atteints de maladies psychologiques, aucune personne dont le problème n'est pas lié à un manque de croyance spirituelle. Il serait plus judicieux de dire que chacun d'entre eux est malade d'un manque de spiritualité religieuse et pas un d'entre eux ne fut traité ou guéri sans qu'il ait recouvré d'abord sa foi religieuse. »

La croyance en Dieu est une porte de sortie à travers laquelle l'homme trouve son équilibre au niveau spirituel afin d'éviter les atteintes psychologiques. Par la foi en Dieu, l'image de la vie se complète, car lorsque l'homme croit que la vie ne s'interrompt pas avec la fin de la vie terrestre, cela entraînera en lui une certaine quiétude et le fera vivre normalement.

De

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même, croire en Dieu et en son jugement dernier et en la vie après la mort allégera le fardeau de l'homme quant au néant qu'il pourrait s'imaginer après la mort. L'homme croira alors que la mort lui ouvrira les portes d'un autre monde et qu'il accédera à la vie et à des bienfaits éternels, sans commune mesure avec ceux du monde d'ici-bas. Ainsi, un autre facteur de perturbation, la peur de disparaître, pour toujours, sera contourné.

Dans le Coran, il est dit: « Ne faiblissez pas, ne vous affligez pas: vous serez les très hauts, si vous croyez »

Dans ce verset, Dieu nous indique que la foi est un puissant bouclier de l'âme humaine contre les douleurs spirituelles en lui apportant une certaine immunité contre elles. Même si l'individu ne croit pas intégralement, il n'en reste pas moins que la foi reste le garant de l'équilibre intérieur nécessaire à chaque homme. Il est dit dans le Coran: « Les cœurs se tranquillisent, n'est-ce pas, au Rappel de Dieu? » « C'est Lui qui fait descendre la tranquillité dans les cœurs des croyants »; « Ceux qui ont cru et n'ont point revêtu de prévarication leur foi, voilà à qui appartient la sécurité » et, enfin, « Quant aux amis de Dieu, n'est-ce pas, point de crainte sur eux en vérité et point ne seront affligés ».

Nous ne pouvons, en conséquence, comparer la situation des croyants à celle des matérialistes athées dans leurs manières de faire face aux évènements consécutifs de la vie, car la différence entre eux est celle qui sépare

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la terre des cieux.

Jean-Jacques Rousseau écrit:

« Si nous étions des créatures éternelles, nous serions très ingrats. Nul doute que la mort est un sujet grave et complexe, mais le fait que nous ne vivrons pas éternellement et qu'une vie meilleure nous attende après les épreuves de cette vie est un espoir qui apporte à l'âme la quiétude et la paix. Si l'on nous accordait l'éternité sur terre comme un cadeau, qui ne l'accepterait pas? Quel espoir, dès lors, nous resterait-il en notre avenir eu égard aux autres?!

L'ignorant qui ne prévoit rien pour l'avenir ne connait pas la vraie valeur de la vie et ne craint point qu'elle lui échappe. Mais l'intellectuel lui préfère la vie après la mort à cette vie terrestre, à la différence des gens d'esprit superficiel et naïf et de connaissance restreinte qui ne voient que la vie d'ici-bas et perçoivent la mort comme la pire calamité qui puisse arriver à l'homme. Le sage, tout sage, voit que la nécessité de la mort allège son fardeau de problèmes dans la vie. »

La soumission à Dieu et la foi en son jugement

Nous avons vu que les gens dont le capital-foi avait été dilapidé échouaient fatalement les obstacles de la vie, car se voyant eux-mêmes captifs de la nature et soumis à ses forces puissantes et iniques. Quand bien même ils ne trébucheraient pas à la première épreuve, l'échec est leur sort inévitable.

Quant à ceux qui se réfèrent aux valeurs religieuses, leur vision est que la volonté de Dieu est en toute chose et que tout ce qui peut leur

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arriver est inscrit dans leur destinée. Cette attitude leur permet de faire face, sans faiblir, aux problèmes et évènements sur lesquels ils n'ont pas prise, tout en gardant un équilibre intérieur qui les maintient hors d'atteinte du doute et de l'anxiété et leur assure quiétude et paix.

Djâbir ben Abdallah Al-Ansari, l'une des personnalités éduquées à l'école de l'lslam, tomba un jour malade. L'lmam Al-Bâqer (que le salut soit sur lui) vint lui rendre visite et lui demanda de ses nouvelles. Djâbir lui répondit: « Je trouve aujourd'hui que la vieillesse vaut mieux que la jeunesse, que la maladie et la douleur sont préférables à la santé et que la mort est plus désirable que la vie! » Surpris, l'Imam lui rétorque:

« Cependant, nous, les adeptes du Messager de Dieu, nous ne sommes pas de cet avis. Ce que Dieu nous réserve, que ce soit la douleur ou le bienêtre, la vieillesse ou la jeunesse, la vie ou la mort, nous l'acceptons et nous prenons les maux de l'existence en patience ».

Pour Bertrand Russel:

« L'état de soumission et d'acceptation a un effet certain dans la réalisation du bonheur, tout autant que le fait d'œuvrer et de travailler dans ce sens. Le sage est celui qui ne reste pas passif devant les évènements contraires qui peuvent être changés; il ne gaspille pas sa vie dans l'idée de la peine et de la misère qui sont inévitables, même s'il s'agit de chose non souhaitable et modifiable, si cela devait occuper beaucoup de son temps et nécessiter beaucoup d'effort.

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Il devrait savoir se résigner et accepter son sort.

Certains s'emportent à l'idée qu'il puisse leur arriver certains évènements indésirables, si futiles soient-ils se fâchent plus que de raison, de sorte qu'ils gaspillent une quantité d'énergie qu'ils auraient pu employer à meilleure fin.

Même dans un travail visant à réaliser d'importants et nobles objectifs, il n'est pas sage de consacrer toutes ses pensées et ses sens à ce travail, afin qu'un échec éventuel ne devienne pas une menace latente pour la santé mentale et intellectuelle.

Parmi les conditions de réussite dans tout travail, l'absence de facteurs porteurs d'anxiété et de trouble est nécessaire. Car ces facteurs peuvent freiner le développement et le succès. Il serait donc nécessaire et sage que l'homme fournisse tous les efforts puis qu'il s'en remette au destin. »

Ce que nous entendons par soumission à Dieu et foi dans son jugement c'est le fait d'accepter pleinement les évènements ou calamités qui peuvent nous atteindre, sans qu'on puisse les prévoir ou les éviter, tout en luttant pour s'en sortir et les dépasser. Car la soumission à Dieu ne signifie pas le renoncement ou l'abdication.

Selon le savant anglais Owburry:

« La foi religieuse, dans les jours de peine et de misère, est le meilleur des dérivatifs spirituels, car il nous permet d'alléger les pressions qui s'exercent sur l'âme. L'éternité dans cette vie n'est pas pour l'homme et derrière cette éternité se cache une autre éternité et la religion est là pour informer et convaincre l'âme humaine de cette éternité.

Il est admis que la religion

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est bénéfique pour la paix de l'âme et la quiétude des sentiments, plus que nous ne pouvons l'imaginer. Les idées religieuses avec ce qu'elles apportent de beauté et de raffinement nous libèrent des chaines de la vie quotidienne et nous transportent de ce monde terrestre vers un monde plus élevé, plus vaste, plus pur et meilleur pour les âmes.

La religion ne nous engage pas à négliger notre vie terrestre, mais nous dit: soyons, dans notre vie, honnête, pur et entreprenant: ne laissons pas nos esprits être commandés par nos mœurs ou brûler nos âmes par la cupidité ou bien assombrir les espoirs des autres. »

La religion veut limiter notre amour propre qui continue à s'amplifier et à nous dominer, tel un diable ses adeptes; le limiter pour qu'il ne nous échappe pas au point de se jouer des autres. La religion nous dit: passons nos vies à être honnêtes et vertueux et faisons de la piété notre guide afin qu'elle habite nos âmes et apporte la paix à nos esprits.

La vie est emplie d'évènements et ce qui attire notre attention change souvent et peut même disparaître avec ces évènements. Dès lors, les ténèbres enveloppent nos âmes et font qu'on se lasse de la vie, qu'on n'éprouve ni peur ni espoir, ni amour ni haine. Cette situation anormale combinée à faiblesse de l'âme peut conduire au suicide.

Pour Marcos:

« S'il est exact qu'il est un destin et un but, alors savoureuse est la mort: sinon, amer est le goût de la vie.

Libérez votre pensée

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des chaînes de la vie et songez aux mystères de l'éternité, à la vie et à la mort et au temps qui est imparti aux êtres. De cette façon seulement, il est possible d'échapper aux remous de l'existence, de se libérer des illusions de l'enfance pour asseoir notre parachèvement dans la vie et se mettre en quête, dans l'univers, des idées et des concepts de la beauté, de la joie et du bonheur. »

Quant à Dale Carnegie, il écrit:

« Mon père peinait sous le poids des dettes, de la misère et de la pauvreté, au plus d'avoir perdu sa santé. Le médecin dit à ma mère qu'il ne lui restait que six mois à vivre. Mon père décida plusieurs fois de mettre fin à ses jours en se pendant ou en se jetant dans la rivière... Quelques années plus tard, il me fit cette confidence: le seul élément qui m'empêcha de me suicider était la foi inébranlable de ta mère, parce qu'elle croyait que si nous nous soumettions à Dieu, accomplissions ses commandements et lui obéissions, tous nos maux s'en iraient. Elle avait raison, car tous nos problèmes ont été résolus. Mon père vécut après cela quarante-deux ans d'une vie paisible. Et durant toutes ces douloureuses et pénibles années, ma mère n'a jamais désespéré; elle invoquait Dieu, dans sa petite maison de campagne, et le priait de leur prodiguer toujours sa bénédiction et son aide.

Si l'électricité, l'eau et une nourriture saine ont une influence sur ma vie et me paraissent essentielles, la

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bénédiction et les bienfaits de la religion sont aussi capitaux dans ma vie. Plus encore, si l'électricité et l'eau m'aident à réaliser une vie meilleure et moins pénible, la religion et sa lumière m'apportent encore plus de bienfaits.

La religion me donne la foi et l'espoir et éloigne de moi la peur et l'angoisse; elle donne à ma vie un sens et un but. La religion m'apporte tellement de bonheur qu'elle influe sur ma santé et m'aide à trouver ma voie dans la vie. »

Einstein, savant renommé du XXe siècle, après avoir signalé la diversité des religions, propose une nouvelle religion qu'il appelle: « l'existentialisme », et il décrit ainsi le sentiment de l'adepte de cette religion:

« Dans cette religion, l'homme ressent la petitesse de ses espoirs et de ses buts devant la grandeur et la majesté qui se dégagent de sa réflexion et de sa nature à propos de ce qui se cacher derrière la nature. Il voit sa vie comme une prison qu'il essaie de fuir pour comprendre l'existence comme une réalité unique. »

Nous pouvons nous interroger sur les causes des troubles et de la confusion des sentiments chez la plupart des gens, sur leur façon de raisonner et sur leur conception de la vie. On constatera qu'ils pensent, généralement, que leur vie doit être emplie de bonheur et de félicité et qu'ils sont en droit d'en jouir sans limite ni restriction. Si bien que lorsqu'ils sont confrontés à l'adversité et que leurs espérances sont déçues, alors ils n'ont de cesse de se lamenter

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et de s'en prendre à tout ce qui vit autour d'eux et de tenir autrui pour responsable de leur situation particulière.

Certains se trompent s'ils pensent que les problèmes que leur pose la vie les empêcheront d'activer ou d'œuvrer à réaliser leurs espoirs. Ils se trompent également lorsqu'ils croient que les autres vivent dans le calme et la paix, sans être touchés par les calamités de l'existence, car tout un chacun est sujet à ces évènements de la vie, sans distinction de race, de religion ou de classe sociale.

Des espoirs sans limites

Les espoirs, tant qu'ils durent, soutiennent l'homme dans sa lutte quotidienne contre la douleur et les peines. Ceux qui ont une vision plus objective savent que l'abondance d'argent et de richesse peut constituer un obstacle sur la voie du bonheur et de la félicité. Il existe dans ce monde des gens qui, malgré leur richesse, souffrent d'une faim étrange, qui ne voient aucune place au bonheur dans leurs vies; ils sont nombreux ces noyés qui se plaignent de la soif.

L'lmam Ali (que le salut soit sur lui) a dit:

« Nul trésor ne vaut la sobriété. Nulle richesse n'est plus sublime que la frugalité. Celui qui sait être sobre, celui-là aura atteint la quiétude de l'âme. »

Il existe en psychologie une loi appelée « loi du bonheur » qui dit:

« Chaque fois que diminue l'espoir, la paix s'étend et chaque fois que l'espoir renait, la paix régresse ». Ainsi, plus nous modérons nos espérances, plus nous diminuons les possibilités d'échec et de déception. En conséquence, l'angoisse, l'instabilité et l'impatience qui

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atteignent l'homme avant de réaliser ses espoirs diminuent de manière proportionnelle. La vérité est que la réalité de la « loi du bonheur » n'est, en fait, que la réalité de la sobriété et de la modération.

Nous devons, cependant, savoir que notre objectif, à travers la « loi du bonheur et de la sobriété », n'est pas d'inciter l'homme à abandonner ses tentatives et à baisser les bras en acceptant le fait accompli. Le but réel de la « loi du bonheur est que l'homme sache ses limites, qu'il ait conscience ses capacités et ses aptitudes et qu'il ait confiance en son énergie et ses possibilités. C'est-à-dire qu'il n'outrepasse pas ses limites qui sont les siennes afin de ne pas se fourvoyer et se perdre. »

La relation avec la vie éternelle

L'Islam incite les âmes à la vie éternelle. La foi dans le destin, qui est une foi vive et inébranlable qui transporte la personnalité de l'homme de l'environnement matériel et sensitif et le pousse à consacrer ses énergies à réaliser les espoirs humains sublimes. Cela sans empêcher l'individu de profiter pleinement de sa vie tout en soumettant les sentiments de tentation, de jalousie et de cupidité aux jugements de l'esprit et de la raison.

Lorsque l'homme aura pris conscience que les opportunités matérielles qui lui sont offertes dans l'existence sont peu nombreuses et que les possibilités d'en jouir sont incertaines que les jouissances spirituelles et morales, par contre, sont autrement plus nombreuses, alors aux yeux de ce croyant, tous les bienfaits terrestres perdront de leur attrait et il ne ressentira ni regret

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ni peine.

De même, il ne sera pas sujet au trouble, à la tristesse et à la peur, parce qu'il n'aura pas obtenu plus que ce qui est nécessaire dans la vie. Il ne sera pas dans l'état de celui qui n'a de cesse jusqu'au dernier jour de sa vie à rechercher le plus de bienfaits terrestres. Au contraire, il vivra harmonieusement dans le calme, la tranquillité du cœur et la paix de l'âme, en jouissant pleinement de ce fait de son existence. Car le croyant sait que la jouissance des biens d'ici-bas doit le mener à des objectifs plus élevés et plus nobles. Que tous les biens de la terre ne méritent pas qu'on y attache plus d'importance qu'ils ne devraient en avoir. Ou alors on y perdrait sa vertu et son âme.

La pression qu'exercent les troubles et les peines mènent à des maladies psychologiques et physiques; chacun d'entre nous doit empêcher l'anxiété et les peines de le dominer afin de préserver sa santé morale et physique.

L'lmam Ali disait:

« La peine détruit le corps ».

Le Prophète disait lui: « Le tracas affaiblit le corps ».

Les recherches scientifiques ont prouvé que certaines maladies sont le résultat de l'anxiété et des troubles psychologiques. L. Mann, le célèbre psychologue, rapporte:

Les études qui ont été menées sur l'aspect physiologique des troubles ont démontré que les troubles se localisent dans toutes les parties du corps. Le trouble apparait dans le cœur, la sécrétion des glandes et hormones, l'acidité gastrique, les convulsions du cerveau et tous les épanchements internes.

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L'épanchement « d'adrénaline » a une importance toute spéciale, car cette substance fournit aux organes du corps une nouvelle source d'énergie en remplacement du sucre fourni par le foie en temps normal. »

Une nouvelle branche de la psychiatrie, appelée la psychopathologie, recherche les maladies corporelles qui surviennent à cause des atteintes psychologiques, principalement l'anxiété. L'une des expériences entreprises dans ce domaine a prouvé que soixante-trois personnes sur un total de soixante-quinze, atteintes d'ulcères de l'estomac, étaient sujettes à l'anxiété.

Nous avons rapporté plus haut le cas d'un malade placé sous surveillance à ventre ouvert (durant l'opération), ce qui offrait une opportunité unique d'étudier le travail de l'estomac. Au bout de deux semaines, il a été observé que le malade qui était atteint d'anxiété aiguë a vu la paroi de son estomac subir une hémorragie légère avec augmentation de la sécrétion d'acide, puis sont apparues les prémices d'une blessure semblable à un ulcère d'estomac. L'ulcère de l'estomac commence, généralement, avec une anxiété de l'esprit qui cause des troubles graves à cet organe. Il s'en suit une hémorragie puis des perforations dans la paroi, signes naturels de l'ulcère de l'estomac. »

L'homme à la vision réaliste diffère des animaux, êtres aux sensations immatures, par son degré de soumission au rêve. En effet, l'individu superficiel est toujours dominé par ses rêves, ses espoirs et ses illusions, perdant ainsi toute volonté face aux défis de la vie. À l'inverser, l'individu réaliste n'est pas tributaire de ses rêves, espoirs et illusions; il ne se laisse pas dominer par eux et peut

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ainsi braver les difficultés quotidiennes qui se posent à lui et ne pas se laisser démonter par elles. De ce fait, il est nécessaire pour l'homme d'acquérir un certain équilibre qui lui permette de résister aux chocs, car chez certaines personnes l'absence ou la faiblesse du moral mène à ressentir de la douleur. Ceci les pousse à s'adonner à des dérivatifs et des loisirs pour le moins nocifs.

Pour Jean-Jacques Rousseau:

« Le plus malheureux des hommes est celui qui pense qu'il manque de tout, car le malheur n'est pas que l'individu ressente le besoin de quelque chose, mais plutôt de ressentir le besoin de quelque chose qui lui manque. Le monde réel a ses limites, le monde de l'imaginaire lui n'a pas de limites. Si nous ne pouvons étendre le premier, le monde réel, nous devons alors limiter le second, car toutes les douleurs qui nous causent peine et tristesse sont celles qui naissent des écarts qui opposent ces deux notions: le réel et l'imaginaire.

C'est cette perspective futuriste qui nous pousse toujours à sonder l'avenir qui est la source de notre peine et de notre malheur. Pour un être comme l'homme dont la vie est courte, à quoi bon tourner ses pensées vers un avenir lointain qu'il pourrait ne jamais atteindre. En agissant ainsi, il oublie totalement le présent qu'il vit. Cette anxiété vis-à-vis du futur augmente avec l'âge jusqu'à ce que les vieilles personnes qui sont les plus anxieuses pour leur avenir-se désintéressent de ce dont elles ont besoin pour le

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présent pour ne songer qu'aux cent prochaines années et de ce qu'il leur faudra amasser comme richesse et comme luxe dans ce but, sans parler du nécessaire pour vivre.

Ainsi, l'homme noue des rapports avec toutes les nécessités de l'existence; il va même jusqu'à leur accorder plus d'importance qu'à son être même, au point d'en perdre sa propre personnalité. Autrement dit, chaque être projette son existence sur la terre entière et réagit à toute chose. Dès lors, est-il étonnant que nos douleurs augmentent? Nombreux sont ces commerçants qui lorsqu'ils apprennent qu'un des leurs est parti en Inde, se lamentent du fait qu'ils se trouvent eux à Paris!! Nous ne vivons pas notre propre réalité, nous vivons hors d'elle et s'il est écrit que ce pourquoi nous vivons doive exister encore après notre mort, alors pourquoi s'en émouvoir? L'homme, pour vivre heureux, doit se contenter de l'existence qui est la sienne et ne pas chercher ailleurs le bonheur. »

L'lmam Al-Kulayni rapporte de l'Imam Saddeq qu'il dit un jour:

« Prenez patience dans la vie, car elle ne dure qu'une heure, ce qui en est passé ne laisse ni douleur ni joie et ce qui n'est pas venu vous l'ignorez. Rien n'importe plus que l'heure que tu vis présentement; alors, vis-la dans l'obéissance à Dieu et à éviter sa colère ».

Cependant, si l'intérêt qui est porté au passé ou à l'avenir découle d'une volonté de fuir les difficultés du moment présent, cela représente aux yeux des psychologues une maladie psychologique ou, du moins, ses prémices. Selon eux:

« Si

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l'homme ne s'intéresse pas à son présent et ne profite point des occasions qui lui sont offertes et dit aux autres: il est vrai que je ne réussis pas à l'école, mais attendez que j'entre de plein pied dans la vie active et vous verrez; ceux qui ont échoué dans leurs études ont réussi dans la vie et je caresse bien des rêves et des espoirs pour l'avenir.

Ce genre de réflexion prouve que son auteur tente de se soustraire à la réalité de sa situation présente par un discours qui manque de logique. Cet individu a déjà hypothéqué son avenir et il est fort probable qu'il échoue à l'avenir comme il a échoué dans le présent.

Ce genre d'attitude est typique des personnes âgées ou handicapées. Si l'homme est incapable d'affronter ses problèmes quotidiens, ne pensant qu'à l'avenir, alors le moment est venu où il demeurera tout aussi incapable de les résoudre à l'avenir. Ceci est une tentative de fuir le présent difficile pour se transporter vers un avenir vide de problèmes. Mais cette tentative est vouée à l'échec et ne peut que nuire à l'individu. »

En puisant dans les forces qui sont en chacun de nous, nous devons affronter nos douleurs. Dès lors qu'on renonce, ne serait-ce qu'une seule fois, nous serons frappés d'inertie et nous subirons plus de souffrances encore. Ainsi, parmi les solutions qu'on peut apporter aux problèmes liés à l'inquiétude et à l'anxiété, il est celle d'entreprendre des actions positives, car elles permettent d'alléger le fardeau que font

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peser les contradictions et tiraillements auxquels l'homme est soumis; elles lui apporteront, également, du contentement une fois qu'il les aura accomplies. Car si ces actions sont bénéfiques à autrui, elles le sont aussi pour celui qui les a entreprises, sans oublier qu'elles permettent à l'individu d'éviter d'emprunter les mauvaises voies.

La meilleure manière de résoudre certains problèmes

Expliquer certains complexes psychologiques chez certains amis fidèles et sincères nous parait utile pour libérer nos âmes des soucis qui pèsent sur elles. Nous devons ainsi encourager les gens malheureux et qui souffrent à se confier à leurs amis et camarades et à discuter avec eux de leurs problèmes afin d'alléger leurs tourments et de parvenir à la quiétude de l'âme et de l'esprit.

L'Islam, à cet égard, accorde une importance particulière à ce sujet en rappelant que le croyant peut alléger les peines de ses coreligionnaires et les siennes et être un élément de paix pour eux. Il a été rapporté que le Prophète a dit: « Dieu aime ceux qui agissent à faire entrer la joie dans le cœur du croyant pour en chasser la peur et y dissiper la souffrance »; il a dit également: « Si l'un d'entre vous souffre, qu'il en informe ses frères afin qu'ils l'aident ».

La psychologie moderne a également déconseillé de cacher les peines et les douleurs et de les taire. Pour Schachter:

« Si vous n'êtes pas contents de votre situation, de votre état et de votre attitude et que vous ne pouvez pas résoudre seuls vos problèmes, vous devez en parler à ceux sur qui vous pouvez compter

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et qui garderont vos secrets, car cacher les illusions douloureuses, la peur et l'anxiété ajoute à leur nuisance. Déclarez vos secrets et demandez conseil au savant expérimenté, car la peur et les pensées troubles faiblissent devant les résolutions et disparaissent. Ne vous retenez pas de vous plaindre au psychologue comme à un ami sage, car les pensées troubles que nous refoulons dans le subconscient perturbent notre quiétude et notre bonheur.

Sachez que les mauvaises pensées mènent à deux voies: ou bien le rejet se fait de manière naturelle, sans qu'on le sache ou qu'on le veuille, c'est-à-dire que nos esprits évacuent la pensée nuisible et gênante sans qu'on s'en doute et la stocke dans notre inconscient. Parfois, nous rejetons certaines pensées douloureuses en connaissance de cause et insistons pour ne point nous en souvenir. Cette opération s'appelle, en terminologie psychologique, “la suppression”. Mais cette opération ne diminue en rien les dégâts de la pensée, car plus on essaie de l'oublier, plus on s'en souvient. De toute manière, qu'on le sache ou non, la pensée nuisible et gênante, qu'elle disparaisse d'elle-même ou qu'on la supprime, ne nous abandonne pas et nous fera nécessairement mal. Nous ne nous reposerons de son fardeau et de sa nuisance tant que nous n'aurons pas consulté un médecin spécialisé qui nous aidera nous conseillera et nous orientera. »

L'expression de la joie

Parmi les facteurs favorables qui peuvent nous aider lorsque nous sommes assaillis par les problèmes et les difficultés, par le trouble et l'anxiété, il est celui d'exprimer de la joie et

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du plaisir.

Les psychologues, aujourd'hui, voient dans le fait d'exprimer sa joie et son contentement un facteur de diminution des crises consécutives aux peines et aux souffrances. Il est dit, selon eux:

« Tentez de vous trouver, même si ce n'est pas vrai, des sujets qui vous rendent joyeux et œuvrez toujours à être souriants. Apparaissez vide de toute anxiété et de toute peine, de sorte que chaque fois que l'on vous voit, on s'imagine que l'on a rencontré le meilleur des amis et si vous êtes peiné et contre, cachez votre peine lorsque vous rencontrez les autres, qu'ils croient que vous êtes le plus heureux des hommes.

Si vous bénéficiez d'un esprit et d'un esprit et d'un moral joyeux et que vous le fassiez voir aux gens, cela améliorera l'attitude des autres envers vous; ils se confieront à vous et partageront leurs joies et leur bonheur avec vous. Et si vous êtes actifs, cela aura un effet d'attraction des gens vers vous.

Le premier pas vers l'activité est d'exprimer sa joie et son bonheur. Ne révulsez pas, soyez tout sourire. Cette attitude de bonheur aura certainement de l'effet sur vous et allégera vos peines intérieures. Sinon, vous vous habituerez à être renfrogné et inamical et les gens, naturellement, fuient les personnes tristes. Le visage souriant vous attirera la compagnie des autres. La tristesse n'est pas une qualité humaine, même si certains croient que ce comportement focalisera sur eux l'attention et les fera craindre des autres. Ceci est une illusion. Chaque fois que vous êtes

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tristes, souriez, vous verrez alors comment le sourire vous extirpera de votre apathie. »

Chapitre 6: L’Apport des Richesses dans l’organisation de la Vie

Le principe de l'entraide sociale

Les nobles sentiments qui émanent du tréfonds de l'âme et qui s'expriment à travers les actes de bonté et de charité au service de l'humanité représentent le plus haut degré dans les qualités morales humaines. Ces sentiments agissent sur le cœur de l'être humain lorsqu'il assiste à des malheurs ou à la souffrance d'autrui, et le poussent au sacrifice et à la lutte pour le soulager et le consoler.

En effet, la joie et la douleur, le bonheur et le malheur, la richesse et l'indigence sont étroitement liés à la vie de l'homme. Toutefois, dans la plupart des cas, il est possible de soulager les maux et les souffrances et d'atténuer leur effet en suscitant les sentiments et la sensibilité des autres et en venant en aide à ceux qui souffrent.

L'être humain n'est pas uniquement un ensemble de cellules vivantes. Plus que cela il porte avec lui un message incarnant la vertu, la science, la beauté et les valeurs les plus nobles, en ce sens que les relations qui doivent lier les hommes entre eux doivent être empreintes d'amour sincère et désintéressé et non pas bâties sur l'intérêt et les nécessités de l'heure.

Au demeurant, il est impossible de vouloir trouver des solutions aux problèmes courants sans faire de sacrifice et sans préférer quelques fois les autres à soi-même dans les moments décisifs. Il y a lieu de signaler, à cet égard que parmi les fondements nécessaires à

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la construction d'une véritable « entraide sociale », la compassion, le sacrifice et la préférence des autres à soi occupent une place très importante. La personne ou la collectivité qui s'imprègnent de cette spiritualité dans leur vie sociale ne peuvent que parvenir à la perfection.

Il va de soi que celui qui aime la vie doit faire en sorte que celle-ci soit meilleure autant que possible. De même qu'il doit contribuer, autant que faire se peut, à l'émergence d'une société saine et prospère. Car autant une personne a le sens du social et le sentiment aigu, autant elle s'intéresse au sort des autres. En effet, les idées bénéfiques et la sociabilité, en plus du fait qu'elles participent de la perfection de l'homme lui-même aident à jeter les bases d'une société idéale pour le bien-être de ce même homme. Les sciences sociales ont mis l'accent sur le fait que le soin et la sollicitude que dépense l'homme pour sa personne impliquent la prise en charge des préoccupations des autres et l'entraide sociale avec eux. Les anciens n'ont-ils pas dit: « c'est par la main avec laquelle tu as donné que tu seras sauvé! »

Celui qui n'a pas semé le bien dans la vie, comment espère-t-il récolter le bien? Bien plus, les vertus humaines et la responsabilité sociale dans une société donnée agissent en fonction de la méthode de pensée et de la spiritualité en vigueur dans cette société. Cela dit, l'absence de cette spiritualité au sein de personnes ou de collectivités est la preuve qu'il y

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a un déséquilibre quelque part et qu'il y a un retard en matière de maturité sociale. Par conséquent, cette société se trouve livrée au laisser-aller, à l'irresponsabilité et au désordre moral par la faute de ses membres qui n'ont pas su comprendre que leur bonheur dépend de celui des autres.

Une telle société ressemble à un navire en détresse où chaque membre de l'équipage veut sauver sa peau sans se préoccuper du sort des autres.

Il reste bien sûr évident que le sacrifice au service des autres n'est pas chose facile. Un savant a dit à ce sujet:

« On éprouve toujours de la peine et des contraintes à faire des actes de bienfaisance. Toutefois, au fur et à mesure qu'on avance dans cette voie, on sent comme une force nous pousser et nous stimuler. En vérité, les actes de bienfaisance ressemblent à des femmes fécondes desquelles nait une nombreuse descendance. »

Ceci est vrai, en ce sens que le sacrifice et le dévouement aux autres constituent une grande charge pour l'homme soucieux de son bien-être et enfoui dans son égoïsme, cet homme avide de toute chose et prêt à se sacrifier pour parvenir à son but, à son idéal, quelqu'en soit le prix! Or y a-t-il dans la vie de l'homme une chose qui ne constitue pas un problème et une peine? Bien au contraire dans tout geste qu'il accomplit couramment, il y a une peine et une lassitude. Il en va ainsi de l'effort de perception et de compréhension comme des autres efforts quotidiens.

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La différence n'existe qu'au niveau de la démarche et de l'effort fourni. C'est ainsi qu'une juste et sage perception de choses peut mener l'homme à la vérité et à la certitude dans ce bas monde et dans l'autre où il trouvera la récompense et la béatitude. Le contraire est aussi vrai.

Cependant, bien qu'ils soient nombreux ceux qui prétendent être bienveillants et partager la souffrance des autres, il n'en demeure pas moins qu'ils refusent d'assumer leurs responsabilités afin d'alléger, un tant soit peu, le malheur de ceux qui souffrent. De fait, si on propose, à l'un d'eux, une responsabilité ou une charge impliquant des dépenses ou des efforts pénibles de sa part pour aider les nécessiteux, ou bien de renoncer à certains de ses privilèges, celui-ci ne peut que refuser cette charge et s'en éloigner. Tout ça, parce que ces gens-là n’ont pas été préparés à assumer des responsabilités et des fonctions. Bien plus, ils n'ont pas voulu s'habituer à assumer la plus petite des responsabilités afin d'être aptes à en assumer de plus importantes. Porter sur soi la souffrance d'autrui est un sentiment sublime digne de la plus haute considération.

Toutefois, si ce sentiment-là ne se concrétise pas en acte de bienfaisance susceptible d'alléger le malheur des autres, on ne voit pas où est son utilité. Les sentiments restés à l'état de vœux pieux peuvent-ils servir à quelque chose? Les sentiments enfouis dans le tréfonds de la conscience n'ont par conséquent, aucun effet sur les réalités de la vie, et ne

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peuvent donc être utiles à l'humanité. En effet les bonnes intentions ne suffisent pas, à elles seules, dans la vie pratique et réelle de l'homme dans ce bas monde. Ils ne valent que s'ils sont suivis par des démarches et des actes concrets.

Les plus hauts délices spirituels

L'effort accompli en vue de soulager les gens qui souffrent n'est pas une fonction impartie à telle ou telle personne. C'est un des actes les plus sublimes de la vie. L'homme est appelé à aimer son prochain, et à inclure dans son amour tout le genre humain. Son âme et son cœur n'en seront que purifiés et illuminés. Il connaitra alors le vrai bonheur et percevra la beauté en toute chose.

Un savant occidental a dit à ce sujet:

« Chaque bonne action implique nécessairement une récompense et vice-versa, mais que valent cette récompense ou cette punition au-delà du bien et du mal et de leur implication morale? Y a-t-il en effet une satisfaction plus belle que celle que produit un acte vertueux accompli pour aider autrui? Y a-t-il, également une punition plus ignominieuse que le fait de se sentir coupable de turpitude?

En vérité la récompense et le châtiment ne sont que les conséquences naturelles de nos actes. De même que celui qui touche au feu souffre de brûlure, celui qui fait du mal et outrepasse ses droits ne peut qu'observer le résultat de ses actes. C'est pourquoi nous ne devons pas penser à ce qui nous attend comme récompense pour fruit de nos actes, mais faire en sorte que notre

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quête du bien soit désintéressée. Ainsi donc, que le jour succède à la nuit aussi vraie que l'ombre suit le soleil, un bonheur ineffable suit, comme un résultat inévitable, nos actes les plus vertueux. Ce bonheur ineffable est la paix de l'âme et sa sérénité.

En effet, celui qui est bienfaisant et charitable avec autrui, dans les limites de ses contraintes et de ses charges, ressent en lui-même, une joie indescriptible. Il se verra, ce faisant, se hisser au-dessus des contingences terrestres et survoler les espaces lumineux du monde métaphysique. Ce sentiment-là lui donnera l'occasion de goûter au véritable bonheur.

L'intention de faire le bien est déjà en soi un acte louable. Cependant, il importe de concrétiser cette intention et de la mettre en pratique. Au demeurant, lorsqu'une pensée bienfaisante effleure notre âme, nous sommes les seuls à en jouir. Or les actes de piété et de charité ressemblent aux étoiles brillantes qui illuminent le chemin des hommes. Cela dit, il importe à nous de bâtir une société saine et vertueuse ou de la détruire. C'est pourquoi notre responsabilité est engagée.

Les hommes sont divisés en deux parties: l'une peine pour la quiétude des autres, tandis qui l'autre cause de la peine aux autres pour assurer sa propre quiétude. Cependant, si les seconds ne peuvent échapper à la peine qu'ils font endurer aux autres, les premiers partagent le bonheur qu'ils sèment avec autrui. Il est vrai que tous les actes accomplis par les hommes de bien pour aider et soulager les autres auront

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des conséquences bénéfiques dignes de considération, aussi insignifiants soient-ils »

Certes, il n'y a pas de limite pour la piété et la bonté, car les sentiments humains sont inépuisables. Bien plus à chaque fois qu'on les sollicite, ceux-ci grandissent de plus en plus. Ne dit-on pas que les cerveaux humains sont limités tandis que les sentiments ne connaissent aucune limite du fait qu'ils peuvent englober toutes les choses et les contenir? En un mot, disons que dans les actes de bonté et de charité au service des autres réside une joie à laquelle seuls quelques hommes peuvent prétendre.

L'insouciance vis-à-vis des problèmes des autres

Les gens qui arborent tout ce qui a trait aux bonnes actions et éprouvent du mépris pour leurs semblables n'ont plus d'attachement avec le monde où ils vivent! Ils se sont renfermés sur eux-mêmes et ont oublié l'existence des autres, auxquels ils ont d'ailleurs dénié tout droit à l'existence. Jamais ils ne pourront penser que leur prospérité implique aussi celle des autres. Il est vrai que cette catégorie de gens n'est pas totalement dépourvue de sentiments humanitaires en ce sens qu'ils sont conscients de la souffrance des autres. Ils sont, hélas, prisonniers de leur égoïsme et de leur narcissisme qui ne laisse aucune place dans leur cœur à l'amour d'autrui. En d'autres termes, ils ne peuvent dépasser le « moi » individuel pour le « moi » collectif.

Le Dr Alexis Carrel écrit dans cette optique:

« Tout homme qui conduit sa vie de façon rationnelle voit son caractère changer du tout au tout. Et quand les actes du corps et de

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l'esprit sont en harmonie avec leur ordre naturel, ils deviennent plus fructueux encore. Le respect des règles de la nature pour la préservation de la vie et la continuation de l'espèce et le développement mental entrainent un surcroit de force dans toutes les activités physiques et mentales. Ce développement se manifeste de façon particulière dans l'accroissement des vertus morales, du sentiment religieux et humain, et dans l'illumination de l'intelligence.

Quand l'être humain comprend que le but de la vie ne consiste pas seulement dans la jouissance et l'intérêt matériels, mais dans la vie elle-même, il cessera de faire de ce monde son seul souci. Il regardera sa vie et celle des autres d'un regard plus aigu. Il comprendra par exemple que sa vie dépend de celle des autres et réciproquement. Il devient alors manifeste pour nous que les théories de Jean-Jacques Rousseau sont des vues de l'esprit, et que l'individualisme est une théorie dangereuse, et que la théorie du contrat social n'est pas logique, et qu'il est nécessaire de considérer les autres à toutes les étapes de la vie.

Certes, il existe une contradiction flagrante entre l'amour de soi et l'amour de l'espèce en tant que nécessité sociale. Le développement du corps et des appareils se réalise par les facteurs du milieu et de l'environnement et de l'aide d'autrui. Quand l'homme se trouvait dans la matrice maternelle, il dépendait de sa mère, et quand il grandit il devient dépendant de la famille et de la société. Et c'est ainsi qu'il s'habitue à

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considérer que trier profit des facteurs environnants est un droit pour lui, et que l'expansion de l'individualisme est en relation avec ces tendances instinctives vers l'amour de soi dans toutes les créatures.

D'autre part, l'excès dans l'amour de soi rend impossible la constitution de la société. Par conséquent l'amour de l'espèce est aussi une nécessité naturelle comme l'amour de soi. Un équilibre doit régner entre le “moi” et le “nous” comme la condition sine qua non pour la réussite dans la vie, comme la précision dans les mouvements de nos mains est la résultante naturelle de la contradiction qui existe entre les membres qui se courbent et ceux qui sont droits. »

Les programmes éducatifs en Islam ont été conçus de façon à permettre à l'esprit humain d'approfondir sa vision des choses en matière de réflexion et d'étude des faits sociaux. En effet à chaque fois que la vision de l'homme s'élargit et que le niveau de sa réflexion s'approfondit et s'élève, celui-ci parvient à sortir de l'ornière du moi et de l'égoïsme. Pour ce faire, les programmes d'inspiration islamique ont été organisés de façon à affermir, en sus du sens moral individuel, l'éthique sociale afin que l'être humain lie son moi individuel au moi collectif. Ce faisant la société sera composée d'être solidaires entre eux et non d'égoïstes qui ne penseront qu'à eux-mêmes. Les liens et les relations sociales dans une société islamique sont également affermis par une attache divine qui leur confère un caractère sacré. C'est ainsi qu'ils sont tenus de

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se recommander les uns les autres le bien, la piété et les bonnes œuvres, de même qu'ils doivent s'aider mutuellement afin de jeter les bases d'une société solidaire où les générations futures pourront vivre dans le bien et la vertu, à l'ombre de la foi et des valeurs saines. À la suite de quoi, toutes les forces vives seront mobilisées dans la voie du bien et du progrès et non dans la voie du mal et de la destruction. De cette façon-là se conjugueront les démarches et les objectifs de même que s'harmoniseront les cœurs pour travailler au service de l'humanité. Par ailleurs, du moment que l'Islam exige que soit mise en place une société solidaire fraternelle et unie, de façon à pouvoir assumer ses responsabilités sociales, et sachant que la vertu, la piété t la bienfaisance sont les fondements de sa morale, il a proclamé et décrété que celui qui ne travaille pas pour le bien de la société n'est pas un musulman, c’est ce qui ressort de la parole du Prophète (sur lui bénédiction et salut):

« Celui qui ne s'intéresse pas au sort des musulmans ne fait pas partie d'eux ».

Depuis que l'Islam s'est levé comme une aurore dans les ténèbres de l'ignorance, il a donné au monde une conception de la vie embrassant toutes les préoccupations de l'individu et de la société. Il s'est attelé à purifier et à éduquer une nation habituée à vivre dans la haine, l'orgueil, le vice, la déchéance morale et l'exploitation de l'homme par

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l'homme. Il les a invités à la fraternité, la bienfaisance, la compassion, la miséricorde et l'amitié sincère. De ce fait, il a pu donner à chaque homme une personnalité solide et remarquable de façon à ce qu'aucun prétexte ne puisse les diviser, et semer parmi eux la haine. Ce fut une société forte et saine où la foi, le dévouement pour autrui et la recherche de l'intérêt général constituaient les fondements principaux. Dans cette société-là, il est évident que chaque membre se sente responsable du sort des autres comme s'il en avait la charge à lui seul. Chacun des membres de cette société éprouve pour son prochain de l'affection, de la générosité et un dévouement qui l'amène à lui donner la préférence sur sa propre personne. N'est-ce pas ces relations qu'a décrites le Saint Coran dans les versets qui suivent:

« Ceux qui avant eux se sont installés dans le pays et dans la foi, qui aiment ceux qui émigrent chez eux et ne ressentent dans leurs poitrines aucun sentiment d'envie pour ce que ces gens ont reçu. Ils leur donnent de plus la préférence sur eux-mêmes, même quand ils sont dans le besoin ».

Il a aussi décrit les pieux et les justes en ces termes: « Qui a donné l'argent, malgré son amour pour lui, aux proches, aux orphelins, aux miséreux, à l'étranger de passage, aux mendiants et pour affranchir les esclaves ».

L'amour propre étant ce qu'il est, il importe à l'homme riche et aisé qui veut aider les nécessiteux de ne pas toucher

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leur dignité en sachant procéder avec finesse et tact. Dans cette optique-là, l'Islam recommande aux riches d'abaisser la main qui tient l'aumône par humilité, afin que les pauvres puissent la prendre sans avoir à s'abaisser et sentir l'humiliation et afin qu'ils puissent rester eux-mêmes loin de l'orgueil et de la fierté. Comme disait l'imam Ali:

« Qu'elle est admirable l'humilité des riches vis-à-vis des pauvres pour obtenir les bienfaits de Dieu. Mais ce qui est plus admirable encore, c'est l'orgueil des pauvres vis-à-vis des riches parce qu'ils s'appuient sur Dieu ».

Le sens du Bien en Islam

Parmi les caractéristiques intrinsèques au musulman, il y a l'amour et la compassion. Ces deux qualités découlent d'une sincérité dans la foi qui l'amène à considérer tout ce qu'il a comme venant de Dieu et tout ce qu'il donne il le donne à lui. Celui à qui est accordée cette grâce, son cœur déborde d'amour pour les êtres, même si aucune relation ne le lie à eux, car sa conduite s'inspire de l'amour ardent qui passionne son cœur et qui coule de la fontaine inépuisable de l'amour divin.

Y a-t-il en effet un stimulant plus fort que la foi et la sérénité envers Dieu, ainsi que l'espérance en sa Miséricorde et Sa récompense future pour encourager l'homme à faire le bien d'une façon désintéressée et loin de toute amère-pensée?

Ainsi donc, la piété et la bienfaisance n'ont de véritable sens que s'ils émanent d'un cœur sincère et visent un objectif sacré, en l'occurrence la satisfaction de Dieu.

Cela dit, l'Islam œuvre constamment en vue de guider

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les consciences vers ce but sacré et sublime. Pour ce faire, il ouvre à l'homme les vastes horizons de l'intelligence et de l'imagination et les met en adéquation avec les aspects physiques et métaphysiques de l'univers de façon à ce qu'il s'imprègne de l'immensité et de l'éternité de la puissance divine et afin qu'apparaisse, devant lui, la Vérité, dans tout son éclat.

Évidemment seuls ceux qui font preuve d'une adoration dévouée à Dieu et qui se souviennent constamment de lui, peuvent éprouver ce genre de perception suprahumaine.

En effet, le dévouement au Créateur et la recherche de Sa proximité et de Sa protection font parvenir l'homme à une station spirituelle telle qu'il peut pénétrer le sens véritable du « vicariat de Dieu » (khalifat Allah) et qu'il devient un être imprégné d'amour devant lequel la voie de la vertu sera aplanie.

Par ses préceptes et ses enseignements, l'Islam nourrit en l'homme ce genre de sentiments naturels qui existent en chacun de nous. Une fois que l'amour devient le reflet de ces sentiments et déborde sur le cœur de l'homme, celui-ci sera forcément enclin à suivre la voie du bien et à se dévouer pour ses semblables. En revanche, la haine et la volonté de faire le mal ne peuvent tenir dans un tel cœur et finiront par se dissiper, car l'amour ne saurait cohabiter dans un même cœur avec l'infamie et les souillures de l'âme.

Il va de soi que la guidance de l'Islam et l'éducation morale et spirituelle qu'il destine à l'humanité entière laissent à

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l'intérieur de l'âme une influence bénéfique considérable, une fois qu'elle s'en imprègne. De fait, en prenant conscience de l'existence d'une relation étroite et ferme entre sa personne et le monde qui l'entoure, l'homme agirait en conséquence, en respectant et en se conformant aux lois de l'univers, c'est-à-dire en étant en harmonie avec l'ordre cosmique tel qu'il a été établi. Ce faisant, il aura pour toutes les créatures un regard plein de compassion, à l'exception de celles qui sont nuisibles. L'homme parvenu à cet état spirituel où se révèlent sa grandeur et sa noblesse dans toute leur plénitude sera purifié de toutes les souillures de l'âme. Il constituera un facteur positif dans l'existence humaine et partant dans l'ordre cosmique.

N'est-ce pas la connaissance spirituelle qu'avait le prophète qui lui faisait dire à propos de ceux qui s'étaient opposés à son message: « Seigneur, dirige mon peuple sur la bonne voie, car il est dans l'ignorance ». Bien plus la compassion du Prophète n'englobait pas seulement son peuple, elle s'étendait à toutes les créatures. C'est ainsi qu'il enseignait à ses compagnons la généralisation du bien et de la compassion même envers les animaux. Un jour il leur raconta ce qui suit: « Alors qu'il souffrait de la soif en plein désert, un homme vit un puits dans lequel il descendit pour se désaltérer. En remontant, il vit un chien haletant et mourant de soif. Pris de pitié, il redescendit dans le puits et remplit ses chaussures pour pouvoir donner de l'eau au chien. Dieu lui pardonna

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toutes ses fautes passées à cause de ce geste-là ». Les compagnons lui dirent: « Serons-nous récompensés pour notre compassion à l'égard des animaux? » Il répondit: « Oui! Vous serez récompensés en venant en aide à tout ce qui possède un cœur. »

Ceci dit, il nous incombe de ne jamais agir par anticipation ou avec des idées préconçues devant n'importe quel évènement, mais de toujours chercher à en connaitre les raisons. C'est comme le malade que le médecin ausculte pour connaître les symptômes de son mal.

Le sens du bien dans le monde moderne

Nous savons tous que les pays riches consacrent une part de leur budget à l'aide aux pays pauvres. Ceci est une bonne chose en soi, mais malheureusement, cette aide n'est jamais dénuée d'arrière-pensées non louables. Les considérations humanitaires ne sont pas les seules à entrer en ligne de compte. C'est souvent des raisons bassement mercantiles ou politiques qui déterminent cette aide. On maintient en vie des pays qui s'ils entraient en révolution mettraient en danger les pays riches eux-mêmes. Quant aux actes charitables accomplis par certaines personnes qui veulent d'ailleurs donner à leurs actes une publicité la plus large, ils ne sont souvent que des manœuvres de snobisme qui finissent le plus souvent en pure perte ou des tremplins pour lancer de nouvelles vedettes de la politique mondiale.

On veut bien penser que, bien que ce soit l'intention d'un acte qui détermine sa valeur, dans ces cas-là le résultat soit pris en considération si quelque aide matérielle parvenait quand même aux malheureux du monde. Mais ce serait faire injure

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à la morale que d'assimiler une bonne action à une équation mathématique, ne prenant en compte que les chiffres.

Voici ce que dit Alexis Carrel à ce propos:

« Le mobile de nos actions est l'acquisition d'un progrès personnel, et en premier lieu les intérêts financiers et la satisfaction de l'instinct de mise en valeur de sa personnalité, de la recherche de la promotion et des grades, ainsi que de la gloire et du rang social. Ces visées se camouflent parfois sous les masques de l'ostentation et de l'amour du genre humain. Il nous est possible d'observer les défis secrets et les trahisons inavouées dans les milieux militaires, les universités, les milieux politiques et judiciaires, où l'idée d'honneur est souvent défigurée.

Ceux qui se consacrent à une grande cause, ou s'efforcent sincèrement sans ostentation sont souvent considérés par la plupart de gens comme des fous misérables. On peut observer les signes de la recherche de l'intérêt personnel partout. Dans une femme qui se consacre aux œuvres de bienfaisance, mais ne nourrissant pas dans son cœur le moindre sentiment d'aide aux nécessiteux, et qui en fait convoite un poste de direction d'une œuvre de bienfaisance par exemple ou bien encore de recevoir la médaille d'honneur dont elle pourra tirer plus tard quelque bénéfice quand elle ouvrira une boutique commerciale par exemple.

Dans un médecin célèbre qui conseille ses étudiants et ses patients d'utiliser un médicament pour lequel il reçoit un pot-de-vin de la part du fabriquant.

Dans un homme de science universitaire qui ne vise pas dans

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ses efforts le progrès scientifique, mais qui espère acquérir une chaire à l'Académie des sciences, titre qui lui ouvrira la porte à ses intérêts matériels. Dans des médecins qui ne respectent pas le côté moral de leur profession dans leurs expériences, et la préservation du secret de leurs patients.

Dans un étudiant qui tente de corrompre le secrétaire de la faculté pour obtenir les questions qui seront posées aux prochains examens. Dans des étudiants qui se livrent à la commercialisation au marché noir des avantages matériels qui leur sont offerts pour leurs études.

Souvent, la recherche de l'intérêt personnel se cache sous le voile de la science, de l'humanitarisme, du sacrifice et de l’intégrité. Nous sommes soucieux de gagner de l'argent, car l'argent est tout, et il nous confère la puissance. On peut tout acheter avec. L'argent satisfait nos misérables désirs. »

Il va de soi que cette conception du bien qu'ont les pays riches est dénuée de tout sentiment noble qui donne au geste charitable toute sa valeur humaine. Ce qui n'est pas le cas bien sûr, dans l'enseignement religieux des prophètes, où chaque acte de bienfaisance est un maillon d'une chaîne de vaste solidarité sociale qui relie toutes les catégories sociales et tous les individus. Voici à titre d'exemple ce qu'enseigne l'Islam:

« Un homme vint un jour chez le Prophète et lui dit: J'ai faim O envoyé de Dieu »; celui-ci envoya quelqu'un auprès de son épouse pour lui apporter de quoi nourrir l'homme affamé. On lui apprit qu'il n'y avait rien chez lui,

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sinon de l'eau. L'Envoyé de Dieu se tourna alors vers ses compagnons et leur dit: « Lequel de vous veut donner l'hospitalité à cet homme-ci? » Un homme des Ansars (premiers musulmans de Médine) accepta d'être l'hôte de l'invité de Prophète. Cet homme se rendit donc chez lui accompagné de l'indigent, mais sa femme lui apprit que la nourriture disponible pouvait juste suffire aux membres habituels de la famille. Il demanda quand même que le repas fût servi, et s'asseyant lui-même dans un coin sombre, il se débrouilla pour que son invité qui mangea à sa faim ne se rendît pas compte qu'il ne mangeait pas.

Dans ce même ordre d'idées, Al-Majlisi rapporte dans le niveau de sa réflexion s'approfondit « Tout musulman doit faire chaque jour une bonne action ». Quelqu'un lui dit: « Et qui peut supporter cette tâche? » Il répondit: « En débarrassant la voie des objets qui l'encombrent, tu auras accompli une bonne action. »

Il y a lieu de signaler cependant que ce genre de bonnes actions que l'Envoyé de Dieu compare à un simple geste consistant à enlever des pierres sur la voie, constitue le minimum que peut accomplir un musulman dénué de moyens et de ressources pouvant lui permettre de faire mieux. Quant à ceux dont la position sociale est plus aisée, ils doivent faire des actes de charité en fonction de leurs ressources et de leur rang social. En d'autres termes, chaque membre de la société est tenu de faire des actions de bienfaisance proportionnellement à ses capacités.

Un de mes amis,

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qui exerçait dans un service des œuvres sociales m'a fait un jour, la confidence suivante: « Chaque jour, avant de commencer mon travail, je me suis fixé un programme consistant à faire une bonne action ne serait-ce que de donner des conseils à celui qui ne sait pas comment commencer son travail. »

En effet, si chaque musulman applique selon ses capacités les directives du Prophète en matière d'éthique, nul doute que la vie sociale aura plus de dynamisme et partant plus d'efficacité et que beaucoup de problèmes seraient ainsi résolus.

Quel est l'être le plus aimé aux yeux de Dieu?

Al-Kulayni rapporte dans son recueil de traditions intitulé Al-Oussoul min Al-Kâfî, que l'imam Al-Sâdeq a dit:

« On a interrogé le messager de Dieu en ces termes: quel est l'être le plus aimé aux yeux de Dieu? » Il répondit? « Celui qui est le plus utile à ses semblables. » De même, il a dit: celui qui se désintéresse du sort des musulmans ne fait pas partie d'eux. N'est pas également musulman celui qui entend son frère appeler à l'aide, et ne lui vient pas en aide. »

En outre, Al-Kulayni rapporte, d'après Safouan Al-Jamal, le récit suivant: « Un jour, alors que j'étais assis chez l'imam Jaafar al-Sâdeq, un homme venu de la Mecque du nom de Meymoun entra et se mit à se plaindre de la difficulté de trouver une location. L'imam Jaafar se tourna vers à chaque fois que la vision de l'homme s'élargit et que le niveau de sa réflexion s'approfondit et mon retour, j'informai l'imam

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de ce que j'ai fait, en lui disant que Dieu avait réglé son problème. Il me dit alors: « Il m'est plus agréable que tu secoures ton frère dans le besoin que de faire durant une semaine les tournées autour de la Kaaba, avant tout le monde. « Il ajouta: un jour, un homme vint voir Al-Hassan ibn Ali pour régler un problème. Il se leva et partit avec lui. Sur le chemin, ils virent Al-Husseyn en train de prier. Al-Hassan dit à l'homme: pourquoi n'as-tu pas sollicité Al-Husseyn que voici, il t'aurait aidé à régler ton problème. « L'homme lui répondit: j'ai cherché après lui, mais on m'a dit qu'il était en retraite spirituelle l'imam Al-Hassan lui dit: « s'il t'avait aidé, cela aurait mieux valu pour lui que s'il avait fait une retraite spirituelle d'un mois.

L'immensité de l'amour et de la bienfaisance

Autant les sentiments humains prennent d'étendue et d'ampleur, autant ils touchent et englobent un plus grand nombre d'hommes. Du reste, la compassion ne peut pénétrer au plus profond des cœurs étroits. Par conséquent leur bienfaisance reste sans grand effet et ne touche qu'un nombre restreint de personnes. Une compassion de cette sorte est loin de la miséricorde divine.

Un de ceux qui avaient une vision de cette compassion a dit un jour devant Al-Husseyn ibn Ali: « un bienfait, lorsqu'il est accompli en faveur d'un homme qui ne le mérite pas, devient vain. » Al-Husseyn lui répondit: « C'est inexact, car un bienfait n'est jamais vain. Il est semblable à une averse de pluie qui touche le bon et le mauvais. »

Par

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ailleurs, l'imam Ali ibn Al-Husseyn, fils du précédent, a recommandé à son fils, le cinquième imam, Muhammad Al-Bâqer.

« O mon fils, aide quiconque te sollicite. S'il le mérite, tu l'auras fait alors à bon escient. Mais s'il ne le mérite pas, tu seras toujours du nombre des bienfaiteurs »

Quant au maître des hommes libres, Al-Husseyn ibn Ali, il recommandait aux gens de faire le bien en les stimulants par ces paroles édifiantes:

« O mes frères! Rivalisez entre vous dans la générosité, hâtez-vous dans la recherche du bien, ne laissez pas les occasions de le faire vous échapper, car plus vous vous empressez à faire le bien, plus votre réussite sera digne d'éloges. Par contre, plus vous tergiversez dans le chemin du bien, plus vous vous exposez aux critiques des gens. Apprenez que lorsque vous rendez service à quelqu'un et qu'il ne vous sera pas reconnaissant, Dieu le sera à sa place, car Il est le plus généreux et le plus reconnaissant. Apprenez que la sollicitude des gens pour vous est un des bienfaits que Dieu vous accorde.

Aussi ne soyez pas excédés des bienfaits de Dieu, sinon ils se transformeront en courroux. Apprenez que le bien est digne d'éloges de même qu'il est source de récompense. Si le bien avait un aspect humain, vous le verriez rayonnant, sympathique à tous ceux qui le voient. Si le mépris avait aussi un aspect humain, vous le verriez laid, affreux et repoussant. O mes frères, celui qui est généreux accède à un rang élevé, alors que celui

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qui est cupide s'abaisse dans la servilité.

Le plus généreux des hommes est celui qui donne sans attendre en retour. Le plus noble des hommes est celui qui pardonne alors qu'il est en position de force. Le plus magnanime des hommes est celui qui revient à celui qui la rejeté. Comme les arbres qui donnent leurs fruits après s'être solidement ancrés dans leurs racines, le bien qu'on avance en faveur de son frère aujourd'hui, on le retrouve demain. Celui qui cherche la satisfaction de Dieu, en faisant don à son frère d'une plantation, Dieu le gratifiera d'une autre lorsqu'il sera dans le besoin et éloignera de lui les malheurs de cette vie, si terribles soient-ils. Celui qui dissipe le chagrin d'un croyant, Dieu dissipera son chagrin dans ce monde et dans l'autre. Celui qui est bienfaisant avec les gens, Dieu sera bienfaisant avec lui, car Il aime les bienfaisants. »

Il va de soi que la charité et la bienfaisance ne sont pas circonscrites uniquement dans la générosité, la compassion vis-à-vis des gens et la bienveillance envers eux, loin s'en faut. L'aide morale, le bon conseil et l'éducation des gens sont plus précieux que l'aide matérielle. Aussi si quelqu'un s'assigne la tâche de guider les égarés et de les sauver des ténèbres de la corruption et de la dépravation, vers la voie de la lumière et de la vérité, il aura accompli là le plus grand des biens et la plus noble des charités. En effet la sollicitude envers les égarés et la

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main tendue aux noyés dans les ténèbres du vice et du mal est le plus haut degré de la vertu en Islam.

N'est-ce pas le Prophète qui disait à Ali:

« Il est préférable pour toi que Dieu guide un homme grâce à toi, sur la voie du salut, que d'être le premier homme sur lequel le soleil se lèvera. »

Chapitre 7: L’estime, Élément Fondamental Dans la Progression des Sociétés Vers le Bien

Les exigences de l'âme humaine

Tout comme l'homme a des besoins biologiques qu'il n'a de cesse de satisfaire de manière permanente, son âme a également des exigences qu'il faut aussi impérativement satisfaire parce que Dieu l'a jugé nécessaire.

L'âme humaine a soif de considération et de reconnaissance. C'est ainsi que chacun voudrait voir la société au sein de laquelle il vit reconnaître et apprécier ses faits et gestes; que les hommes qui l'entourent aient de la considération pour lui, ce qui ferait de lui une personnalité importante dans la société.

L'homme étant narcissique par nature, il est évident que tout ce qui émane de lui ne peut le plus souvent qu'être parfait à ses yeux, qu'il s'agisse de ses inventions, du fruit de ses réflexions ou de ses goûts. En conséquence, la louange et l'estime sont de puissants stimulants pour l'être humain, de même qu'ils sont, au plan social, absolument indispensable. La louange a un tel impact et une telle influence qu'elle peut donner à une société en état de somnolence un élan et une perspective extraordinaires, bien que la considération soit le remède le plus simple aux maux des individus.

À contrario, le manque de stimulation freine grandement la

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complémentarité et le développement social, empêchant les forces et les énergies de s'exprimer et menant à une léthargie à l'intérieur de la société.

Tous ces jeunes qui ont atteint un stade très sensible de leur vie dans leur manière de penser et de ressentir les choses et qui sont au seuil de vivre sa l'émancipation sociale, ont plus besoin d'être stimulés et soutenus pour persévérer dans la voie qu'ils se sont choisie, que d'autres choses.

Selon le philosophe anglais Bertrand Russell:

« Nous nous devons de louer et d'apprécier toutes manifestations nouvelles exprimant le courage et l'art ou tout détachement à l'égard de ce sentiment d'égoïsme qui caractérise l'enfance, spécialement ce qui nécessite une lutte contre soi-même. Nous devons plutôt utiliser la louange et l'encouragement à l'égard de tout travail d'exception et à tous les niveaux d'éducation.

La plus gratifiante des situations, pour un adolescent, est de se voir apprécié et loué pour un travail ardu. De fait, cette situation est, naturellement, pour lui un élément stimulateur.

Toute orientation morale doit être immédiate et sérieuse pour tirer le maximum de tout évènement ou fait inopiné, sans toutefois lui accorder plus d'intérêt qu'il ne mérite. Dans ce contexte, l'enfant est le plus apte à accorder à chaque évènement la part d'attention qu'il juge nécessaire.

La perception d'une situation particulière et l'application des observations morales à tous les évènements similaires sont plus aisées pour l'enfant que de comprendre les règles globales et de tenter de les appliquer aux situations qui surviennent. Il ne faut, cependant, pas lui dire: soit

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courageux, soit bon envers les autres... mais plutôt l'inciter à accomplir une œuvre qui demande de l'audace et alors lui dire: Dieu te garde. Tu es un enfant courageux. Il faut également l'inciter à prêter ses jouets à sa petite sœur, par exemple, pour qu'elle puisse jouer avec et, pendant qu'il la regarde s'amuser, lui dire: Tu as bien agi. Tu es un enfant bon et gentil. Il est plus gratifiant de remédier, de cette façon, à ses élans brusques et violents. »

Ce qui est le plus choquant pour les jeunes gens et le plus éprouvant pour leur volonté d'agir et leur énergie c'est d'être mésestimé et délaissé et de ne pas être loué pour leurs actes. La personne souffre quand elle s'aperçoit que les gens font peu de cas d'elle, de son travail et de l'effort qu'elle a fournis pour l'accomplir, c'est-à-dire qu'elle se sent diminuée aux yeux d'autrui. Cela pousse cette catégorie de personnes à l'abattement physique et moral, à verser dans l'inaction et à perdre tout espoir dans l'avenir et dans leurs capacités propres à réaliser de grandes œuvres. En un mot, ces personnes sont alors atteintes de troubles psychologiques. Car les tendances et les penchants spirituels, s'ils sont refoulés et réprimés chez l'être humain, créent des complexes et des troubles psychologiques qui auront un effet considérable sur son psychique.

Ainsi, lorsque les savants ou artistes s'aperçoivent que leurs travaux ou que leurs œuvres et réalisations ne sont pas appréciées à leur juste valeur par la société, il est

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possible que ce sentiment de rejet entraîne une déviation de la pensée et des énergies et les pousse, dans leur quête de la réussite sociale, à emprunter des chemins sinueux et des moyens peu avouables, à savoir à substituer la ruse, la tricherie et le mensonge aux vertus humaines et aux voies de la raison et du cœur.

Les effets de la louange

De simples mots de reconnaissance et de louange ont sur l'esprit des gens un grand effet et il est possible alors qu'ils consacreront leur vie entière à faire le bien dans le but de réussir dans la vie et pour ce que cela apporte à l'esprit de repos et de quiétude.

Ils sont nombreux ces gens qui croient que leur accomplissement dans la vie est tributaire de la considération que leur marquent certains grands personnages et que, sans la bienveillance de ces derniers, il leur serait impossible de s'élever dans la hiérarchie sociale et de parvenir à l'élévation spirituelle.

C'est ainsi que les nations développées à travers le monde font une place importante aux mérites par la considération que manifestent certains grands personnages aux personnes douées et de talent. Cette attitude est décelable à divers degré. Ainsi, il est certain que les talents et les capacités de tout un chacun ne seront pas ignorés, car il est mis en place le terreau qui permettra à ces talents et à ces capacités de croître et de se développer, c'est-à-dire de libérer leurs énergies créatrices et de redonner au travail et à l'effort la place qu'ils méritent

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par la considération accordée aux gens capables et exceptionnels.

L'homme, durant la période de la jeunesse qui est la plus importante étape de la vie pour ce qui concerne la formation des bases morales-manifeste la plus grande aptitude à louer et à être reconnaissant vis-à-vis d'autrui. Mais plus il avance dans l'âge moins il est dans une telle disposition. Il est donc nécessaire de renforcer, chez les grands hommes, cette tendance à la louange et à la considération, tant qu'ils sont en position d'influencer les plus jeunes.

L'application de ce programme aura une grande influence pour préserver l'équilibre spirituel de la jeunesse. Car parmi les caractéristiques naturelles de la jeunesse, il est celui qui consiste, pour le jeune, à se choisir un modèle d'homme. De sort que si son choix ne se porte pas sur les gens honnêtes et que son esprit ne soit pas disposé à les apprécier et à les considérer, il pourrait alors être tenté d'admirer les déviants et les malhonnêtes hommes dont les comportements deviendraient, pour lui, le modèle social à suivre, ce qui aurait un effet plus que néfaste sur lui.

Ceux qui font preuve d'un bon goût ont un cœur généreux et une pensée saine ne pourront que louer et apprécier tout travail honnête qu'ils remarqueraient autour d'eux de la part de toute personne. Ainsi, les grandes idées des personnages célèbres et leur capacité de perception des choses ont un immense rayonnement, engendrant par la même chez ceux qui les observent une énergie et une vitalité certaine,

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de même que ces qualités leur apportent réconfort et dynamisme. La fréquentation des gens de bonnes mœurs contribue à élever la pensée de l'homme et à libérer son esprit des entraves qui l'éloignent de la morale. Ainsi, ceux qui sont sensibles au discours des personnages célèbres assoient les fondements indispensables à leur élévation morale et spirituelle.

Cependant, certains sont très avares de louanges et de reconnaissance, même envers les gens qui leur sont proches et ne sont pas disposés à apprécier leurs qualités et leurs compétences ainsi que leurs réalisations, de quelque nature qu'elles soient.

Certes, la nature malveillante qui est dénuée des qualités humaines et qui est encline aux mauvais penchants lorsqu'elle fait face à toute situation louable juge celle-ci de manière à diminuer son impact et son apport et à la rabaisser aux yeux d'autrui. Plus encore, les gens de cette nature critiquent tout bien et souffrent de ce qui fait le bonheur des personnes autour d'eux, de même qu'ils ne sont nullement disposés à louer ou à considérer leurs semblables et se réjouissent de leurs malheurs.

De ce fait, les gens dont la nature est malveillante ressentent de la colère quand il arrive que ceux qui les entourent agissent de manière louable ou qu'ils bénéficient de la considération sociale. Il leur arrive parfois d'emprunter les voies de la provocation et de l'agression par dépit et par envie, en voulant les accabler de malheur.

Ainsi donc, les sages tirent les leçons qui se dégagent du comportement des ignorants pour éviter de tomber

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dans leurs erreurs. Ces derniers, par contre, ne sont pas prêts de suivre la voie des sages et de tirer les enseignements qui découlent de leur morale et de leurs qualités humaines.

La différence de la critique fondamentale et des critiques

La critique de la personnalité qui se base sur une fausse argumentation est un des grands défauts de nos sociétés, car il règne parmi les différentes classes de celles-ci. Nous pouvons observer que toute personne qui entreprend un travail innovateur se trouve sujette à la critique de la part de toutes les franges de la société même si celles-ci ne sont pas habilitées à la critiquer sans aucune forme d'étude ou d'analyse.

Selon l'une des personnalités sociales aux États-Unis, Wanamaker:

« J'ai acquis la conviction, depuis trente ans, que critiquer autrui est une aberration. Car comment pourrais-je corriger les autres et les critiquer tandis que je fais face, moi-même, à des problèmes qui m'empêchent de voir mes torts. J'avoue maintenant que je crois que Dieu n'a pas cru bon de donner à l'un la même raison et la même connaissance qu'à l'autre. »

Nul doute que la critique fondamentale et juste est l'une des vois la plus à même de redresser la société, mais le malheur est que la critique est souvent infondée, faute d'études et d'analyses, ce qui est une attitude inéquitable qui amène à obstruer la voie du développement et de l'innovation. Peut-être alors que cette faiblesse morale et sociale a influé négativement sur les plus grands personnages et a réduit à néant leurs espoirs et leurs travaux.

Le reproche qui est fait

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aux gens qui se trompent ou qui connaissent l'échec, selon la plupart des psychologues, est le reflet des fautes et des défauts dans l'esprit de celui qui émet ces critiques transposé chez les autres de manière inconsciente. Selon eux:

« De manière générale, et souvent, la critique et le blâme ayant trait aux fautes et aux erreurs d'autrui ont leurs racines dans nos échecs dont nous sommes inconscients, c'est-à-dire que nous remarquons chez les autres les défauts que nous portons en nous sans le savoir. Ainsi, l'homme positif et consciencieux ne perd pas son temps à critiquer et à blâmer les autres, car il est toujours occupé par des travaux positifs et bénéfiques. Rares sont les critiques faites par les inventeurs et les créateurs et même les critiques d'art lorsqu'ils relèvent les imperfections artistiques des autres, ils ne font en réalité que critiquer leurs propres œuvres. De même, les théoriciens qui ont connu l'échec sont, le plus souvent, ceux-là mêmes qui théorisent pour les autres sans savoir ce qui leur conviendrait à eux.

L'illogisme dans la critique mène, souvent, à camoufler la vérité et à s'éloigner de la réalité des choses. Il est alors possible de percevoir la haine profonde qui anime ceux qui critiquent de manière injuste et inéquitable, étant eux-mêmes inconscients de leurs défauts, de voir que cette haine se propage vite à leur environnement et touche toutes les choses qui les entourent. Nous observons une telle attitude chez ceux-là mêmes qui ont eu à souffrir leur vie durant d'abattement et

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de tristesse morale, car ils voient toutes les créatures à travers le prisme déformant de la condescendance et du mépris.

La critique de ces gens se développe sur la base de leur haine personnelle, ce qui les pousse jusqu'à fuir aujourd'hui ce qu'ils adoraient hier, ne sachant pas que cette haine ne leur est pas étrangère et qu'elle se développe en eux-mêmes. Ainsi, l'inimitié et le doute sont le résultat, en réalité, de l'extinction du sentiment d'estime et d'amitié dans l'esprit de l'homme. »

Toutefois, œuvrer à faire le bien mérite l'éloge, même si c'est là un devoir pour celui qui le fait. Car celui qui en connaît les difficultés et entreprend de le faire au mieux est digne d'éloges et de considération et mérite qu'on l'encourage à persévérer dans cette voie.

J'étais, il y a quelques années, dans l'une des grandes villes de l'Iran. Un jour, la ligne électrique desservant la zone où je me trouvais tomba en panne. J'ai alors contacté le responsable concerné pour lui demander de procéder à la réparation de la panne au plus vite. Après une longue attente, ce fut chose faite. J'ai rappelé alors ledit responsable pour le remercier et le louer pour son intervention. Au début, sa voix était altérée et triste, mais, suite à mes remerciements, il se détendit et sa voix retrouva une certaine chaleur pour me demander qui j'étais, car c'était la première fois que quelqu'un le remerciait et le louait pour son travail.

Je lui répondis que, malheureusement ou heureusement, je n'étais pas

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résident de cette ville, mais mes remerciements et ma gratitude avaient comme objet le devoir que vous avez accompli. Il me fit part, à ce moment, de me rencontrer prochainement.

À partir de ce moment, chaque fois que survenait une panne sur cette ligne vétuste desservant la région, il se dépêchait de réparer la panne dès que je l'en informais. Frappé de ce que, selon ses propres mots, personne ne l'avait jamais remercié avant ce jour, j'ai appris, enquête, qu'il avait été nommé depuis plusieurs années à ce poste éloigné dans la région et que, effectivement, ses efforts n'avaient jamais été appréciés durant tout ce temps-là.

La flagornerie

Nous devons nous rappeler que la louange, avec tout ce qu'elle comporte comme résultats bénéfiques, doit être limitée et ne doit pas dépasser des limites acceptables et raisonnables. Car, à l'instar du manque de reconnaissance qui peut conduire au dépérissement de la pensée et à l'affaiblissement des énergies, un excès de considération et de louanges peut se transformer en flagornerie de mauvaise foi, ce qui est un genre de déviances gratuites des réalités et de la vérité.

À ce sujet, Dale Carnegie écrit:

« La flagornerie n'a pas d'effet sur les gens éduqués, car elle est vide de sens et tendancieuse. Il est alors naturel que l'auditeur averti ne soit pas influencé par elle.

Il y a une différence entre un éloge qui vient du cœur et une flatterie détestable dont la nuisance est plus grande que le bienfait. Les flagorneurs sont touchés par un grand mal, car la flagornerie

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est un genre de vice qui sera découvert un jour. La louange et l'éloge sincères sont, par contre, d'une tout autre nature. Je veux dire par flagornerie un certain genre de pensées médiocres qui ont une incidence directe sur le parcours de l'homme dans la vie.

Il est préférable au cours d'une discussion de ne pas se laisser guider par ses propres idées, mais de chercher à découvrir les qualités et les mœurs de notre interlocuteur et de retenir les aspects positifs de cette personne pour en faire l'éloge mérité au lieu de le flatter outre mesure par des paroles dont nous ne sommes pas convaincus nous-mêmes. »

Lorsque Omar Ibn Abd Al-Azziz, qui différait du reste des califes omeyyades par ses qualités humaines profondes, monta sur le trône du califat et se chargea des affaires des musulmans et lorsque les gens accoururent pour le féliciter et le congratuler, un homme dénommé Khaled lbn Abdallah, représentant l'une des délégations, se leva et pris la parole pour dire:

« O Émir des Croyants! Beaucoup de gens sont fiers des postes et des situations qu'ils acquièrent, voyant l'honneur dans le commandement, le Califat et la fonction. Quant à toi, tu es la fierté du Califat et du commandement qui se trouvent revalorisés et honorés par ta présence. En réalité, les vers suivants d'un poète s'appliquent à toi:

Si la perle peut embellir un visage;

La beauté de ton visage rehausse la perle

À cet instant, le poète Khaled lbn Abdallah flattait le Calife et le louait par des vers et

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des paroles mielleuses, mais le Calife se fatigua de son insatiable flagornerie et lui coupa la parole pour lui intimer l'ordre de s'asseoir. Il s'adressa ensuite aux gens présents et leur dit: “Votre ami a plus de langue que de raison et de logique”.

La flagornerie est un des grands torts de la société qui s'est beaucoup développé, et les exemples du même genre sont nombreux. Il est rare, aujourd'hui, que les gens flattent les autres pour relever leur moral, les soutenir et les fortifier ou pour les informer de leurs droits et de la valeur de leurs travaux, en vue de les inciter à aller de l'avant et à progresser.

À ce propos, un écrit: “Ce sujet est devenu pour moi, au fil du temps, telle une loi absolue, de sorte que toute personne qui me rend visite et commence par me flatter ou louer mes écrits et mes œuvres ne cherche qu'à me demande un service. Par exemple, elle sollicite une recommandation, une aide ou un soutien de quelque nature qu'il soit. Mais personne ne vient, en fait, pour me parler ou louer mes travaux.”

Puis, il ajoute: “Certes, il est navrant et désolant que la plupart des auteurs et orateurs à travers le monde civilisé comme ils disent: reçoivent, par fois, en un jour des dizaines de lettres à travers lesquelles les gens expriment leurs sentiments, leur considération et leur gratitude pour leurs œuvres de valeur. Tandis qu'il est rare, en Iran, qu'un orateur ou qu'un auteur soit le sujet

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de considération qui ne soit pas pernicieuse ou qui ne vise pas un but inavoué.”

Nous pouvons donc dire que le sentiment de contentement et de quiétude que ressent l'homme à l'issu d'un travail qui lui est confié dans le cadre de ses fonctions et responsabilités est la meilleure des gratifications qu'il puisse recevoir. Mais ceci ne concerne qu'un certain nombre de personnes qui ont atteint un haut niveau de spiritualité. Atteindre ce niveau spirituel et moral n'est possible que pour un nombre restreint de gens, la majorité des autres hommes parvient à un stade spirituel qui ne nécessite pas qu'on leur témoigne de la gratitude ou de la considération. C'est pourquoi nous ne devons pas oublier l'importance de la louange et de la reconnaissance en ce qui concerne cette dernière catégorie d'hommes.

Le célèbre psychologue Schachter nous dit:

“Si la nécessité se fait sentir de faire œuvre de critiques à propos d'une problématique ou de l'œuvre de quelqu'un, alors il est important, au début, que vous vous rappeliez l'une de ses œuvres bénéfiques pour en faire l'éloge et lui montrer de la considération afin d'assouvir son besoin de considération et d'être loué. Si vous agissez ainsi et puis que vous lui présentiez vos critiques, vos observations et critiques paraîtront moins amères. Il se pourrait même que vos conseils et critiques soient accueillis avec intérêt et gratitude.”

Si un supérieur n'est pas satisfait du travail qu'a accompli l'un de ses secrétaires, il serait préférable qu'il lui dise par exemple: votre lettre d'hier était claire

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et précise, celle-ci par contre parait un peu obscure; je souhaiterais que vous la relisiez et, le cas échéant, que vous la réécriviez. De la sorte, le secrétaire ne prendra pas mal cette critique; il est même possible qu'il soit reconnaissant à son supérieur de l'attention que celui-ci lui porte et agira ainsi de son mieux.

De même, lorsque vous voyez qu'un serveur de restaurant est diligent dans son service, mais qu'il tarde à vous présenter votre repas, il n'est pas séant de se montrer coléreux et critique à son égard; il faut plutôt tenir compte de ses efforts et de son zèle dans le travail et lui manifester votre sympathie. Il sera alors certainement plus diligent à vous servir votre repas.

Chaque homme, à tout âge et dans toute situation, aime profondément que les gens le remarquent et apprécient son travail et le louent. Même le professeur expérimenté, après avoir passé des années à enseigner et à recevoir des louanges, est heureux et au comble du bonheur lorsqu'il entend le petit élève lui dire: Aujourd'hui, Monsieur, nous avons appris beaucoup de votre cours!

Il est important que nous tenions compte des besoins des autres en matière de considération et d'attention pour que les relations humaines soient plus détendues et aisées. Ne laissez passer aucune occasion qui vous est offerte de louer et de montrer de la considération pour les travaux bénéfiques des autres pour que ceux-ci, en retour, pensent à assouvir vos propres besoins. »

Nous devons faire attention au fait que si les

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hommes peuvent avoir de grandes qualités, ils peuvent aussi avoir leurs défauts et leurs faiblesses et que nous-mêmes sommes dans ce cas. En conséquence, au lieu d'épier les défauts de ceux qui nous entourent, il serait préférable que nous nous attachions à remarquer leurs qualités profondes et leur bonté intérieure. À ce sujet, le Calife Ali disait justement:

« Soit comme l'abeille qui se nourrit du meilleur, donne le meilleur et lorsqu'elle se pose sur un rameau ne le brise pas. » Si vous voyez que les sentiments que vous portent vos amis et vos proches et que leur attitude envers vous sont empreints d'amour et de bonté, et qu'ils font tout pour vous venir en aide, alors vous devez les remercier et leur témoigner les mêmes sentiments et attitudes qui sont les qualités de l'homme.

La considération peut se traduire par une œuvre positive, loin de toute hypocrisie et de toute ostentation. Cronin a dit:

« Mon fils qui enseignait à la faculté de médecine me raconta ce qui suit: Il était nécessaire, pour soigner un malade à l'hôpital, de lui faire une transfusion sanguine, ce qui fut fait, après le traitement, ce malade se mit à la recherche de celui qui lui avait fait don de son sang pour le secourir. On lui répondit: les noms des donneurs de sang doivent rester anonymes. Il quitta l'hôpital et, après plusieurs semaines, il y revint pour offrir son sang. Il répéta ce noble geste plusieurs fois. Intrigué, un chirurgien lui demanda: qu'est-ce qui vous pousse à

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agir de la sorte? Il répondit simplement et naïvement: un inconnu m'a offert son sang et je le remercie par mon geste. »

Ainsi, si faire le bien et montrer de la bonté ne sont pas à tout le moins-payé en retour par la plus simple des marques de considérations c'est-à-dire par des mots de gratitude, c'est prouver qu'on manque d'humanité et qu'on manque de respect envers le droit des hommes en général et de la société en particulier.

Les dégâts de l'indifférence

Il existe, en ce monde, des gens qui, quelque soit le bien qu'on leur fasse et quelque soit l'aide qu'on leur apporte, n'éprouvent aucune satisfaction morale et ne témoignent leur gratitude ni par l'action ni par le verbe, comme si autrui devait tout naturellement leur rendre service sans qu'ils aient, pour leur part, de devoirs à l'égard des autres et qu'il leur est permis d'ignorer leurs droits et de leur témoigner de la reconnaissance. Les lecteurs pourront remarquer aisément cette attitude autour d'eux. Le Calife Ali utilise cette comparaison:

« Celui qui ne montre pas de la gratitude pour les bontés devra être compté parmi les animaux. »

En ce qui vous concerne, si vous ressentez en quelqu'un de la bonne volonté, vous devez alors montrer de la considération pour cette volonté, même si son résultat n'est pas probant. Car Ali dit également: « Qui ne loue pas son frère pour sa bonne volonté ne le louera pas pour son œuvre. »

L'lmam Hassan Al-Askari disait:

« Le meilleur de tes frères est celui qui oublie tes fautes pour ne se souvenir qui

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de tes bontés envers lui. »

L'homme ingrat envers autrui ne pourra que se repentir de son attitude; car celui qui ne montre pas de considération pour le travail et les services de ceux qui lui viennent en aide et qui est incapable de les louer et de les remercier en sachant l'importance que revêt leur travail ne fera que les amener à ne plus lui rendre service plus tard et à l'aider à résoudre ses problèmes.

L'Émir des Croyants nous fait observer cette occurrence à travers une courte phrase qui dit: « Qui ne loue pas la bonté n'aura que privations. »

Tandis qu'à l'époque de Malek Al-Achtar, celui-ci rappelait l'importance qu'il y avait à faire montre de considération à l'égard d'autrui et ses conséquences:

« Ne laisse pas passer les bontés de leurs actes pour te rappeler leurs fautes, car te souvenir de leurs bontés les réjouira et leurs fautes leur seront d'une utilité certaine. »

« Laisse les espérer et continue à les louer et à énumérer les bontés de ceux qui sont bons parmi eux, car le rappel constant de leurs bonnes actions soulève leur courage et incite ceux qui sont forts. »

Nous pouvons, à cet égard, nous reporter aux expériences qui ont réussi:

« Si les pères, mères et enfants s'engageaient à louer leurs œuvres réciproques et à les glorifier plus souvent, la présence des gens atteints du complexe d'infériorité soignés par les psychiatres serait moindre. Car l'homme a besoin de sentir en lui la flamme de l'action attisée par le souffle des louanges et de l'éloge qui lui

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sont adressés par autrui, sinon le respect de soi serait en grand péril.

Si l'homme n'entend pas de mots de remerciement pour la peine qu'il se donne, la vie devient très pénible pour lui. Une femme qui gardait des vaches pendant vingt ans et qui espérait de ses patrons un mot de remerciement et de considération essuya seulement ces mots: tu es folle! Elle leur répondit: je ne vous ai jamais entendu dire, jusqu'à présent, un mot qui me laisserait penser que vous faites la différence entre les fous et les autres!

Le Docteur Wyle qui avait une longue expérience dans le traitement des enfants inadaptés me dit, à propos d'un de ces enfants qu'il était arrivé à la conclusion qui la considération portée au malade devait faire partie du traitement psychologique. Puis il ajouta: l’affaire concerne deux frères jumeaux, l'un étant très éveillé alors que l'autre paraissait attardé; le père me demanda de lui donner une explication et lorsque j'entrepris de questionner l'enfant simplet, il me surprit par cette question, comme le font parfois dans ces cas les enfants: pourquoi les autres ne l'aimaient pas comme son frère. Car lorsque son frère faisait quelque chose, ils lui souriaient, mais lorsque lui faisait la même chose, ils le rabrouaient: je ne peux pas faire mieux que ne le fait mon frère.

Le Docteur Wyle ajouta:

“J'ai éloigné ces deux frères autant que j'ai pu. Par exemple, je les ai mis dans des rangs différents et j'ai demandé aux parents de ne pas blesser les

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sentiments de l'enfant attardé en le comparant à son frère plus intelligent, mais plutôt de prendre en considération et louer tout travail, aussi banal soit-il, que l'enfant entreprendrait. Le résultat fut que, très rapidement, cet enfant a pu se prendre en charge lui-même parce qu'il avait pris conscience de ses capacités et qu'il avait recouvré la confiance qui lui faisait défaut”

L'une de mes meilleures et plus riches connaissances se targuait fièrement de n'avoir rien accordé à personne en contrepartie d'un service ou d'un travail qu'on lui avait rendu, excepté le salaire prévu, a subi, au premier jour de l'année, une épreuve douloureuse: son comptable s'est suicidé alors que les comptes portés sur les registres étaient réguliers et ce comptable était un homme franc, équilibré et sans charge familiale. La seule lettre qu'il avait laissée était un petit mot à l'adresse de son riche employeur et qui disait: Je n'ai entendu de vous, depuis plus de trente ans, aucun mot de remerciement! Je suis las de la vie, c'est pourquoi je me suicide. »

Ainsi, l'esprit de louange et de considération est le propre de l'homme mûr, ayant une confiance en soi et un esprit sain, tandis que la flagornerie est la caractéristique propre d'un sentiment de faiblesse et de peur qui domine la personnalité. La considération et la louange déplacées ne sont qu'une manière à travers laquelle procèdent ceux qui veulent masquer leurs propres faiblesses et leur incapacité ou qui veulent, par ce moyen, servir des intérêts personnels. En conséquence, les paroles

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trompeuses que distillent les flagorneurs ne sont d'aucune valeur, car ne reposant pas sur la conviction et la foi, mais sont plutôt la manifestation d'intérêts personnels inavoués. Les flatteurs et opportunistes sont comme d'habiles pêcheurs qui tendent leurs filets de flatteries et de louanges en vue de réaliser une bonne prise.

Selon Walter.

« La plupart de ceux qui exploitent le don de la flatterie et de la cajolation cachent, généralement, en leurs cœurs des intentions malhonnêtes. »

Il est rapporté du Prophète, que le Salut soit sur lui, qu'il disait:

« Il n'est pas dans les mœurs du croyant de cajoler »

Car la flatterie et la louange déplacées mènent à la vanité et la vanité, si elle donne une certaine influence et un certain pouvoir empêche l'homme d'accepter les conseils des autres pour éloigner celui-ci du mensonge et l'amener à la vérité.

Durant le Califat d'Ali, celui-ci disait à Malek Al-Achtar. « Habitue-les à pas ne te flatter et te louer pour ce que tu n'as pas fait, car beaucoup de flatterie mène à l'engourdissement de l'esprit et rabaisse la fierté. »

Et à « Bihar », il disait:

« Louer quelqu'un plus qu'il ne mérite c'est faire preuve de flagornerie et ne pas reconnaître à leur juste valeur les mérites c'est faire preuve d'un manque de discernement ou de jalousie. »

De ce fait, si vous louez quelqu'un plus qu'il ne le mérite réellement et que vous le fassiez outrancièrement, vous ne rehaussez en rien sa personnalité; au contraire, par ces flatteries vous avez porté atteinte à sa personnalité. Tandis que si vous le louez insuffisamment

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au vu de son mérite réel, cela est la marque soit d'un esprit peu assuré et faible, soit de votre jalousie. Alors que si vous estimez quelqu'un pour ce qu'il est et pour ses mérites propres, vous ne faites par-là que préserver sa personnalité et la vôtre en l'empêchant lui de sombrer dans le mensonge et vous de vous déconsidérer.

Par contre, si la flatterie est outrancière et du fait même qu'elle ne repose sur aucune réalité et ne découle pas d'une qualité innée, vous ne devez donc vous fier à la considération ou au respect du flatteur, car de même qu'il s'exprime en bien en votre présence, il est possible qu'il vous accable de critiques en votre absence.

Le Calife Ali rapporte cette odieuse particularité chez les flagorneurs lorsqu'il dit:

« Du moment qu'il te loue pour ce que tu n'es pas, il peut te critiquer pour ce que tu n'es pas. »

De même que la considération et l'incitation sont des besoins spirituels chez l'homme qui peut l'aider à se développer et à mûrir, la critique et le blâme perpétuels et déplacés peuvent influer négativement sur la personnalité humaine et la pousser sur la mauvaise voie.

L'lmam Ali disait;

« Garde toi de blâmer sans cesse, car cela incite au pêché et diminue les effets de la réprimande. »

Introduire de la joie dans le cœur des enfants est un facteur d'incitation positive à leur amour qui influe sur leurs relations sentimentales avec leurs proches. Il est rapporté dans le livre « Mustadrak Al-Wassâél » que le Prophète que le Salut

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soit sur lui a dit:

« Lorsque le père regarde son enfant et lui fait plaisir, il a alors affranchi un homme. »

Quant à Bertrand Russell, il dit:

« Il est nécessaire que notre usage de la réprimande et du blâme soit moindre que pour la considération et la louange. La réprimande doit être, à un certain égard, un avertissement qui ne sera utilisé que pour certaines déviations inattendues qui apparaitraient dans le comportement de l'enfant. Et dès lors qu'elle a produit son effet, il convient de ne plus y avoir recours. »

Contribuer au bonheur d'un enfant équivaut à tous les plaisirs et joies de l'existence. Nos ancêtres et nos pères ne connaissaient rien de cette joie et de ce plaisir, c'est pour cela qu'ils en ignoraient la saveur. Ils enseignaient à leurs enfants qu'ils devaient aimer leurs parents puis ils agissaient de façon telle qu'il devenait pratiquement impossible aux enfants de respecter cette volonté.

Carolin rapporte ce vers dans le premier chapitre de son poème: « Il était rare qu'il soit heureux que son père accoure vers lui, car il ne doutait point que ce ne fut pour le fouetter! »

Tant que cette idée dominera la pensée humaine, à savoir que l'amour des parents est un devoir et qu'il est possible de parvenir au respect de ce devoir par la contrainte, les pères ne pourront jamais compter sur l'amour réel de leurs enfants. C'est pour cela que les relations et les liens humains restent durs, froids et bloqués et que les images de mal, de douleur, d'avertissement et

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de réprimande sont fortement imprimées dans la mentalité. Il est heureux de constater qu'au cours de ce siècle une meilleure image a dominé les relations entre pères et enfants et entre enfants et pères et qu'avec cette image s'est transformée radicalement la théorie ancienne: « Le bâton pour les récalcitrants ».

J'ai bon espoir que ces idées qui tendent à dominer le monde de l'éducation se propagent plus largement pour englober tous les secteurs de la vie sociale, car nous en avons besoin pour l'ensemble des rapports humains comme nous en avons besoin dans nos rapports avec nos enfants. »

Cette méthode pédagogique que le philosophe anglais rapporte au siècle dernier était prise en compte dans les programmes d'enseignement que prônait le Prophète de l'Islam il y a quatorze siècles déjà, lui qui ne se limitait pas à montrer amour et affection à ses seuls enfants, mais aimait tous les enfants en général, marquait de l'intérêt à chacun d'entre eux, de sorte qu'on disait de lui: « L'amour des enfants était la préoccupation première du Prophète. »

La lutte contre le mal

Parmi les facteurs qui contribuent à encourager les bienfaiteurs et à réprimander les malfaiteurs: suivre les exhortations à faire le bien et à éviter le mal dans la société. La propagation du mal fait que les qualités et les valeurs humaines qui sont les fondements du bonheur et de la grandeur de toute société soient oubliés poussant par-là les êtres humains vers la voie du péché. Les pêchés sont de nature très contagieuse, car lorsqu'ils apparaissent dans la société, ils

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se propagent aussi rapidement qu'un microbe, qui se formerait quelque part pour essaimer partout dans le corps de sorte que si nous tardons à combattre ce phénomène dès son apparition, il ne fera que s'étendre et souiller tout ce qu'il touche.

En conséquence, les effets des mauvaises actions ne touchent pas que leurs auteurs, mais également tous ceux qui par leur attitude conciliante les laissent faire, car par leur comportement consistant, alors qu'ils en ont la capacité, à ne pas empêcher ces actions nuisibles de se reproduire. Ils se rendent, de ce fait, complices de ces gens malveillants et ne tarderont pas à regretter leurs comportements de passivité.

L'homme doit, lorsqu'il observe le mal et les différentes déviations qui touchent la société, se sentir responsable et se charger de redresser la situation, sinon il serait semblable à ceux-là même qu'il devrait combattre. De même, l'inaction et la passivité vis-à-vis du mal et des malveillants et les laisser-faire sont une manière d'inciter ces derniers à persévérer dans leur attitude.

Les éducateurs des nations et leurs guides vers les valeurs morales doivent reconnaître les différents types d'hommes, les bons et les meilleurs, et les conséquences de leurs actes et se concentrer sur cette réalité, à savoir que la désobéissance aux lois dans tous les domaines de la vie contribue à freiner la marche de la caravane humaine vers la plénitude existentielle la vie qui convient aux hommes et que les vices et défauts sont l'antithèse de la liberté véritable et la cause de décomposition, à

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moins que les hommes qui composent la société aient perdu toute notion du bien et du mal et ne fassent pas la différence entre eux.

Il est précisé dans les préceptes religieux que celui qui observe qu’une mauvaise action est sur le point d'être commise doit l'empêcher par tous les moyens dont il dispose et qu'il existe diverses façons et moyens pour y parvenir que l'homme doit, quelle que soit la situation, s'en donner les moyens: le devoir de celui qui en a le pouvoir grâce à Dieu est de tout faire pour amener le pécheur et les errants à concupiscence et les ramener vers le bien et l'honneur. Celui qui ne le peut pas par l'action le doit par la bonne parole et le conseil qui dévoilent les conséquences néfastes du péché et ses effets négatifs dans la vie de l'individu et de la société.

Il est évident que la personne qui se charge de prêcher la bonne parole et d'appeler au bien doit s'y conformer elle-même pour qu'on l'écoute avec attention, sans cela ses conseils n'auront d'effets sur personne et toute prédication en faveur du bien serait vide de tout sens. Certes, si l'on ne peut lutter contre le mal même par le prêche, il nous suffit alors de montrer notre désapprobation à l'égard de ces actes répréhensibles et de leurs auteurs.

Naturellement, il ne convient pas seulement à l'homme de se contenter de désapprouver intérieurement sans agir en conséquence. Il est nécessaire qu'il agisse de manière positive, c'est-à-dire qu'il coupe

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ses liens d'amitié avec les criminels le cas échéant pour que ceux-ci ressentent qu'ils sont marginalisés et rejetés en raison de leurs mauvaises actions.

L'Islam a montré dans le combat contre les abominations un intérêt particulier et a appelé de manière pressante à lutter contre le mal et ses conséquences. L'Islam oriente l'humanité vers le bien à travers toutes les étapes de la promotion humaine. Le Coran a, à cet effet, dessine les contours de la réussite et a défini la catégorie des hommes qui prêchent pour le bien, à travers les versets suivants: « Que soit, parmi vous, une communauté qui appelle au bien ordonne le convenable et interdise de blâmable. Car ceux-là sont les gagnants. »

De ce fait, pour l'Islam, ceux qui entrent dans la voie du bonheur sont ceux dont la pratique et l'action dans la vie ont pour base ce principe. C'est-à-dire que l'appel au bien et le rejet du mal font partie de la voie qu'ils se sont assignée dans la vie quotidienne et qui sont indissociable d'elle. Dans un autre verset de la même sourate, il est dit, combien sont vertueuses et grandes les nations dont ce principe est la voie: « Vous êtes la meilleure communauté qui est apparue parmi les hommes. Vous exhortez à faire le bien et vous interdisez le blâmable et vous croyez en Dieu. »

Le Calife Ali disait aussi:

« Appelles au bien et agis en conséquence et ne sois pas parmi ceux qui y appellent et qui n'agissent pas dans ce sens afin de ne

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pas être responsable d'hypocrisie et d'être blâmé devant Dieu. »

Il est rapporté dans le livre « Al-Tahdhib » que le Prophète que le Salut soit sur lui a dit:

« Mes gens seront toujours heureux tant qu'ils ordonneront ce qui est juste, qu'ils interdiront ce qui est blâmable et qu'ils s'entraideront pour le bien. S'ils n'agissent pas ainsi, ils seront privés de bienfaits et seront mis les uns en face des autres de même qu'ils n'auront aucun soutien sur terre ni dans les cieux. »

En cette époque de civilisation, certaines nations ont édicté des lois qui s'apparentent à l'appel au bien et au rejet du mal et ont entrepris de les appliquer afin d'instaurer la justice, de promouvoir le bien et de fortifier les bases d'une société équitable.

À ce sujet, une personnalité célèbre a écrit dans le journal « Perspectives » en Iran:

« Ceci est une vérité indéniable, à savoir que nous devons, pour instaurer une société de justice, être semblables au peuple suisse pour que chacun d'entre nous soit son propre gardien des limites de l'équité, ainsi qu'ils l'ont écrit dans leurs constitutions, comme si c'était un message divin et sacré: « Chaque citoyen du peuple, lorsqu'il observe la moindre transgression de la loi ne doit pas se taire jusqu'à ce que force reste à la loi. »

Cet article de la Constitution helvétique est l'obligation même que l'Islam, il y a quatorze siècles déjà, a faite aux musulmans.

Chapitre 8: La Patience, un Tremplin Vers la Reussite

Les chemins les plus courts vers le succès

Tout phénomène d'ordre naturel est le résultat d'une lutte pour surmonter des obstacles, et cela de l'apparition de la manifestation à

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son accomplissement. C'est là une loi naturelle à laquelle sont soumises toutes les créatures, sans exception.

Tout homme désire emprunter, dans son existence, les chemins les plus courts pour parvenir rapidement au succès recherché. Il veut aussi tirer rapidement profit de son travail et de son action, mais il n'est possible d'atteindre le but recherché et de réaliser les projets caressés que si l'on a de la patience. Sans cette qualité humaine, le progrès, le développement et la promotion de l'homme resteront chose vaine.

Qu'il s'agisse de l'homme ordinaire ou de l'homme inventif et ingénieux doté d'une intelligence et d'une vivacité d’esprit exceptionnel, l'objectif de réussite ne pourra se concrétiser que par une attitude de patience, une vision réaliste et un comportement pragmatique.

Certes, grâce à la patience nous pouvons surmonter tous les obstacles qui barrent notre chemin vers le progrès et le succès. Car, ne l'oublions pas, la réussite est liée à une multitude de problèmes et d'échecs. Il nous est donné d'observer des gens qui ont atteint des positions élevées dans la vie, d'autres qui ont pris du retard sur les progrès de ce siècle. Nous constatons que la différence fondamentale entre ces deux catégories réside dans leur attitude et leur persévérance face aux défis de l'existence.

Nombreux sont ceux qui, lorsqu'ils rencontrent des difficultés dans la vie, si infimes soient-elles, ne consacrent par leurs énergies à les surmonter; ils cessent d'œuvrer et changent d'activités continuellement sans entreprendre quoi que ce soit de positif à cet égard. Ces gens se caractérisent par

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un état d'esprit anxieux, troublé et instable, de même que leur attitude est faite de compromis, de soumission et d'incompétence, caractéristique qui deviendra pour eux une sorte de seconde nature.

La vie est, en fait, un immense champ de bataille qui s'étend sur toute l'existence de l'individu et la patience est, dans ce cas, l'arme idéale pour engager la lutte. La victoire est ici exclusive pour ceux parmi les braves qui ne se sont pas rendus ou soumis aux obstacles pour quelque raison que ce soit ou à quelque moment que ce fut. Car après chaque chute, ils se relèvent et fournissent de nouveaux efforts, plus soutenus, pour enfin triompher.

Si notre moral est moyen ou même bas et si notre entendement et notre discernement sont à un niveau acceptable, nous pourrions alors nous armer de patience, afin de nous épanouir dans la vie. La solution d'un problème nous aidera à solutionner tous les problèmes et nous insufflera l'enthousiasme et le dynamisme nécessaires.

Le Dr Marden explique le rôle des problèmes dans le développement des qualités spirituelles et morales chez l'être humain de la manière suivante:

« Tout comme les meilleures machines et les meilleurs outils acquièrent leur résistance dans le fer de la forge, il en est de même pour l'homme, car les meilleures résolutions se développent et s'affermissent lorsqu'on affronte les problèmes. Plus le diamant et dur et lumineux, plus son polissage sera difficile ».

Pour le philosophe allemand Kant:

« L'oiseau qui, lorsqu'il vole, rencontre un vent contraire s'imagine que sans ce vent il pourrait voler

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plus haut et plus vite. Alors que sans le vent l'oiseau ne pourrait voler suspendu dans le vide et s'écraserait immédiatement. Ainsi, ce même élément qui semble contrecarrer le vol de l'oiseau lorsqu'il s'élance est cet élément fondamental qui lui permet de voler ».

Toute tentative que nous entreprenons pour parvenir à un niveau plus élevé est noble et louable, même si nous ne réalisons pas l'objectif visé. Nous pouvons quand même renforcer notre âme par ces tentatives. C'est ainsi que ceux qui, dans la vie, sont sans volonté et sans entendement peuvent, par les épreuves qu'ils subissent, devenir des gens de grandes qualités humaines et morales et, par là même, réussir dans la vie. Tel ce jeune homme qui ayant perdu son père ou un proche parent acquiert une résistance et une force de caractère peu communes.

Si Dieu voulait du bien à un homme, Il l'obligerait à suivre des cours à l'école de la nécessité et du besoin et non pas le combler de biens et de bonheur dans sa vie.

Si vous plantez deux graines d'un même arbre à deux endroits différents, l'une par exemple, sur le versant d'une montagne et l'autre au milieu d'un bois touffu et si vous pouviez observer leurs racines, vous remarqueriez que la graine plantée à l'écart, sur la montagne, exposée aux vents et aux pluies, deviendra un arbre géant aux énormes branches et aux racines profondes. Tandis que l'autre graine, plantée dans la forêt, ne deviendra qu'un arbre chétif, car étouffé par les autres arbres

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qui l'environnent.

De la même manière, si vous élevez deux enfants du même âge dans des lieux différents. L'un obligé, dès le départ, de lutter contre les obstacles et les embûches, sans aise matérielle ou autre, va se relever après chaque chute plus forte et plus décidée, rebondissant très haut; l'autre élevé dans un milieu doré et velouté, obtenant tout ce qu'il désire sur le champ, ayant à sa disposition beaucoup d'argent, sera dès lors moins préparé à faire face aux aléas de la vie et ne surmontera pas le premier obstacle qu'il rencontrera.

La source de l'énergie

La capacité à affronter les problèmes est une chose innée dans chaque être humain et nous sommes tenus de consacrer nos forces à leur faire face et à les affronter avec énergie. L'innéité de l'individu représente ainsi la source intarissable de cette énergie. Le désespoir, le renoncement et l'incapacité à résister aux obstacles ne sont pas uniquement dus à un manque de préparation, mais sont plutôt ces chaînes qui lient les mains de certaines personnes peu déterminées et résolues.

Ces personnes sont frappées à chaque obstacle d'un désespoir et d'un désappointement qui réduisent leurs forces et leur confiance en elles-mêmes. Elles peuvent même perdre tout courage suite à un évènement soudain et douloureux qui leur fera perdre pied. Cette fracture sera alors difficile à combler comparativement à toute autre atteinte. Par contre, ceux qui poursuivent, contre vents et marées, activités et travaux sont plus proches de l'épanouissement que ceux qui comptent sur leurs seules dispositions naturelles, car tant que

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ces dispositions ne sont pas couplées à une activité positive rien de bon n'en découlera.

Les grands esprits ne sont pas issus d'une classe particulière, mais pour la plupart de milieux modestes et vivant dans de grandes difficultés et qui se sont élevés et épanouis en surmontant ces difficultés. Ceux qui ont élevé leur personnalité à un niveau insigne et se sont rendus célèbres et estimables n'ont pu le faire qu'en surmontant tous les problèmes auxquels ils ont été confrontés.

Il fut rapporté qu'un étudiant chinois ne pouvant trouver de réussite dans les études qu'il poursuivait perdit espoir et ramassa tous ses livres pour les jeter à la poubelle. Il remarqua, à cet instant, une pauvre femme qui ramassait un bout de fil de fer afin d'en faire une aiguille à coudre. Cette vision produisit en lui un grand bouleversement qui ébranla son âme, car il venait de recevoir une leçon pleine de sens. Il résolut alors de retourner à son lieu de travail pour y poursuivre ses études de manière plus déterminée et avec assiduité. Cet étudiant réalisa son objectif et, par sa patience et sa résolution, il devint l'un des hommes de science les plus célèbres de son époque.

De la nécessité de connaître les principes de la vie

La connaissance des principes de la vie est ce que l'homme doit acquérir par la réflexion et l'étude pour arriver à s'armer convenablement contre les aléas de l'existence et à trouver la quiétude et l'équilibre dans la vie. Les rouages de la vie ne sont pas mus par les pensées immatures, les

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illusions et les rêves poétiques de même que l'homme ne doit pas voir la vie à travers l'optique de son imaginaire et porter des jugements illusoires.

Celui qui fait face à nombre de problèmes qui paraissent insurmontables et qui croit ne pas pouvoir résoudre ceux-ci dans l'immédiat ne peut réaliser ses espoirs que par une plus grande détermination dans ses activités, à faire montre de plus de fermeté et être prêt à saisir sa chance. Il est possible que les problèmes de la vie obscurcissent, pour un temps, les horizons, mais, en définitive, ces nuages se dissiperont après avoir déversé l'eau bienfaitrice sur les champs de l'espoir et des espérances humaines.

La leçon à tirer des échecs

Les plus grandes victoires et les plus illustres réalisations sont, généralement, obtenues par ceux qui ont la capacité d'analyser les causes des défaites et des échecs et, en conséquence, profiter des leçons de la manière la plus positive possible. L'étude des causes de l'échec peut déterminer le pourquoi et le comment résoudre ceux-ci et ouvrir ainsi à l'homme de nouveaux horizons d'espoir et de réussite. À partir de là, l'individu pourra puiser dans ses énergies emmagasinées et changer ou améliorer la situation au mieux de ses intérêts.

L'homme se sublime lorsqu'il rencontre sur le chemin de ses espoirs les échecs et les obstacles. Nombreux sont ceux qui ne s'épanouissent réellement qu'après avoir tout perdu. De même, ceux qui ont vraiment du caractère entreprennent toutes leurs activités avec force et conviction et se découvrent des qualités propres qu'ils ne croyaient pas posséder avant

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d'avoir affronté et subi l'échec et la défaite.

Avoir honte de l'échec est une erreur courante, car la réussite des grands hommes est jalonnée de problèmes et d'obstacles. L'homme ne peut se considérer en état d'échec total et définitif que s'il renonce à lutter et perd toutes ses forces morales. Il est possible de ressentir de l'impuissance ou du désespoir, mais cela ne doit pas empêcher l'être humain de poursuivre son combat et de persévérer jusqu'au dernier moment de sa vie.

Le désir de réussir et de dominer est le premier sentiment que connaît l'homme durant sa vie et qui le pousse à maîtriser son environnement afin de se doter des moyens de la réussite, d'empêcher la nature de le soumettre à ses lois et de tuer en lui l'espoir et la conscience.

Il est possible qu'il existe en chaque être humain un diamant que ne peut tailler et modeler que les aléas de la vie et qui ne peut briller qu'à travers les coups de boutoir que lui portent les échecs et les obstacles. La vérité est que la majorité des individus ne développent en eux les dons dont ils sont pourvus qu'au contact des échecs et des désillusions qui les frappent et sans lesquels ils ne pourraient s'épanouir et développer des activités fructueuses tout le long de leur existence.

Pour Dayle Carnegie:

« Il y a plus d'un quart de siècle, ou plutôt un demi-siècle, un instituteur porta deux gifles sur la joue d'un élève qui s'agitait trop sur sa chaise; il le fit

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devant tous ses camarades et l'humilia à un tel point que l'enfant, ne se contenant plus, se leva et rentra chez lui en pleurant. Il n'avait pas alors six ans et croyait que ce que lui avait infligé l'instituteur était injuste et cruel. Il ressentit dès lors, dans son esprit, un grand sentiment d'injustice et d'agression et se fit le serment de combattre l'injustice jusqu'à la fin de ses jours.

C'était Clarence Darrow et il fut, en vérité, le plus grand avocat devant les tribunaux, et même le plus renommé. Les journaux américains publièrent son nom en première page plus d'une fois et les anciens de Starbuck, en Amérique, parlent encore de la première fois où il plaida et du thème de sa plaidoirie. La cause qu'il défendit souleva un grand bruit et beaucoup de tumulte, alors que le litige ne concernait qu'un harnachement de cheval qui ne coûtait pas plus de cinq dollars! Lorsqu'on lui demanda pourquoi il avait soulevé toute cette passion pour un harnachement de cheval, il répondit: l'important est de défendre le droit et la vérité, quelle que soit l'importance du sujet de l'affaire soulevée devant le tribunal. Il défendait ses causes devant la cour avec courage et enthousiasme, comme s'il avait devant lui un tigre du Bengale qu'il devait affronter pour survivre. Son client le paya, dans cette affaire, cinq dollars d'honoraires, bien que celle-ci dura sept ans et qu'elle fut soumise à sept tribunaux; il sua sang et eau à poursuivre le cas jusqu'à ce

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qu'il obtienne gain de cause. Il déclara, par la suite, qu'il n'avait pas accepté cette affaire pour de l'argent ou pour prouver sa valeur ».

Toutes les innovations et œuvres de valeur qui furent offertes à l'humanité et qui sont considérées, aujourd'hui, comme banales, paraissaient, à l'époque pour beaucoup de gens, chose impossible. Si quelqu'un avait, dans le passé, suggéré la possibilité qu'elles puissent exister un jour, il aurait été accusé de folie ou de naïveté; plus encore, les savants au sein des conseils scientifiques se seraient montrés les plus hostiles à son égard. Tandis qu'aujourd'hui, les gens ont oublié ce que ces choses représentent et donc ont cessé de s'en étonner.

Les hommes d'affaires n'ont pas créé toutes ces industries et toutes ces techniques si rapidement, elles sont plutôt le résultat d'années de souffrances et de tortures. Ainsi, beaucoup de ces personnes ont dépensé d'énormes ressources physiques et morales à résoudre des difficultés et des problèmes liés à ces industries et à ces techniques, avec patience et abnégation, pour qu'enfin elles puissent se concrétiser dans la réalité et que leur importance soit reconnue.

Emerson disait:

« Les hommes qui ont réussi dans la vie sont d'accord sur une seule réalité qui est qu'il existe une dialectique entre la cause et l'effet. Autrement dit: ils croyaient que les évènements de la vie ne survenaient pas fortuitement ou par hasard, comme ils disaient, mais que toute chose était soumise à une loi et qu'il ne fallait pas faire de séparation entre un maillon d'une chaîne et un

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autre parce que celle-ci serait rompue ou cassée ».

Les moyens d'atteindre la perfection

La lutte et le combat que l'on entreprend pour résoudre les problèmes sont les moyens qui nous élèvent à la perfection; ils sont le prélude à la paix et à la quiétude spirituelle. Chaque problème a, en fait, un effet décisif et indéniable sur le parcours de l'homme en quête de la perfection. Ainsi, s'il n'y avait pas de traîtrise dans la vie, nous ne pourrions réellement avoir conscience de la valeur de la piété et de l'humilité. Et s'il n'y avait pas de problèmes, que tout puisse être entrepris sans difficulté ni effort, que toutes les tentatives soient couronnées de succès, il n'y aurait pas de raisons de travailler et d'entreprendre ou bien de lutter contre les éléments contraires puisque de toutes les manières le développement de l'homme et son succès seraient absolument garantis.

En conséquence, la pression qu'exercent les contraintes et les désillusions n'est point nuisible; elle relance plutôt les énergies et les bonnes dispositions et complète la personnalité morale de l'individu. Elle peut même représenter une source d'inspiration et de dynamisme.

L'homme doit avoir à l'esprit une image réelle de la vie pour ne pas être surpris par ses évènements, pour qu'il soit disposé à faire face aux différents éléments qui interviennent sur différents aspects de son existence, tel un nageur émérite au milieu d'une mer déchaînée. Si les chaînes de la vie ne lui permettent pas de se mouvoir et que les choses soient difficiles, la patience le soutiendra et le

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guidera vers le salut.

Nombreux sont ceux qui nourrissent des illusions, des rêves et des visions irréalistes, qui imaginent la réalisation de leurs espoirs et de leurs grands rêves, sans y consacrer les énergies nécessaires. Il est évident qu'entre le rêve et la réalité existent de grandes différences et que nous devons agir dans la vie avec réalisme et que nous tentions d'atteindre l'objectif en y consacrant de la patience et de la persévérance, sans négliger aucun effort pour cela.

Un célèbre personnage disait:

« Si vous construisiez des palais au milieu des nuages, vous perdriez alors vos espoirs qui se transformeraient en désillusions en vous consumant toute votre existence. Certes, rien n'est plus agréable et plus attrayant à l'homme que de pouvoir construire, en rêve, de magnifiques palais dans l'espace infini, mais il conviendrait que ces palais soient bâtis sur terre et non dans le ciel pour ces espérances trompeuses passent du monde de l'imaginaire à celui de réel ».

La plupart des individus ne portent pas un jugement critique sur eux-mêmes et chaque fois qu'ils font face à l'échec, ils s'inventent des excuses et des justifications. Au lieu d'endosser leurs responsabilités dans ces cas, ils blâment les autres et les accusent de leurs maux. Il arrive rarement qu'une personne anxieuse et troublée s'élève à la perfection et, si cela arrivait, cet état ne serait que temporaire et passager.

Il existe des gens qui ne tirent de leçons qu'à travers les échecs et les défaites pour, après cela, réussir et éviter les obstacles et les problèmes

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et qui, lorsqu'ils les rencontrent, ne s'effondrent pas psychologiquement et comprennent alors la nécessité d'entreprendre et de regarder avec courage l'avenir pour effacer les échecs du passé. Ils induisent de ces expériences que le mal peut être assumé autrement, par la prévention et la volonté d'affronter le présent. De même, l'on peut apprendre des expériences acquises par les autres en les étudiant et en les analysant pour découvrir leurs causes et leurs effets, bref par une observation de la vie en général.

Les faits historiques démontrent clairement que toutes les armes militaires n'apportent la victoire qu'à ceux qui s'arment de patience et de persévérance. Ces hommes courageux qui ne connaissent pas l'échec sont ceux qui ont la capacité de garder l'initiative sur les champs de bataille pour réduire l'ennemi. Ainsi, une différence de deux ou trois minutes de patience peut signifier la victoire ou la défaite.

Analysant les raisons de la défaite française, un écrivain français disait:

« Lorsque Daladier, premier ministre de France, était à la tribune pour haranguer les foules avec des mots d'enthousiasme, en frappant de sa main sur la table, une des personnes présentes et qui était avisée se retira dans un coin du salon et dit: La poigne qui frappe sur la table est forte, mais malheureusement elle revêt des gants de velours au lieu d'être en acier ».

De la nécessité d'être discipliné dans l'action

Parmi les règles utiles et nécessaires dans le domaine de l'activité et qui aident énormément l'homme dans son développement et sa promotion, il est la discipline dans l'action et la manière

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d'agir. La discipline est, à cet égard, considérée comme un des principes élémentaires de l'action. L'homme avisé songera à profiter des occasions offertes, réfléchira à toute action s'y rattachant et, avant d'agir, calculera les résultats qu'il en escompte.

Ceux qui bâtissent leur existence sur une base solide, celle de la vérité, empruntent ainsi la voie de l'essor de manière plus sûre que ceux qui agissent sans organisation ni planification. L'indiscipline représente un presque de pertes énormes pour chacun, une perte qui ne pourra être rattrapée.

Il est possible qu'une personne passe plusieurs années de son existence à exercer une activité, mais à cause du manque de discernement et son absence d'ingéniosité son activité ne lui rapportera rien, bien qu'elle s'y soit consacrée longtemps. Il est probable qu'une autre personne, par contre, passe moins de temps sur la même activité et se rapproche chaque jour de son objectif tout en retirant de grands bénéfices de ses efforts.

De même, il est rare que l'homme pressé réalise son objectif sans heurt ni difficulté et arrive à son but et il arrive que cet individu dévie de sa voie initiale pour emprunter un chemin plus sinueux. Le tort que peut causer la précipitation n'est pas moindre comparé au danger que peut représenter le manque de volonté et la compromission dans l'action.

Ainsi, les actes mûrement réfléchis et la justesse dans la résolution des problèmes augmentent la capacité de l'homme à progresser. Cette réalité s'applique également aux peuples et aux nations.

La société a besoin de préserver son existence

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et son développement plus que toute autre chose en les confiant à des hommes patients qui ne reculent pas et n'hésitent pas à emprunter des voies semées d'embûches et ceux qui allient cette qualité morale avec la connaissance et la science et l'utilisent à bon escient. En conséquence, le génie scientifique et politique, s'il n'est pas tempéré par la patience et allié à la persévérance, ne produira rien de positif.

Le Coran appelait le Prophète de l'Islam à s'armer de patience en toute chose pour atteindre ses objectifs et à lutter contre tout obstacle: « Reste donc droit comme il t'est commandé, toi et ceux avec toi qui se sont repentis ». Il ajoute: « (...) et reste droit comme on t'a commandé; et ne suis pas leurs passions ». Puis, enfin: « Oui, car à côté de la difficulté est une facilité. Oui, à côté de la difficulté est une facilité. Quand tu es libre, donc, lève-toi et aspire à ton Seigneur ».

Ces versets rappellent à l'homme qu'il ne doit pas se laisser aller au désespoir et au désœuvrement, mais qu'il soit plutôt, après le succès et la réussite, se préparer à faire face aux nouvelles difficultés, car il n'y a point, en ce monde, de repos ou de paix.

Will Durant disait:

« Lorsque l'homme, chaque jour de son existence, réalise une œuvre ou un succès, sa volonté s'en accroît. Si nous voulons donc tester notre volonté, nous devons alors fixer l'objectif et le moyen d'y parvenir puis nous astreindre à y œuvrer en conséquence, en ayant à

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l'esprit que le chemin que nous avons choisi devra être parcouru jusqu'à son terme.

Les petits succès nous donnent du courage et nous font croire en de plus grandes victoires. Celui qui est sceptique à l'égard de ces grandes victoires restera à jamais un être insignifiant. Ne te réjouis pas trop du petit succès. Après chaque victoire, fête-la durant un jour seulement et poursuis une plus grande et plus difficile œuvre. Engage-toi à fond et endosse tes responsabilités. Oui, il est possible que tu faillisses ou que tu disparaisses, mais la mort n'est pas digne d'ébranler notre foi et nos convictions. Si le danger ne guette pas ta vie, il ne fera que te renforcer et te rapprocher de tes objectifs et te conduire à la gloire ».

L'étude de la vie du Prophète de l'Islam, de sa patience et de sa persévérance à faire triompher la vérité, à éduquer l'homme et à le guider nous montre l'exemple illustre à suivre. Le secret du succès des musulmans, durant l'époque glorieuse de l'Islam, résidait dans leur foi et leur résistance face aux ennemis de la religion, gravant ainsi leurs noms d'hommes glorieux sur les pages du livre de l'Histoire.

L'Islam, à lui seul, ne peut déterminer le succès

Le Coran a promis aux musulmans, dans ses versets, le triomphe de la volonté et la victoire finale. Cependant, cela ne sera ni aisé ni facile, car la promesse divine ne s'accomplira que si les gens restent fermes et respectent leurs obligations et responsabilités. Lorsque la foi pure et sincère s'allie au travail, le résultat sera

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probant. Ainsi, ceux qui font la distinction entre la foi et l'action ne pourront réaliser leurs espoirs et leurs rêves de victoires, car c'est plutôt la volonté et l'entreprise qui sauveront l'homme de l'échec et de la défaite: « Ô, les Croyants! Si vous secourez Dieu, Il vous secourra et raffermira vos pas ».

Durant la bataille d'Ouhoud, lorsque les musulmans subirent un sérieux revers après avoir désobéi aux ordres du Prophète et abandonnèrent leurs positions pour participer au butin, leur moral fut touché de plein fouet par cette défaite inattendue, car ils s'imaginaient que l'Islam qu'ils avaient embrassé suffisait, à lui seul, à garantir la victoire et à leur éviter tout échec. Ils s'interrogèrent sur cet échec et leur défaite, sur la désillusion, sur le mal subi de la main des infidèles et sur la perte de certains de leurs biens. Ces idées néfastes s'enracinèrent en eux et ébranlèrent leurs âmes et leur moral. Dieu leur indiqua alors la voie à suivre pour résoudre ces interrogations et chasser ces pensées de leurs esprits. Il leur dit: « Très certainement, vous serez éprouvés dans vos biens et vos personnes, et très certainement vous entendrez de la part de ceux à qui le Livre a été donné avant vous, et de la part des faiseurs de dieux, beaucoup d'injures. Si vous êtes endurants et vous comportez en piété... mais voilà bien la meilleure résolution des choses à prendre ».

Dans ce verset, les difficultés matérielles et personnelles qui touchent l'homme sont considérées d'ordre divin. Les croyants sont

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touchés, à l'instar de tous, par les épreuves douloureuses et c'est à travers celles-ci que Dieu éprouve ses créatures. Ces mêmes croyants demeureront patients à l'égard des événements jusqu'à ce que leur peur et leurs hésitations se muent en paix et en droiture et en endurance. La foi, en vérité, vaincra la peur et le désespoir et l'homme qui possède cette foi, endurera et supportera toutes les épreuves et ainsi versera sa caution morale à son Créateur.

Rousseau disait:

« Si nous dispensions un homme de toute épreuve, qui est nécessaire au genre humain, est-ce que nous ne l'aurions pas tourné à l'inverse de son état naturel? Certes, pour que l'enfant perçoive les grands délices et le bonheur suprême, il doit faire connaissance avec les petites douleurs qui contrôlent les plaisirs humains. Le corps, s'il est en repos constant, l'âme y pourrit et s'il ne connait pas la douleur, il ne pourra alors comprendre le délice de la piété et le plaisir de la miséricorde et donc ne sera pas touché par les choses. Il sera, en conséquence, tel un dément entre les hommes, infréquentables. Les épreuves douloureuses de l'existence leur révéleront leur vrai niveau moral et physique. Et si ceux-ci ne peuvent réaliser leurs espoirs, ils s'imagineront incapables de ne rien faire et les obstacles, auxquels ils ne sont pas habitués, les paralyseront et les plongeront dans le désespoir. Très vite, ils se verront sans envie ni courage, de misérables pleutres et se mépriseront »

La patience ne signifie pas attendre que le destin

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supprime les obstacles. Nous devons bien comprendre le sens divin du destin, au sujet des développements de la vie et du progrès, du désespoir et de la chute de l'homme. La loi divine concernant le succès rapporte qu'il n'est possible qu'à travers l'action et la résistance: « Ô, les croyants. De l'endurance! Luttez, d'endurance, tenez ferme, et craignez Dieu. Peut-être serez-vous gagnants! »

Le verset rappelle, ici, que les hommes doivent faire preuve de patience à l'égard des injustices, du mensonge, de la malveillance et de l'ignorance; qu'ils doivent tenter de surmonter les difficultés, de surveiller leurs ennemis et d'empêcher les étrangers de s'infiltrer parmi eux pour semer la discorde. Prendre des positions fermes devant les agresseurs, faire face aux ennemis et écarter les signes d'avilissement et de soumission sont les qualités qui caractérisent les hommes justes et droits. Ceux-ci sont également tenus de faire en sorte que leur devise, dans la vie publique ou privée, soit la piété et l'humilité qui leur rappelleront leurs obligations en toute circonstance. L'homme peut, parfois, sous une influence externe, pencher d'un côté ou d'un autre, mais la piété et la sincérité conféreront à son âme un juste équilibre.

Une personnalité européenne disait:

« Les épreuves douloureuses et les désillusions sont l'école du mérite et de la piété, car les malheurs éduquent l'âme, éveillent l'esprit et corrigent en lui le jugement. Ils empêchent l'homme de suivre les passions et de souiller son âme. Dieu qui régit le système de la Création par Sa miséricorde et Sa sagesse a voulu que

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toutes ces épreuves et difficultés, en ce monde, éprouvent les hommes de bien et les savants et leur apprennent les voies pour parvenir au vrai repos dans l'attente du Jugement Dernier. Bref pour les habituer à endurer les épreuves et les difficultés dans la patience pour qu'ils deviennent dignes de comparaître devant leur Seigneur.

Nul n'est plus triste que celui qui ne subit ni difficulté ni épreuve, car n'ayant jamais été éprouvée, sa perception de la réalité restera tronquée... Dieu récompensera les qualités de l'individu qui se seront exprimées à travers ses actions et son œuvre ».

Deux éléments déterminants dans l'éducation de l'homme

Les énergies que chaque homme recèle en lui ne s'expriment et ne s'épanouissent que si différents éléments, internes et externes l'y aident, sachant que le développement et l'épanouissement de l'homme sont illimités. Pour cela, il a nécessairement besoin d'une éducation de base pour préparer la voie à cet épanouissement et à cette élévation humaine, avec l'aide impérative de plusieurs éléments.

Il existe deux éléments qui jouent un rôle essentiel et déterminant dans le développement des énergies humaines: l'un a trait aux prescriptions du Prophète ou des prophètes de Dieu qui imprègnent l'âme humaine, écartant tout penchant vers le mal et tout comportement inacceptable du cœur pour illuminer et éclairer l'âme. Le deuxième élément, lui, est celui qui offre un tremplin à l'homme pour atteindre les objectifs souhaités et l'épanouissement désiré, autrement dit: les difficultés et les épreuves de la vie.

Pour tout ce qui éduque l'homme, dans le cadre des préceptes divins, des exigences de la vie, purifie

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son âme des souillures primitives animales, il n'en demeure pas moins que les nécessités de l'existence domineront son âme et sa volonté, le rendant telle une plume livrée aux caprices des vents matérialistes qui l'écartera de la voie de Dieu. Tant que son âme demeurera prisonnière des ténèbres et des passions, il ne pourra discerner les effets des difficultés. Ainsi, la pression qu'exercent les malheurs produit en lui un grand bouleversement: « Oui, l'homme a été créé avide, quand le malheur le touche il est abattu ». « Puis, quant à l'homme, lorsque son Seigneur l'éprouve en l'ennoblissant et en le comblant de bienfaits. Il dit alors: “Mon Seigneur m'a ennobli”. Mais par contre, quand Il l'éprouve en lui mesurant sa portion, il a dit alors: “Mon Seigneur m'a avili” ». Ce sont là les caractéristiques des hommes non éduqués.

Cependant, lorsque les cœurs des gens sont touchés par les motivations et les raisons religieuses, ils atteindront alors la liberté spirituelle et leur indépendance qui est la finalité de l'éducation divine. Dès lors, ils s'imagineront pouvoir se passer des besoins matériels et deviendront alors propriétaires du monde. C'est cela la vraie liberté qui n'est en rien comparable à l'instinct animalier; une liberté à l'égard de tous les obstacles et barrages qui empêchent l'homme d'accéder à la sagesse, au progrès et à la plénitude.

Les valeurs trompeuses n'ébranleront pas l'homme éduqué et sage et ne domineront pas son esprit et son discernement.

Il est dit dans le Coran: « Afin que vous ne vous tourmentiez pas pour ce qui

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vous échappe, ni n'exultiez de ce qu'Il vous donne ». Lorsque l'homme se libère de toute forme de soumission, à l'exclusion de celle envers Dieu, et qu'il n'est plus dominé par rien, son sentiment sera celui d'une force exceptionnelle. Ainsi, celui qui est éduqué de cette manière aura une vision plus large et plus globale, un cœur enthousiaste et un profond discernement.

De même, l'idée d'oublier le passé et de ne point trop se réjouir a un impact éducatif certain, car le fait de regretter une chose et d'en être hanté mène à la paralysie des énergies créatrices que possède l'individu. D'un autre côté, la joie d'acquérir quelque chose limite la dynamique de l'individu et l'empêche d'accéder à un niveau plus élevé, c'est-à-dire à geler sa dynamique de progrès.

Pour Jean-Jacques Rousseau:

« Je sais que je mourrais, alors pourquoi créerais-je en ce monde des liens et des obstacles? À quoi me serviraient ces liens sachant que tout disparaîtra avec moi? Émile, mon fils! Si je devais te perdre qui me resterait-il après toi? Malgré cela, je dois me préparer à supporter cet évènement douloureux, mais très probable, car personne ne peut me garantir que je mourrais avant toi.

Si tu veux vivre heureux et paisible, fais que ton cœur reste attaché à une beauté éternelle, tâche que tes souhaits soient limités, place tes devoirs avant toute chose, demande uniquement ce qui n'est point contraire aux lois de la morale, habitue-toi à perdre toute chose sans grande souffrance et n'accepte pas ce que refuse ta conscience.

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Tu ne seras vraiment heureux que lorsque tu te seras détaché de toutes choses terrestres ».

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait dans ses cours:

« Par une peine extrême, nous accédons aux hautes positions et à la paix éternelle ».

Emerson, le philosophe américain, écrivait: « Les changements qui peuvent conduire au bonheur des gens ne sont que des avertissements de la nature, car l'homme, au moment où ses besoins spirituels sont en jeu, abandonne ce système basé sur les biens et les relations humaines, de même qu'il abandonne toute chose pour commencer une nouvelle vie.

Les malheurs ne laissent apparaitre leurs premiers bienfaits qu'après une longue période: la fièvre et le manque de dynamisme ainsi que le désespoir, consécutifs à la perte des richesses et des proches, ne peuvent être remplacés instantanément. Cependant, le temps qui passe fera apparaître ce que cachaient les évènements comme énergies et capacités. Ainsi, la perte de proches qui n'est, au début, qu'une absence douloureuse devient, par la suite, une lumière qui guide vers le bien. Tout malheur qui survient dans notre vie est une révolution. Par exemple, pour clore la période de l'adolescence ou pour modifier nos attitudes et comportements et nous amener, après cela, à d'autres attitudes plus conformes à nos besoins.

Celui qui veut vivre comme une fleur délicate, ne craignant pas le soleil brûlant, doit savoir que le figuier planté dans le jardin, lorsqu'il est négligé par le jardinier et que les murs s'effondrent autour de lui, se transforme en un arbre sauvage, à

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l'instar des arbres de la forêt, qui offrira beaucoup d'ombre et de fruits à l'homme ».

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) comparait les gens qui ont vécu au milieu des malheurs et des peines aux arbres des montagnes, alors que les gens qui privilégient la paix et la quiétude sont tels les arbres des jardins. Cette comparaison, qui a été rapportée d'une lettre, était destinée au Gouverneur de Basra (Bassora), Othman Ibn-Hanif Al-Ansari:

« Sache que l'arbre sauvage a un tronc plus robuste, que les plantes vertes sont plus frêles et que les herbes nourricières vivent plus longtemps et tardent à disparaître ».

Il ajoutait également:

« Tu dois t'habituer au travail en toute activité et tout repos ».

Ou bien:

« Tu dois être sérieux, même lorsque le sérieux n'aide en rien ».

Ou alors encore:

« Celui qui laisse échapper l'occasion ne pourra s'en remettre ».

William John Riley, le célèbre chercheur américain, écrivait:

« Les os de millions de gens qui se sont assis le matin de la victoire pour se reposer dans des déserts d'incertitudes et de lassitude et qui sont morts durant leur repos et leur immobilisme sont devenus des os blancs que le spectateur voit briller au soleil. La plus grande part de notre réflexion est si inconsistante que nous n'avons pas l'occasion de penser à ce qui se passe en nous, et s'il arrivait que nous arrêtions nos pensées pour un temps afin de nous préoccuper de ce que nous faisons, nous verrions alors que nous prenons chaque jour plusieurs résolutions et qu'à chaque fin de semaine nous avons

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pris des centaines de décisions, sans savoir que la plupart de nos résolutions sont le fait de notre incapacité et de notre désintérêt. En réalité, nous nous sommes relâchés en toute chose, ce qui est une attitude inacceptable.

Le fait est que lorsque nous remettons notre activité d'aujourd'hui à demain, nous aurons alors pris une décision, c'est-à-dire que nous aurons résolu de ne point faire un certain travail. Ainsi, ce report est en soi une décision, une résolution.

Il est très facile de se laisser aller au relâchement, particulièrement si vous vous trompez et que vous vous leurriez en croyant que vous êtes capable, à l'avenir, de progresser. Cela signifie que vous avez anesthésié vos pensées en vous imaginant être en meilleure situation dans le futur que présentement. Vous ne faites que vous leurrer en prétendant que l'avenir est vide de toute difficulté et qu'il ne nécessite aucune lutte. Cependant, la réalité est que toute grande œuvre est accompagnée de difficultés et que vous n'aurez pas, à l'avenir, une solution miracle. La réussite n'aura lieu que dans le présent, tant que vous avez le choix et l'opportunité. Car la valeur de l'occasion offerte au présent est plus grande que celle des victoires passées ou à venir ».

La qualité humaine est transcendante

La foi est le seul élément qui peut renforcer l'âme humaine et étendre son champ d'activité de manière telle qu'il soit disposé à faire face aux évènements et à ne point renoncer ou faiblir. Le croyant sait que les malheurs, quelle que soit leur intensité, n'altéreront point

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son esprit, mais plutôt le fortifieront.

Le fait de posséder l'énergie qui permette de supporter les difficultés et les problèmes prémunit l'homme contre les atteintes psychologiques. C’est la force de la foi qui accroît la capacité de résistance chez l'être humain, sans détruire son équilibre spirituel et sans qu'il perde sa résolution de réaliser ses objectifs. Le Prophète (que le salut soit sur lui) observe que cette qualité fait partie des caractéristiques des hommes de bien?

« Le croyant est tel un plat d'or; si vous lui soufflez dessus, il rougit et si vous le pesez, il ne perd rien de son poids ».

Le calife Ali disait lui:

« L'âme du croyant est encore plus résistante que le granit ou que la roche ».

Pour Mann, dans son livre, Les fondements de la psychologie:

« Lorsque nos efforts rencontrent un obstacle pour atteindre l'objectif et que son dépassement représente une difficulté ou une impossibilité, cela suscite en nous le désespoir. Les obstacles qui nous entravent sont ce qui nous entoure comme biens et personnes, nos points faibles ou notre incapacité à résoudre ceux-ci. La capacité de supporter le désespoir diffère selon les individus, car affronter un seuil minimum de désespoir peut s'avérer psychologiquement négatif pour certains, tandis que d'autres pourront le surmonter aisément. Pour ceux qui sont les plus faibles, il est possible qu'ils perdent le sens du discernement et qu'ils s'engagent sur des voies qui les écartent davantage de leurs objectifs ».

Cacher ses faiblesses et ses échecs

La tendance à leurrer l'esprit pour s'éviter tout effort et se créer des raisons factices à l'abandon d'une activité

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du fait de sa propre carence est un fait relevant de la psychologie. Celui qui ne fait pas montre de persévérance en toute chose et qui délaisse tout ce qu'il entreprend et fuit les difficultés qu'il rencontre s'invente pour cela d'éternelles excuses et d'innombrables prétextes.

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« L'homme peut se mentir à lui-même lorsqu'il éprouve d'énormes difficultés qu'il ne prévoyait pas ».

Cette vérité a été, aujourd'hui, démontrée scientifiquement et les psychologues l'ont appelé le « leurre de l'esprit »:

« Lorsqu'un homme ne peut réaliser un travail et l'abandonne pour en faire un autre, il se dit: “Je me vois, dans ce nouveau travail, capable de mieux servir les hommes et le pays”. La vérité est toute autre. En fait, son incapacité et sa non-qualification pour le précédent travail l'ont amenée à changer d'activité. L'homme veut de la sorte justifier sa démission, c'est pour cela qu'il verse dans les raisons et démonstrations fallacieuses.

La preuve forgée de toutes pièces comme toute action défensive est soit la marque d'une défaite psychologique, soit que l'homme n'a pas appris la manière d'affronter les difficultés et c'est pour cela qu'il s'invente des excuses. Nombreux sont ceux qui se créent des raisons factices pour couvrir leurs faiblesses flagrantes, alors qu'ils devraient tout faire pour dévoiler ces faiblesses et les corriger. Lorsque nous subissons un échec, notre inconscient est marqué par l'abattement et le désespoir. Cela nous porte à inventer des excuses qui ne peuvent, en aucun cas, nous justifier et nous innocenter, le mieux étant

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de reconnaitre notre échec et notre déception et tendre à renforcer nos esprits afin de vaincre les obstacles, de dépasser cet échec dû à notre manque d'efforts et, en même temps, ne pas oublier de profiter de cette expérience et d'en tirer les leçons qui s'imposent.

Pour ce qui concerne la fuite en avant, face aux difficultés et aux problèmes, cela est une fausse et une mauvaise solution, car elle ne fait que différer les choses avant que ne reviennent la souffrance, la lassitude, la faiblesse et l'incapacité. À partir du moment où l'homme réagit face à un évènement négatif, il doit se demander. Serais-je en train de me leurrer et de tromper les autres? Serais-je en train de m'inventer des excuses qui n'existent pas? Que dois-je faire pour résoudre mon problème avec justesse et réalisme? Nul doute que parler ne suffit point, il faut également aiguiser sa réflexion et fournir des efforts pour cela. Nous ne devons pas laisser passer l'occasion en alléguant de faux prétextes, cela n'est pas acceptable, car ce n'est que vaine tentative pour se mentir et leurrer les autres. Il faut plutôt que l'individu affronte la réalité et découvre la vérité puis qu'il tente de trouver la voie juste pour résoudre son problème ».

Pour l'Émir des croyants Ali (que le salut soit sur lui), son opinion était qu'il ne fallait pas fuir les difficultés, même lorsqu'elles surviennent aux moments critiques, et ne point perdre espoir dans le succès. Il disait:

« Lorsque croissent les malheurs, l'aube n'est plus très

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loin ».

Il ajoutait ensuite:

« Lorsque se resserrent les chaînes des épreuves, alors le salut est tout proche ».

Chapitre 9: La Vérité sure L’Honneur et la Dignité

Le besoin spirituel

À côté de ses besoins corporels essentiels, l'homme ressent un ensemble de besoins spirituels dont le désir d'assouvissement est manifeste et qui, s'ils ne sont pas satisfaits en temps opportun et de manière appropriée, développent chez lui un déséquilibre, des troubles et des dégâts, dans sa vie publique et privée, qui peuvent être irréversibles.

L'étendue de ces besoins spirituels est très vaste, infinie même, comparativement aux besoins matériels. Aussi n'est-il pas possible de les définir ou d'évaluer leur ampleur. Les études scientifiques portant sur les besoins de l'âme, aussi récentes soient-elles, n'apportent rien de neuf. Au plus, il s'agit d'études comparatives concernant l'homme depuis son apparition sur la terre.

Du point de vue psychologique, les êtres humains ne se situent pas tous à un même niveau. Il y a entre eux des dissemblances qui se rapportent à leur manière de réfléchir, à leurs sentiments et à leur comportement les uns envers les autres. Nul doute donc que l'effet produit sur le bonheur ou le malheur des gens ne sera plus grand que l'effet des décisions humaines à différents échelons.

Parmi les besoins spirituels fondamentaux, il est le sentiment et la « quête de la gloire », élément essentiel de son amour de la perfection. En effet, beaucoup des activités de l'homme ne se réalisent que pour atteindre cet objectif. L'homme a soif de gloire et, en même temps, refuse tout avilissement et mépris qu'il réprouve. Ainsi, lorsque son rang

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social et sa personne sont menacés, il puise dans ses ressources les plus profondes pour repousser ce danger ou le contourner. Il use de tous ses moyens pour empêcher le malheur et l'échec. La peur qui le domine et le sentiment de désespoir et de torture l'amènent à penser que l'incapacité et la faiblesse sont plus dangereuses que le danger lui-même. Sa vie se trouve transformée alors en un affreux cauchemar.

Le sentiment d'humiliation produit chez certaines personnes de terribles bouleversements, au point où le monde leur apparait comme un immense cimetière noir sans raison. Il arrive même que certaines d'entre elles choisissent le suicide comme solution à leurs maux. Voulant échapper à un mal mineur, ils tombent dans un avilissement plus grand.

Dans sa lutte contre le désespoir qui transforme l'homme en une créature faible et sans ressources, celui-ci doit trouver son chemin et sa voie vers le salut. Le meilleur moyen serait qu'il utilise pour fortifier sa personnalité, augmenter ses capacités et son aptitude et leur donner les moyens de s'exprimer, de trouver un équilibre ou plutôt recouvrer l'équilibre perdu, afin de vivre dans l'honneur et la liberté d'esprit.

Le sentiment et le besoin de dignité et d'honneur qui ont été déposés, telle une graine, par la volonté du Créateur dans l'âme de l'être humain, qui éclot dès l'enfance et se manifeste avant toute autre caractéristique et particularité spirituelles et psychologiques. Le petit enfant a besoin d'attention et de soins, d'orientation et de fierté. C'est ce qu'il attend le plus de

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ceux qui l'entourent. Il n'admet même pas que d'autres fassent l'objet de cette fierté et c'est ainsi que lorsqu'apparait dans une famille un nouveau-né et que la mère lui consacre la majeure partie de son temps, s'occupant nécessairement moins de son aîné qu'elle ne le faisait auparavant, celui-ci verra d'un mauvais œil son frère.

Si l'enfant éprouve de la jalousie et de l'envie envers ceux qu'il rejette, cela pourrait faire naître chez lui une farouche et chronique haine et le mener à des situations de déviance et user de tromperie. Nombreux sont ces enfants dont l'esprit est nourri de plus d'un complexe du fait de cette situation, source de grands dommages.

La force de toute communauté et sa faiblesse, sa fierté et son déshonneur, sa grandeur et sa décadence, sont liés à son vécu spirituel. Ces différentes situations qu'elle connaît résultent de sa manière de réfléchir et de son comportement. Les qualités individuelles, tels les sentiments nobles et une vie spirituelle élevée, ne sont pas mesurables à l'instar des richesses matérielles ou des positions sociales. Ceci est une vérité établie que les défauts de l'âme ont plus d'effets sur la dignité réelle que les causes exogènes. Le désespoir, le bonheur et le véritable honneur sont en étroite liaison avec la vie intérieure de l'homme. Il n'y a que les gens de courte vue qui s'imaginent que la différence dans les situations sociales est l'élément fondamental pour juger du degré d'honneur et de dignité.

Les avantages illusoires

Un grand nombre d'individus, dans une société, ont souvent une

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mauvaise appréciation des facteurs véritables de la dignité. Dès lors que ce besoin spirituel n'est pas parfaitement assouvi en eux, ils ont recours, pour le satisfaire, à des voies sinueuses et dommageables, car ils se sentent tel un noyé qui, pour survivre, veut s'accrocher à n'importe quel objet flottant devant lui, ne tentant aucun effort pour recouvrer, autrement que par des avantages artificiels et illusoires, une dignité et un honneur perdu.

Il est possible, par exemple, que l'appât du gain et l'amour de la richesse se transforment, chez certains, en un désir inextinguible et une soif lancinante, au point que leur appât de l'or et leur volonté d'accaparement les dominent, tel un dictateur, et annihilent leurs pensées et leurs esprits et même la conscience de leurs intérêts propres. Cette situation psychopathologique transforme l'homme en une créature instable et torturée, dangereuse pour elle-même et pour les autres. Et si le nombre de ces personnes croissait dans une communauté, ils formeraient dès lors, dans celle-ci, la majorité et déstabiliseraient toute sa structure.

Le problème est que la richesse excessive est généralement accompagnée de deux caractères qui mènent au désespoir et à l'abattement: soit ils conduisent l'homme sur des chemins tortueux et dangereux, ceux des penchants et des tentations, soit qu’ils pressent à l'amour démesuré des biens matériels au point que l'homme devient idolâtre et prêt à tout sacrifier pour ses idoles. Notre propos n'est pas d'empêcher que l'on cherche à acquérir des richesses pour surmonter les difficultés de la vie, la vérité est que

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la richesse qui excède les besoins n'apporte rien de plus au bonheur des êtres humains.

Cet amour excessif des biens de ce monde ne peut être l'objectif principal des besoins spirituels et la voie de son assouvissement. La cause principale de la plupart des troubles psychologiques des gens réside dans le penchant excessif vers la quête de biens terrestres, à l'inverse du concept du besoin spirituel véritable et de sa réalisation.

Il est évident que nous ne pouvons attendre de résultats probants et convaincants d'objectifs inadéquats. La douleur et l'angoisse psychologique sont, de fait, le résultat logique d'un choix d'objectifs déraisonnables et inadéquats. En conséquence, nous voyons beaucoup de personnes riches qui ont perdu les valeurs morales et c'est ainsi qu'elles ne ressentent pas d'honneur, mais se voient plutôt submergées par les tempêtes de la vie, sans défense et sans espoir. Et c'est alors qu'elles se rendent compte que la richesse qui dépasse les besoins ne peut, en aucun cas, contribuer au bonheur de l'être humain.

L'honneur est un sentiment grisant qui émerge du plus profond de l'être et se reflète en toute chose. Celui qui est digne sera honoré par sa communauté. Il est vrai que beaucoup de gens espèrent atteindre les plus grands honneurs et briller comme des étoiles au firmament de la société, de même qu'ils voudraient éblouir les autres par leur réussite, ne se contentant pas que les gens connaissent bien leur nom, mais voulant que leur image soit gravée dans leurs cœurs. Cependant, cet objectif ne reste accessible

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que si l'homme s'astreint à une vision réaliste et qu'il fonde son existence sur l'honneur véritable.

Un savant occidentaliste disait:

« La richesse ne s'exprime pas en dinars ou en dirhams, beaucoup de gens ont peu de ressources, mais si nous faisions attention nous verrions qu'il faudrait les compter parmi les gens les plus riches.

« L'honneur et la dignité, comme toutes les qualités humaines, sont une richesse morale qui est hors de portée des voleurs et des malfaiteurs. Combien de gens pauvres, mais dignes et honorables, sont un exemple pour les personnes riches! Car, sachant que la richesse peut être obtenue par le travail et la persévérance, en est-il de même pour la dignité et l'honneur? Non. Cela est chose impossible à acquérir. Ces qualités n'ont pas de prix.

« Je ne sais pas pourquoi les gens se sont éloignés de la vérité pour faire ostentation de leur richesse, à telle enseigne que pour l'acquérir, ils sont prêts à vendre leur âme avec empressement, comme s'ils n'avaient peur de rien. Ils perdent alors leur santé physique et la sérénité de leur esprit et passent le plus clair de leur temps en torture et en souffrance. Tout cela pour devenir riches. Il est regrettable que les monceaux d'or n'aient pas plus de valeur qu'une seule minute de l'existence d'un homme.

« Oui, les gens croient que la richesse est la voie du bonheur et qu'ils parviennent à la félicité par la fortune dont ils jouiront éternellement. Ces gens ne savent pas qu'ils ne peuvent acheter le bonheur avec de

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l'argent. Plus ces malheureux amassent de richesses, plus ils s'éloignent de la vérité. Ainsi, ils perdront leurs âmes dans ces voies tortueuses et annihileront leurs esprits, leurs sentiments et leurs qualités, alors que le vrai bonheur ne nécessite ni argent ni richesse, mais plutôt des choses qui passent inaperçues aux yeux de la plupart des gens, au point où nous ne trouvons plus parmi eux des hommes en quête du bonheur, quelqu'un qui recherche ces choses perdues ». Lorsqu'Alexandre le Grand fut choisi pour commander les armées grecques qui devaient conquérir l'Iran, tous les gens accoururent pour le féliciter, sauf le philosophe athénien Diogène qui vivait en Corinthe. Ce fut Alexandre qui se rendit chez lui.

Diogène était alors étendu au soleil et parmi les qualités dominantes qui faisaient sa célébrité et que lui-même prônait: la fierté de l'âme et l'indépendance de l'esprit l'emportaient sur les autres.

Apercevant un groupe de gens qui venaient vers lui, il se souleva et s'aperçut qu'Alexandre le Grand se dirigeât dans sa direction, avec une allure majestueuse et en grandes pompes. Diogène ne lui accorda pas plus d'attention qu'aux autres et ne se départit pas de son calme. Alexandre le salue respectueusement et dignement puis lui dit: « Dis-nous si tu as besoin de quelque chose que je puisse satisfaire ».

Diogène dit alors: « Je recevais la lumière du soleil et toi tu m'as fait de l'ombre. Alors, s'il te plait, écarte-toi ».

Les compagnons d'Alexandre crurent que c'étaient là les paroles d'un fou et se dirent: certes, c'est un homme ignorant

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qui ne sait pas saisir la chance qui s'offre à lui. Cependant, Alexandre comprit Sa médiocrité par rapport à la fierté de Diogène et à son indépendance d'esprit. Il médita et, sur le chemin du retour, entendant ses compagnons critiquer Diogène, il leur dit: « En vérité, si je n'étais pas Alexandre, j'aurais aimé être Diogène ».

En chaque lieu et à chaque époque, il est des gens qui aiment être sous la lumière du soleil et ne supportent pas que d'autres les surpassent en rang ou en position sociale, car leur esprit et leur âme sont faibles et ils ne se réfèrent pas aux valeurs réelles, voulant toujours qu'à côté des grands de ce monde leur personnalité apparaisse sinon supérieure, du moins égale. Cependant, du fait qu'ils ne possèdent pas ce qui fait la grandeur réelle, ils tentent de s'opposer aux gens de marque et à leur faire obstacle, sans pouvoir nuire en rien à leur rang et à leur réputation, et ce quels que soient les moyens utilisés. Car les gens d'honneur et d'esprit constituent le bien-fonds de l'humanité. Ils dépassent les frontières spatiales et temporelles, gravent leur empreinte dans les esprits et jouent un rôle appréciable et indéniable. Plus encore, cette lumière qui est en eux illuminera les siècles et les millénaires à venir:

Nous pouvons nous appuyer sur la quête de la dignité pour corriger les errements de l'âme et limiter ses mauvais penchants. Il est possible qu'un individu ne soit pas d'une grande probité morale et même qu'il ait

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tendance à s'égarer. Cependant, à partir du moment où il tient à sa dignité et à son honneur, il est possible qu'il tente d'éviter de se souiller par des actions répréhensibles. Ce capital inné chez l'être humain le pousse à ne pas déchoir par des actions qui transgressent l'honorabilité et la dignité humaines.

Le concept de dignité en Islam

Tout le monde peut s'élever au-dessus de la condition animale et se rapprocher du niveau humain. L'espoir de parvenir à la plénitude est un espoir qui germe dans la conscience de l'individu. Cette idée, profondément ancrée dans son esprit, nécessite cependant des soins et de l'attention. À l'inverse, nul besoin, pour emprunter les voies de la décadence, de lui passer une corde au cou pour qu'il laisse transparaître ses plus vils instincts.

La cohésion qu'a instaurée l'Islam entre les éléments internes et externes, au niveau de la plénitude de l'âme, est devenue source de bien de réussites pour l'homme. Ainsi, nombre de grandes figures de l'histoire ont puisé à cette source et, par des efforts conséquents et soutenus, elles ont atteint le plus haut niveau de l'humanisme.

La position de chaque être humain, en Islam, est étroitement liée à l'acquisition des grandes qualités sans lesquelles il ne mériterait pas le qualificatif d'homme. L'Islam ne connait d'autre valeur de référence que celle de la piété et de la foi pour juger de l'honneur et de la dignité des hommes.

Le Prophète de l'Islam (que le salut soit sur lui) disait:

« Que celui qui désire être le plus digne des hommes craigne Dieu ».

Le Calife

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Ali (que le salut soit sur lui) disait lui:

« Nulle dignité plus digne que la piété ».

L'homme de foi connaît la valeur profonde de la piété lorsqu'il est pénétré par ses lumières. En vertu de cette culture et de cette vision globale, il ne cherche pas la dignité et la plénitude dans le pouvoir, la richesse, les alliances ou l'appartenance ethnique, mais mesure la dignité de la personne à l'aune de la foi et de la piété qui confèrent le vrai pouvoir d'influer sur la vie de manière radicale. Et du fait qu'il a emmagasiné en lui des vertus et des qualités grâce à la piété, il ne peut montrer, par fierté, de la considération pour ces gens qui manquent de dignité et évite, autant que possible, de s'humilier ou de se soumettre à eux, car l'humiliation et la soumission ne sont de mise que devant Dieu, notre Créateur et le Créateur de toutes les espèces vivantes. Ainsi, la soumission au Tout Puissant, l'Unique, est le plus grand capital que l'on puisse posséder, celui de la dignité et de l'honneur véritables.

Cette ascension et cette dignité qu'acquiert le croyant par le lien qu'il établit avec le plus grand Principe de ce monde l'accompagneront durant les différentes étapes de son existence.

Les lumières de la piété et de la conscience pure sont d'une clarté telle qu'elles illuminent les qualités et les vertus du croyant, de sorte que ses semblables ressentent que la conscience de cet homme pieux renferme une vérité inébranlable qui détermine son attitude

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et son comportement.

Cette force dynamique contenue dans la conscience de l'homme pieux le maintien attentif aux réalités et l'empêche de sombrer dans un univers matérialiste durant son existence, car son âme et son cœur se sont abreuvés à la source des principes qu'enseigne l'Islam et qui font que le croyant jette sur toute chose un regard religieux. Pour lui, les valeurs trompeuses n'influent pas sur son jugement, car il se fonde sur les valeurs vraies qui le maintiennent hors de portée des viles tendances et lui permettent de franchir les obstacles de la vie sans difficulté.

C'est ainsi que le croyant fait preuve, à l'égard des choses attrayantes et des illusions trompeuses, d'une attitude courageuse et audacieuse du fait qu'il a parfaitement compris que quelle que soit la position qu'il pense avoir atteint et quel que soit l'honneur qu'elle lui confère, il n'y a pas plus humble que lui devant Dieu et que bien qu'il soit riche et heureux, il est appelé inéluctablement à disparaître un jour. Le Coran rapporte, à cet égard: « Et ne dirige point tes yeux vers ce dont Nous avons donné jouissance temporaire à certains couples, comme la fleur de la vie présente, afin de les tenter. L'attribution de Dieu, cependant, est meilleure et plus durable ».

L'Islam, religion glorieuse, accorde aux musulmans une dignité et une valeur qui viennent tout de suite après la dignité de Dieu et de Son Prophète, comme il est dit dans le Coran: « Alors qu'à Dieu la puissance et à Son Messager et

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aux croyants! ».

L'éloignement du mépris et de l'avilissement

Il nous est parvenu, au sujet de la dignité, de la valeur de l'âme, de ses mœurs et de sa sociabilité, beaucoup de récits rapportés par les saints Imams qui ont donné, eux-mêmes, d'illustres exemples en la matière. Le Prophète (que le salut soit sur lui) rappelle aux gens la réalité à propos de la dignité par une courte phrase:

« La richesse ne vient pas de la multitude des biens, mais de la liberté d'esprit ».

Le fils du Calife Ali, Hossein, fut questionné:

« Qu'est-ce qui rend l'homme digne? Il répondit: Son indépendance vis-à-vis des gens ».

Lucrus disait:

« Imaginez un instant le plus riche des hommes dans son lit, malade, puis imaginez son état et patientez jusqu'à ce que sa fièvre atteigne une température extrême qui ferait fondre le corps. Ensuite, versez sur lui un quintal d'or et d'argent ou plutôt transportez-le de son matelas de duvet sur un matelas de soie. Si cette richesse et ce luxe pouvaient remédier à son mal, vous pourriez alors prétendre que l'argent apporte le bonheur. Mais, à partir du moment où cette richesse ne peut influer sur la santé physique, alors comment pourrait-elle le mener vers le bonheur et le dynamisme? »

Le Docteur Marden écrivait:

« Si notre bonheur dépendait des besoins matériels, il ne tarderait pas à nous quitter, car le monde matériel se transforme et disparait tôt ou tard, de même que ses bienfaits qui, tel l'éclair, font illusion l'espace d'une seconde ou tel le feu qui brûle et s'éteint de lui-même. Il est donc évident que le bonheur

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ne peut se réaliser par un bien-être bref et illusoire.

« Celui qui croit trouver la paix et la quiétude dans les biens matériels ressemble à quelqu'un qui s'est endormi sur un énorme amas de neige qui ne tardera pas à fondre au soleil, éveillant le dormeur dans un milieu trouble et instable.

« La richesse est un moyen pour satisfaire certaines envies, mais elle n'est pas le fondement du bonheur. Ce qui nous réjouit le plus c'est la quiétude de l'âme qui ne demande aucun bien matériel. Ne croyez pas que nous dénigrons l'argent, car si celui-ci était lié à la droiture d'esprit et du comportement, il serait un élément de la paix spirituelle.

« Cependant, il est clair que si nous nous acharnons à rechercher les biens matériels, notre équilibre en serait ébranlé. Nous serions très vite en proie à la jalousie, à la haine et à la colère. La sobriété dans la quête des richesses est une des clefs du bonheur et de la félicité et nous devons être continuellement attentifs pour ne pas verser dans un excès qui nous serait fatal.

« Les textes religieux rapportent que les criminels, le jour du Jugement Dernier, passent par un chemin plus brûlant que l'enfer, plus tranchant qu'une lame et plus étroit qu'un cheveu. Le chemin de la vie est un modèle de ce chemin et si nous nous laissions aller pour un instant, nous dévierions de la voie. Ainsi, si nous abandonnons la prudence, le risque serait grand sur ce chemin si tranchant, si brûlant et

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si étroit pour celui qui se montrerait inattentif.

« Si vous voulez être heureux, ne soyez pas comme ce feu qui se consume et dévore tout sur son passage, car le bonheur ne s'accommode pas avec la prudence et l'envie. La nature, tel un océan en furie, n'accorde pas la paix à celui qui la convoite en restant à l'abri des tempêtes ».

Parmi les plus importantes obligations du musulman qui désire préserver ses intérêts et se libérer du joug des cadres étroits, il faut noter celle qui consiste pour lui à éviter qu'il fasse l'objet d'humiliation et de mépris. Les dirigeants musulmans ont appelé les gens à s'écarter des viles tentations qui s'opposent aux intérêts du vrai musulman. Al-Hassan Al-Askari, le 11e Imam, disait:

« Quelle honte pour le musulman d'avoir une envie vile ».

L'homme ne doit pas s'attacher à des envies déraisonnables ou démesurées, indignes de lui, ou bien soumettre sa volonté à ses penchants et ses tentations, car cela conduit à la décadence de l'esprit et à sa paralysie, de sorte que les sentiments et les sensations soient sous la domination de choses sans valeur.

La Calife Ali (qui le salut soit sur lui) disait:

« Gagnez en valeur en vous détournant des choses viles ».

Certains individus sont partisans de l'utilitarisme à un point tel qu'ils perdent leur honneur en cherchant à atteindre des objectifs purement matériels et qu'ils s'humilient et s'avilissent pour cela. Cette quête du profit devient chez eux, dans leurs rapports avec autrui, un pseudo besoin spirituel qui les amène à faire appel à des

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subterfuges dans leurs comportements avec leurs semblables. Avec un zèle forcé, ils font montre d'un respect et d'une gratitude déplacés qui ne sont, en fait, que l'expression de leur humiliation et de leur avilissement. Leur comportement n'est qu'une réaction reflétant ce que cache leur conscience, c'est-à-dire la souillure et l'avilissement de leur âme.

L'lmam Ali (que le salut soit sur lui) a dit:

« Une heure d'indignité ne sera pas effacée par toutes les distinctions de l'existence ».

Emerson écrivait:

« Les gens d'expérience savent qu'ils doivent payer pour chaque “valeur” sociale ou réalisation un certain prix ou sinon il leur faudra, pour avoir tardé à le faire, la payer au prix fort, car c'est une dette pour tous les membres de la société. Dirons-nous: il a profité du concours des prières de milliers d'entre eux, mais ne veut pas les en remercier? Peut-on dire de celui qui a longtemps profité des emprunts d'argent auprès de ses voisins qu'il en a réellement tiré profit? Tous les bienfaits doivent être payés en retour par de la gratitude et de la reconnaissance, car tout rapport de ce genre doit laisser sa trace dans l'esprit des parties concernées, qu'il soit suivi d'un autre tout aussi bénéfique et qui transforme leur comportement selon le nouveau contexte. Celui qui emprunte la voiture de son voisin pour voyager devrait, s'il avait un jugement plus réaliste, voir plutôt tous ses membres se briser que de ressentir de la honte de l'emprunt. En vérité, la position de quémandeur est très inconfortable pour quelqu'un qui a

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de la fierté. C'est le plus lourd tribut à payer ».

La richesse de l'âme

La richesse de l'âme et la fierté sont le lot de ceux qui ont conscience de leur primauté. Ainsi, le bon musulman, respectueux des préceptes et valeurs de l'Islam, endure avec patience l'état de gêne financière et continue à vivre normalement sans être la proie de l'humiliation et du mépris.

Bien que l'Islam a, plusieurs fois, incité l'homme à l'activité et au dynamisme pour gagner sa vie, dans l'honneur et la dignité, il n'a pas manqué de mettre en garde contre la recherche de la surabondance des biens qui les mènerait à être l'esclave de ce monde, de même que la soumission et la dépendance à l'égard d'autrui et la recherche immodérée des biens de ce monde sont les deux aspects qui conduisent à l'avilissement et au déshonneur.

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait, à propos de l'avilissement et du mépris:

« Quémander affaiblit la langue de celui qui parle, sape la volonté du courageux, met l'homme libre dans la situation de l'esclave, lui fait perdre la face et le prive de biens ».

Il ajoutait:

« Combien sont riches des pauvres et pauvres des riches ».

Et aussi:

« Parfois la richesse est plus humiliante que la pauvreté ».

Il est dit dans le Coran: « (...) que l'ignorant croit au large parce qu'ils évitent de mendier, tu les reconnaîtras à leur air, et qui, à mendier, n'importunent personne ».

L'Islam considère la reconnaissance et la gratitude comme des qualités louables et éminentes, mais prévient l'homme contre tout excès qui le mènerait

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à être vil et soumis. L'honneur se mérite par la reconnaissance que nous portent nos semblables. Il ne convient donc, à aucun musulman, de souiller son âme par la flagornerie qui est contraire à l'honneur et à l'indépendance d'esprit des croyants.

Ainsi, la condition essentielle dans la reconnaissance et la gratitude que nous témoignons aux autres est la paix de l'âme et l'indépendance d'esprit de l'homme qui ne soient montrées de la gratitude et de la reconnaissance à autrui que lorsqu'elles sont sincères et profondément ressenties.

Cependant, il existe des gens qui ont une faiblesse d'esprit et de mœurs, qui cherchent à cacher leur indignité, leur bassesse et leur inconsistance par une flagornerie vile et méprisable. Nul doute que cette attitude qui est une réaction de la faiblesse de caractère et l'indice d'une incapacité et d'un sentiment d'indignité est à l'opposé de la valeur morale ou pédagogique.

L'lmam Ali (que le salut soit sur lui) a dit, de manière très concise, que la gratitude mêlée à de la flagornerie a un double effet: d'un côté, elle porte atteinte à la dignité humaine du flagorneur et, d'un autre côté, elle rend la personne courtisée imbue d'elle-même et hautaine. Il disait donc:

« L'excès de louanges devient flagornerie qui mène au plaisir et affaiblit l'esprit ».

Les gens qui possèdent des âmes dignes, quels que soient leur renom et leur rang social, gardent leur personnalité, tandis que ceux qui n'ont pas le respect de soi, lorsqu'ils atteignent une certaine position sociale, perdent tout sens des valeurs.

Ce point a été

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soulevé par l'Imam Ali (que le salut soit sur lui) dans une courte phrase qui dit:

« Les gens dignes ne sont pas obnubilés par les positions acquises, quelles que soient ces positions; ils sont tels des montagnes que les vents n'affectent point, tandis que les gens vils sont aveuglés par la réussite sociale. Ils sont la poussière qu'une petite brise suffit à balayer ».

La vision futuriste

Chacun soit réfléchir et envisager les conséquences de tout acte à entreprendre ou ne soit entreprendre d'action qui touche à la dignité et à l'honneur de sa personne ou de celle des autres. Ceux sont l'esprit s'est affaibli et dont l'âme s'est obscurcie se soumettent à toutes les formes d'esclavage et d'avilissement dans le but de réaliser leurs vils objectifs. Pour cela, ils ne rechignent pas devant la tâche et n'hésitent pas à fournir les efforts nécessaires dans leur action, quelle qu'elle soit. Une telle entreprise convient-elle aux gens d'honneur?

« Un homme visita le Prophète (que le salut soit sur lui) et lui dit: « Ô, toi le Messager de Dieu, conseille-moi ». Le Prophète lui dit alors: « Suivras-tu le conseil que je te donnerai? » Puis, il répéta trois fois cette question et, à chaque fois, la réponse de l'homme était: « Oui, Ô Messager de Dieu ». Le Prophète lui dit ensuite: « Je te conseille si tu entreprends quelque chose d'en évaluer les conséquences. Si celles-ci sont bonnes, alors poursuis ton œuvre; mais si elles sont mauvaises, arrête-toi ».

Un savant occidental écrivait:

« Nous devons, avant de commencer une œuvre, nous intéresser à ce qu'elle laisse

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apparaître et à ce qu'elle cache, comme nous devons mesurer le meilleur et le pire dans toute chose. Est-ce que l'objectif, par exemple, mérite tous ces sacrifices ou non? Si les idées et les conceptions sont différentes, que chacun croit que ses objectifs et ses buts sont les plus nobles, les plus élevés et les plus méritoires, comparés à ceux de ses semblables et à leurs buts! Comme disait Marcus: « L'araignée se réjouit de la capture de la mouche comme le chasseur de celle du daim ou du lion ». Donc, chacun de nous a sa propre vision et se fait sa propre opinion des choses.

« La célébrité doit être méritée, sinon elle serait éphémère. Dans l'histoire de nos ancêtres, il y eut des gens connus pour leur cruauté et leur malveillance, tout comme le soleil est connu pour sa lumière et le feu pour sa chaleur. Mais ces gens n'ont-ils pas plutôt une célébrité due aux malédictions que leur profèrent les gens?

« Les grands personnages qui ont passé leur existence dans l'espoir de faire régner la justice, la vertu et l'esprit civilisateur vivront éternellement, sans que le temps ne puisse dénaturer leurs œuvres. Ces personnes s'élèvent, par leurs actions bienfaitrices, aux limites de l'espace et du temps. Leurs noms sont sur toutes les langues, à travers l'éternité, et leurs voix se font entendre quotidiennement.

« L'histoire n'a que faire des corps des célébrités, car c'est avec leurs esprits qu'elle les élève. Les hommes d'affaires ont un dynamisme qui atteint les pics des montagnes et

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qui apparait en toute chose; leurs esprits s'intéressent à tout. Ils ne connaissent ni fatigue ni désespoir et ne s'inquiètent pas des échecs qu'ils pourraient subir. De plus, ils ont des idées précises et connaissent bien la valeur des occasions et la manière d'en profiter ».

La vraie liberté

L'homme est la plus noble des créatures sur terre. Il est doté d'une volonté et d'une énergie positive et efficace qui lui permettent de se frayer un chemin vers la félicité, dans tous les domaines de l'existence.

Si l'homme dépense toute son énergie dans des activités qui ne visent que des objectifs vils et qu'il s'y consacre de manière exclusive, comment pourrait-il réaliser son humanité?

L'être humain doit, pour accéder aux plus hautes marches de la plénitude, éviter de se lier pour ne pas gêner cette accession. Le choix d'objectifs inadéquats et le désir de les réaliser épuisent les énergies de l'homme qui ne peut plus, dès lors, atteindre la plénitude. C'est ainsi que l'âme déchoit et glisse de plus en plus bas, au point où même lorsqu'elle rencontre des obstacles dans la vie, sur le chemin de l'indignité, elle persiste dans l'œuvre vile et basse et s'entête à réaliser ces noirs desseins.

L'esprit serein qui a atteint les plus hauts degrés de la conscience humaine dispose d'une liberté particulière. Celui qui accède à la vraie liberté ne peut se déshonorer ou humilier la dignité humaine. Au contraire, cet esprit sent que la vie a de nobles objectifs qui méritent d'être réalisés, tandis que les tentations, de quelque nature

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qu'elles soient, ne peuvent dominer cet homme ou le diriger, mais sont plutôt soumis à sa volonté et à son choix. En même temps, ses dispositions vives et dynamiques font leur travail et sont bénéfiques à tous les points de vue.

L'homme qui croit dans les grandes valeurs, avec un esprit pur, une volonté d'acier et de nobles objectifs, ne doit être estimé et jugé qu'au travers de ces valeurs. Plus sa volonté est grande, plus ils s’élèvent humainement, comme disait le Calife Ali (que le salut soit sur lut):

« Il convient à celui qui connaît la dignité d'âme de ne point la souiller dans la vie ».

Il disait également:

« Estime l'homme selon sa volonté ».

La réalisation des objectifs selon les capacités humaines

Dans le choix de ses objectifs, l'homme doit faire attention aux limites de ses capacités, à ses forces et à ses dispositions. Il doit éviter la présomption qui n'amène que privations et déceptions. Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) a attiré l'attention sur cette question en disant:

« Celui qui veut plus qu'il mérite, il mérite la privation ».

Ou bien:

« Celui qui veut ce qu'il ne mérite pas affrontera les privations ».

Parmi les causes de la privation, en psychologie, il est la présomption déplacée qui fait que les objectifs tracés ne sont pas équilibrés avec les dispositions personnelles. Les psychologues disent:

« Les causes de la privation se trouvent soit dans l'esprit des gens, soit dans les conditions, les contextes, l'environnement ou tous ces aspects réunis. Tandis que les raisons internes de la privation qui sont en rapport avec l'esprit de l'individu se sont,

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en fait, les capacités mentales et physiques et toutes les autres conditions intérieures qui contribuent à la formation des objectifs personnels.

« Les individus ont des capacités de résistance différentes. Beaucoup de gans ne peuvent dépasser les problèmes du fait d'un manque de dispositions et d'énergie. Nous trouverons les raisons de la privation dans le fait que l'individu a surestimé sa capacité à accomplir les objectifs qu'il s'était fixé. Par exemple, Ahmed est un jeune sportif qui participe à la plupart des jeux de son école, qui aurait pu avoir de nombreux amis et camarades s'il n'avait cru que les gens sous-estiment son importance et que toutes les médailles distribuées aux autres lui étaient ôtées sans raison de même qu'il croyait que les journaux ne publiaient pas sa photo pour cette même raison.

« Ce que croyait et qu'attendait Ahmed était, en réalité, au-dessus de ses forces et de sa capacité, et ce sentiment d'injustice qui le torturait n'était, en fait, que le reflet de son imagination. Cette attitude est observée chez beaucoup de gens, surtout les plus jeunes. Si nous observions plus attentivement les hommes, nous verrions qu'une multitude de personnes sont plus mécontentes de leur travail, de leurs prévisions et de leurs espérances plus que de leurs dispositions.

« Ceux qui attendent de la vie et en espèrent beaucoup ne sont pas des gens heureux. Si leurs capacités propres leur permettaient de réaliser leurs espoirs, celles-ci se réaliseraient réellement. Cependant, l'important est que leurs espoirs et leurs attentes sont, de loin supérieurs à leurs

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forces. On nous a appris que l'homme pouvait arriver à ce qu'il veut, mais sans nous dire que cela dépendait de nos capacités, de nos forces et de nos dispositions. Certes, il est nécessaire de persévérer en toute chose, sans que l'échec nous empêche de poursuivre nos efforts. Chacun doit œuvrer à réaliser ses objectifs, sans perdre de vue pour cela les limites de ses forces et de ses capacités individuelles ».

Le sentiment de déshonneur du fait des mauvaises actions

Parmi les situations qui touchent à la dignité de l'homme et le déséquilibre, il est celle de sentir souillé par les mauvaises actions. Celui qui dépasse les limites de la loi et salit ses mains par des actions déshonorantes et contraires à la vertu sent, en lui-même, de l'indignité et du mépris. Le blâme constant qui poursuit le pêcheur blesse sa personnalité et sa dignité de manière profonde. Tandis que ceux qui dominent leurs passions et contrôlent leurs tentations et qui préservent leurs âmes de tout méfait ou crime sont les gens dignes et sereins. Cependant, ces personnes sont, dans toutes les sociétés, la minorité comparée à une majorité d'individus qui, tout au long de leurs existences, s'orientent vers le vice et sont dominés par les ténèbres qui envahissent leurs esprits.

Tout comme il y a des traitements pour les maux du corps, il existe également des moyens pour traiter l'esprit s'il est troublé. L'Islam a, à cet égard, apporté des traitements à ces maladies de l'esprit et a ouvert la voie pour le retour aux vertus et au bonheur, à

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travers la pénitence à Dieu.

Les messagers et les envoyés de Dieu, qui ne sont pas accessibles aux éléments du mal durant leur vie, ont prêché aux gens le pardon du Créateur envers les fautifs, pour les sauver du désespoir et les libérer de ses effets psychologiques dévastateurs et de la pression qu'exerce l'inconscient; peut-être auront-ils du repentir pour leurs actes et s'excuseront-ils devant leur Seigneur. Cette pénitence se fera par l'abandon des vilénies, la tentative de réparer leurs erreurs, la volonté d'effacer les effets de leurs actions et ainsi se débarrasser du blâme de la conscience et de la pression de l'âme.

En réalité, le sentiment de souillure par les vilénies et les péchés qui relancent continuellement l'individu est pénible à supporter pour l'esprit. Le désespoir et l'abattement consécutifs à la peur de ne point être absouts et de ne pas pouvoir purifier la conscience sont des sentiments qui portent préjudice à l'esprit humain, que ce soit l'esprit d'un individu ou celui de toute une société.

Il est certain que l'homme qui a de la dignité et de l'honneur, dès lors qu'il commet un acte répréhensible ou un crime, par ignorance ou pour des raisons psychologiques, ou qu'il enfreint les commandements de Dieu, ressentira alors le poids de ses actes et s'empressera de faire pénitence. Le Coran rapporte que cette qualité est une de celles qui caractérisent les gens pieux: « Et pour ceux qui, s'ils ont commis quelques turpitudes ou prévariquais contre eux-mêmes, se souviennent de Dieu et demandent pardon de leurs

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péchés, et qui est-ce qui pardonne les péchés sinon Dieu? Et qui ne s'entête pas, en ce qu'ils ont fait alors qu'ils savent ».

Cependant, ceux d'entre les gens qui sont habitués à pécher sont ceux pour lesquels l'obscurité domine les cœurs et le mal les âmes et à qui le pardon sera refusé.

L'Émir des Croyants, Ali (que le salut soit sur lui) considère que la piété et la droiture sont les bases de la dignité et l'honneur humains:

« Celui qui se sent une âme digne ne s'humilie pas par les péchés ».

Il ajoutait:

« Si tu désires la dignité, recherche-la par l'obéissance ».

Al-Kulayni rapportait de l'Imam Bâqer disait:

« Par Dieu, nul n'échappera au péché que ceux qui le reconnaissent ».

Ainsi, la pénitence et la reconnaissance des erreurs commises devant le Seigneur apportent la tranquillité à l'esprit et renforcent l'âme dans sa lutte pour réparer ses péchés et faire le bien.

La grande faiblesse morale

L'une des grandes faiblesses morales de l'être humain consiste en ses plaintes continuelles contre le temps et contre les problèmes et les affres de l'existence. Par cette attitude, l'homme rabaisse sa valeur sociale; il méprise son moi et se montre indigne devant ses semblables.

Al-Karchi disait à son entourage, à propos des qualités d'lbn-Qays lbn-Rommâna: « J'entrai chez Abi-Abdellah pour me plaindre de ma situation et lui demander de prier pour moi. Il appela sa servante et lui dit: “Rapporte-moi la bourse que nous a remise Abou-Djaâfar”. Lorsqu'elle l'apporta, il me dit: “Ceci est une bourse contenant quatre cents dinars. Aide-toi avec”. J'ai dit alors: “Par Dieu, je ne voulais point

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cela, mais que tu pries pour moi”. Il répondit: “Je n'oublierai point de prier pour toi, mais ne dit pas aux gens ta situation pour qu'ils ne te méprisent pas” ».

Ali (qui le salut soit sur lui) a dit un jour:

« Celui qui dévoile son mal accepte l'humiliation ».

Quant à Guilt Brax, il disait:

« Pourquoi tant de gens ouvrent la discussion en parlant de leurs déboires et de leurs faiblesses, avec sérieux et résolution, alors que se taire leur serait plus profitable?

Peut-être, selon plusieurs indices, par erreur de calcul.

« Certains pensent qu'ils pourraient s'attirer la compréhension et l'intérêt d'autrui en exposant leurs difficultés. Cette attitude n'est que l'expression d'une démoralisation et d'un manque de confiance en soi qui se transforment ensuite en une maladie chronique. Le fait de dire: « Je suis anéanti. Je ne sais pas comment subvenir à mes fins de mois » est le signe du mépris de soi.

« Au-delà de l'attitude consistant à cacher ses faiblesses et ses douleurs qui, en soi, est positive, la discipline de l'esprit mène à une amélioration des mœurs. De même que la marmite qui bout dégage une vapeur puissante, la discipline d'esprit apport à l'individu une force supplémentaire et valorise sa dignité. Ainsi, l'enfant atrophié d'un membre qui ne s'en plaint pas, l'homme qui a subi un échec et garde le sourire... tous ces gens luttent contre les difficultés avec une force d'âme exemplaire et une attitude plus honorable que ceux qui ne maîtrisent pas leurs paroles et se plaignent tout le temps. Ces hommes au caractère ferme

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s'élèveront dans l'échelle sociale en proportion de leur constance et de leur foi ».

Chapitre 10: La Faiblesse D’Esprit du Vaniteux

La vanité et l'arrogance

La sphère d'influence de l'inconscient ou du subconscient est plus grande et aussi plus complexe que le domaine d'intervention du conscient. Les études faites en psychologie qui portent sur l'inconscient prouvent que les êtres humains ne perçoivent pas plus de % de l'activité de leur subconscient. Il existe plusieurs facteurs qui influencent l'existence de l'homme et le portent à entreprendre beaucoup de choses, sans qu'il en ait conscience.

Ainsi, la plupart du temps, il nous est impossible de lutter contre les ordres que nous dictent ces forces venant de plus profond de notre être.

Combien sont nombreux les mauvaises actions, les péchés et les habitudes néfastes qui, en fait, sont issus de l'activité de l'inconscient et qui sont aussi les témoins des contradictions internes de l'esprit. Il est possible que les motivations secrètes, dans le système psychique de l'individu, lui soient profitables ou nuisibles. Autrement dit: il est possible que les espoirs, les pensées et les motivations nés dans l'inconscient jouent un rôle constructif dans l'attitude de l'homme, en modulant ses actes et son comportement de manière positive ou, au contraire en lui étant néfastes.

Il arrive que l'homme puisse concevoir une idée qu'il accepte dans des conditions particulières, mais tout en reconnaissant que cette idée n'est pas réaliste; elle est en fait liée à son anxiété, à son trouble, à son calme ou à sa quiétude, à la maladie ou la santé d'esprit et d'âme. Elle se reflète

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dans les différentes formes d'actions de l'homme.

La société humaine compte nombre d'individus qui sont atteints par la vanité et l'arrogance. Ceci est une réalité indéniable. Lorsque le miroir du discernement se brise, l'homme devient vaniteux et irréaliste. Cette arrogance peut apparaître chez l'individu dès l'enfance. Avant que l'enfant atteigne l'âge de raison et d'entendement et qu'il puisse porter un jugement sur son avenir, l'environnement familial aura un effet déterminant sur son destin, sur son psychisme et sur sa vision du monde et, en conséquence, sur le possible développement de la vanité chez lui et du déviationnisme. S'il est trop choyé et ne possède pas la capacité de s'adapter à son environnement et à son entourage. Il deviendra un être introverti. En un mot, les différentes formes de comportement du milieu familial et social influent sur les enfants de manière imperceptible, de façon positive ou négative, constructive ou destructive.

Ainsi donc, ceux qui, le plus souvent, apparaissent les plus sains d'esprit sont, en réalité, soumis à des pressions psychologiques multiples qui ne sont que très faiblement perceptibles et qui semblent être de peu d'importance et sans grand intérêt, alors que ces signes sont peut-être l'expression d'une très grave atteinte psychologique. Il est généralement admis qu'une action surprenante entreprise par quelqu'un soit une violente réaction qui découle de forces internes qui dominent la volonté de l'individu et orientent son comportement dans l'existence.

Entreprendre toute action qui relève de l'habitude fait partie de la nature humaine. Les expériences ont démontré que lorsque l'homme sent monter

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en lui une profonde envie, sa force lui permet de faire taire toutes les autres envies et sentiments et de ne pas tenir compte des observations et des obligations.

L'individu vaniteux se forge un moule propre et un modèle idéal de comportement et de discours, propres à satisfaire son sentiment de domination, tout en tentant de mettre en harmonie ses sentiments avec ce modèle idéal. Il s'imagine que ses qualités sont tellement parfaites qu'il ne lui vient pas à l'esprit qu'elles puissent être critiquées. Quiconque tentera de lui faire remarquer ses défauts, en toute équité et bonne foi, sera violemment pris à partie et accusé de jalousie.

Ces manifestations douloureuses soulèvent dans l'esprit du vaniteux une véritable tempête. Il commence alors à déverser sa bile avec véhémence, rejetant les critiques et humiliant leurs auteurs et, par la même, calmer ses sentiments en ébullition.

Il existe une force symbolique dans l'inconscient qui pousse ce genre d'individus à tout faire pour prouver leur supériorité sur les autres. Pour cela, aucun effort ne leur semble vain. Ainsi, la plupart de leurs activités et de leurs actions sociales bénéfiques ne sont, en premier lieu, que l'expression d’une volonté de reconnaissance de leur qualité d'hommes dignes et capables et de leur soif de considération aux yeux des gens. C'est pour cela qu'ils ont toujours peur et qu'ils sont soumis à une pression intolérable de crainte que les autres n'aient pas pour eux cette reconnaissance qu'ils souhaitent.

Spinoza disait:

« La vanité est une joie qui naît d'un excès de la bonne

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opinion qu'a une personne d'elle-même. Le vaniteux tente, autant qu'il le peut, de développer cette idée. Pour cela, il apprécie la présence des parasites et des flagorneurs et déteste celle des gens de bonnes mœurs et de conduite irréprochable qui le voient tel qu'il est.

« La multiplicité des maux de la vanité nécessite une dépense de temps énorme, car le vaniteux s'affecte de tout sentiment. Tandis que les seuls sentiments qui ne le touchent jamais sont l'amour et la pitié.

« Lorsque l'on comprend ce point particulier, on comprendra mieux que le vaniteux soit jaloux par nécessité et qu'il soit le plus haineux des hommes envers ceux dont l'honorabilité est bien établie. De même, l'on comprend que son hostilité à leur égard ne se dissipera pas aisément par l'amour et l'amitié, mais que son bonheur ne se dissipera pas aisément par l'amour et l'amitié, mais que son bonheur ne se réalisera que par la flatterie de ceux qui encouragent sa faiblesse et l'entraînent dans le bourbier de l'idiotie et dans les marécages de la folie ».

La plupart des hommes issus des classes défavorisées de la société qui désirent parvenir aux plus hautes positions sont des vaniteux et des orgueilleux. Ils veulent ainsi se venger sur leur environnement du complexe d'infériorité et du peu d'estime de soi qu'ils ressentent. Une âme supérieure n'accepte pas de vivre une courte existence. Si l'objectif de l'homme est noble, son champ d'activité s'en trouvera élargi. Par contre, il est atteint par la paralysie et l'inactivité si ces mêmes objectifs

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ne sont pas à la hauteur de son humanité. C'est-à-dire que l'homme honorable est toujours actif dans son désir de se forger une personnalité, d'avoir des qualités réelles et pour avoir sa vraie place au sein de la société dans laquelle il existe.

Le rôle de la richesse dans le développement de la vanité

La richesse excessive est l'élément qui pousse l'homme à la vanité et à l'arrogance. Celui qui se trouve dominé par son « Moi » porte sur les pauvres un regard de mépris et d'orgueil et ne voit aucune utilité à leur existence, il les juge comme des parasites. Il ignore que la richesse ne se limite pas qu’à l'argent et à l'or amassés. Nombreux sont ceux qui vivent dans l'indigence matérielle, mais qui, au vu de leur capital moral et spirituel, sont les gens les plus fortunés. Il ne fait pas de doute, avec leurs qualités morales qu'ils sont les détenteurs de la vraie richesse. Cette vérité s'applique également aux nations, car se sont celles qui abritent les hommes heureux et les grands savants qui sont les mieux nanties.

La richesse matérielle ne peut donner le bonheur à l'homme. Au contraire, les richesses matérielles sont, le plus souvent, cause des malheurs des gens. L'argent devient, parfois, source des pires vices et des plus cruels malheurs. Il assombrit souvent le cœur de celui qui le possède.

La richesse matérielle est un moyen d'accès au bonheur et non une fin en soi. Nous pouvons donc dire que l'argent est une chaine de bronze aux multiples maillons, que le sage peut saisir et que l'ignorant,

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par contre, y succombe.

Certains pourraient s'imaginer qu'il est possible de s'assurer le repos et la sécurité par la surabondance de richesses, ignorant que plus l'homme amasse des biens plus il s'éloigne de son humanité profonde. Ainsi, l'individu perd, peu à peu, ses vertus dans le cheminement de l'erreur, car l'amour de l'argent pousse à la vanité et à rompre tout lien avec ses semblables par suffisance et ignorance.

Épictète disait:

« mes amis m'interrogent: pourquoi ne t'opposes-tu pas à la possession de l'argent pour que nous en ayons une part aussi? Je leur répondais: j'aimerai pouvoir combiner entre l'argent et la fidélité à votre amitié, c'est-à-dire être riche en même temps qu'être digne de votre amitié, mais je crains que la richesse ne me dépossède de votre compagnie. Nul doute que si votre ami demeurait les mains vides, mais loyales, cela serait mieux que d'avoir de l'argent et d'être vaniteux et orgueilleux. Alors pourquoi voulez-vous perdre un ami, me séparer et m'éloigner de vous? »

Le danger de la vanité scientifique

Parmi les étapes les plus cruciales qui jalonnent notre existence et notre quête de la perfection et qui peuvent amener l'homme à la vanité, il est celui qui consiste à acquérir du savoir. Cette acquisition apparaît à l'individu d'une importance telle qu'il s'imagine être plus savant et plus vertueux que quiconque. Le plus frappant est que la plupart de ceux qui sont atteints par la vanité du savoir et qui prétendent détenir la vérité sont souvent incultes et illettrés.

En fait, plus les connaissances de l’homme ne s’élargissent, plus son esprit

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prend conscience de son ignorance et de son imperfection. Celui qui par le savoir est convaincu de son ignorance est, en réalité, arrivé à la connaissance de soi. C'est pourquoi les vrais savants ne tombent pas facilement dans le piège de la vanité et des conceptions illusoires.

Il est des hommes dont le niveau scientifique et culturel est tout juste moyen et dont la valeur existentielle est peut être nulle, mais qui lorsqu'on parle des services et actions notables des autres et que quelqu'un en fasse l'éloge ont un sourire narquois et désapprobateur sur les lèvres, tandis que lorsqu'ils prennent eux-mêmes la parole pour discuter de leurs œuvres, si futiles soient-elles, deviennent intarissable et l'on croirait que nul autre n'est plus méritant qu'eux.

Un savant écrivait:

« Le fait est que nos connaissances par rapport à nos lacunes ne représentent qu'un faible pourcentage. Quel est l'objet que nous connaissons parfaitement et dont les avantages et les inconvénients nous sont clairs? Quels sont les plantes et les animaux dont nous avons une connaissance parfaite? Nous vivons au milieu de forces que nous ne maîtrisons pas, tandis que le voile sombre qui nous cachait, pendant des siècles, la connaissance des choses n'est toujours pas levé et nous restons dans la grande de la nature des enfants débutants qui voient beaucoup de choses, mais sans les comprendre.

« Le monde de la pensée est telle une mer qui parait calme à l'observateur se trouvant sur le rivage, alors que le naufragé se débat désespérément pour éviter la noyade. Nous

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sommes perpétuellement en quête de la vérité et nous voulons progresser sur le chemin du savoir. Cependant, au fur et à mesure, le chemin de notre progression nous fait découvrir des obstacles de plus en plus infranchissables.

« Pour employer une image, nos connaissances sont comme le rayon d'un cercle, tandis que nos lacunes en sont la circonférence. Plus ce rayon s'agrandit, plus la circonférence s'accroît davantage. Mais peut-être que nos enfants progresseront, à l'avenir, plus que nous ne l'avons fait nous-mêmes et qu'ils perceront certains des mystères de la création. Nous sommes, cependant, dans l'obligation, en dépit de notre vanité, de reconnaître que nous ne savons rien à cet égard et que le secret de la création nous échappe. Pourquoi nous éloignons-nous autant? Nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Nous ignorons qui nous sommes et quelle est notre relation à la nature. Certes, nous ne savons rien et c'est pour cela que nous sommes contraints de mettre sur toute chose qui nous échappe un point d'interrogation et que nous passons à autre chose ».

La première des conditions dans la recherche de la vérité et la compréhension des choses c'est que l'homme évite l'esprit de contradiction et la discussion futile en voulant utiliser les propos d'autrui, à seule fin de mener une rhétorique négative, car dans ce cas on ne cherche pas la vérité pour la vérité, mais plutôt pour faire montre de son habilité oratoire et de sa science à travers la discussion.

Pour parvenir à la connaissance de soi, nous devons d'abord

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découvrir la vérité ses choses, dans leurs aspects véritables, et y croire totalement. Ainsi, nous parviendrons à la réalité des choses, non pas par la critique injuste et acerbe, la fausse dialectique, mais en sachant que notre objectif principal de la recherche de la vérité c'est que ces choses que nous avons comprises dans leur aspect global sans en connaitre les éléments constitutifs, les qualités et défauts, doivent être prises hors de leur contexte et étudié isolément.

Une activité destructrice

Les effets néfastes de la vanité se répercuteront nécessairement dans la vie de l'individu et sur son milieu naturel, ce qui appelle à une plus grande attention pour lutter contre cette manifestation psychologique négative.

Si dans les discussions et les dialogues, les gens faisaient montre de moins de vanité et de suffisance, beaucoup de litiges et de conflits disparaitraient d'eux-mêmes. En effet, la majorité des disputes entre individus ou entre groupes sociaux ne sont dues souvent qu'à la vanité des hommes. Derrière le profit apparent qu'elle procure, les gens tombent dans des erreurs de jugement et de comportement qui leur sont aussi nuisibles qu'aux autres. Ainsi, ils ne pourront rien résoudre par l'entente et la logique parce que leur vanité aura toujours le dessus.

Le vaniteux peut avoir aussi d'autres défauts sur le plan social, tels la jalousie, l'égoïsme et la suspicion, qui domineront totalement son esprit. Il deviendra jaloux de tout autre que lui qui accomplirait une tâche louable. Ce sentiment l'emplira d'un esprit belliqueux. Tous ces objectifs seront axés autour de la destruction de

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son ennemi et sa défaite. À partir du moment où l'élément de destruction dominera ses actions, toutes ses forces physiques et morales seront annihilées et chaque fois que se présentera à elle une occasion pour nuire aux autres, il ta saisira avec une frénésie et une joie immenses. Du fait que les vaniteux sont dénués d'humilité et de générosité dans leurs rapports avec autrui. Il est compréhensible que les gens sensés évitent de les fréquenter, car la vanité et l'orgueil détruisent les amitiés les plus solides et les plus précieuses. Il est indéniable que lorsqu'on ne fait pas cas des sentiments et de l'intérêt de ses semblables, on suscite chez eux des ressentiments et de l'inimitié qui les inciteront à vouloir humilier l'humiliateur.

Le vaniteux ne se soucie que de lui-même et néglige les besoins et les justes intérêts de ses semblables. Cette attitude égocentrique conduit à un violent conflit entre les tendances et prétentions du vaniteux, son mépris et l'humiliation qu'il porte aux autres et que ceux-ci lui renvoient sous forme de négligence et de désintérêt à son égard.

Le comportement de l'homme vertueux, qui est en rapport étroit avec les mœurs profondes de l'être humain, n'a pas seulement un effet sur la vie des autres hommes, mais laisse également dans le cœur des gens un impact profond. Ceux qui ont une vision réaliste liée à des vertus et des qualités nobles voient dans leurs semblables, moins avantagés, des êtres humains à part entière. L'éducation et l'humilité réelles ne se réalisent

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que si l'homme est en harmonie avec sa propre nature, sinon cela ne serait qu'une tromperie de soi-même. Ainsi, la nature de chaque homme et sa manière de penser transparaissent à travers son comportement et cet indice ne peut être nullement dissimulé.

La « santé de l'âme »

La vie est activité et dynamisme. L'homme peut réussir dans ses tentatives de réaliser ses espoirs comme il peut échouer. Ceux qui réussissent dans l'existence peuvent devenir vaniteux et orgueilleux à l'issue d'un succès tout à fait limité, tandis que d'autres qui subissent l'échec et la défaite, dans certaines de leurs tentatives, parfois du fait de la malchance ou des entraves posées par des ennemis jaloux, peuvent se laisser aller au découragement, voire au désespoir.

L'échec, quelle que soit l'amertume ressentie, ne doit en aucune manière nous faire baisser les bras, et le succès, quel que soit le plaisir qu'il procure, ne soit nullement nous aveugler et nous remplir d'orgueil au point d'y perdre le sens des réalités et de la mesure.

Si, aux moments de fixer nos objectifs, nous privilégions la vision réaliste, nous ne pourrions que réaliser un résultat à mi-chemin entre la négligence et l'excès. Ainsi, la « santé de l'âme » est l'élément naturel que nous devons rechercher, à savoir un équilibre intérieur qui nous permettra de lutter efficacement contre nos tendances négatives.

Le psychisme de l'homme comme toute chose ne peut supporter des pressions illimitées; il a lui aussi un seuil critique de résistance. Il est possible que les pressions dues aux échecs, aux défaites et aux privations soient

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négligées dans l'inconscient puis, subissant des modifications, éclatent en fureur et destruction.

La difficulté de la connaissance de soi et l'ignorance des besoins de l'âme sont une réalité indéniable. Les ignorants croient se connaître mieux que quiconque. Ils pensent être au fait des motivations profondes qui les animent et maîtriser le processus de leurs pensées et de leur comportement.

La quête de la connaissance de soi est source de beaucoup d'erreurs, de malentendus et de jugements erronés. Cela est dû à ce que l'homme est dans l'ignorance des capacités qu'il recèle, de leur quantité et de leur utilisation, dons déposés par le Créateur en chacun d'entre nous. De même, il faut signaler le rôle que jouent l'hérédité, l'éducation et l'environnement dans la vie psychologique, sans oublier la domination qu'exercent les besoins et les désirs sur l'individu.

Les anciens philosophes insistaient sur la connaissance de soi parmi les choses ayant trait à l'homme. De même, à l'époque contemporaine, les principes de la connaissance de l'âme humaine sont un sujet d'intérêt central pour les psychothérapies. Cette époque contemporaine connaît des études très poussées sur la nature humaine et l'apparition d'une série de recherches dans le domaine de la psychologie de l'individu et des masses.

La culture des qualités et vertus de l'esprit nécessite que l'individu connaisse les besoins spirituels et psychologiques et le mode de fonctionnement du psychisme, de même qu'il sait les sentiments qui déclenchent les actions et les réactions de l'esprit. Il doit aussi avoir des connaissances des convulsions dues aux cheminements complexes de

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l'esprit pour pouvoir, à travers cela, faire le tri entre les désirs néfastes et les besoins et espoirs réalistes. Ceci afin d'avoir le contrôle de soi et ne pas nourrir des illusions et rêves trompeurs qui ne mènent nullement au bonheur.

Tous ceux qui sont atteints par des complexes et des maux de l'esprit, ou qui souffrent du désespoir sont, en réalité, des gens qui ignorent les capacités et énergies qu'ils recèlent et qui pourraient leur servir à combler le vide qui les habite. Il est donc nécessaire, pour ces gens, qu'ils cherchent à mieux se connaître ou se reconnaitre.

Tout obstacle empêchant l'homme de satisfaire ses désirs et de réaliser ses espoirs devient source de souffrance pour lui. Il est conduit alors à appréhender toute entrave matérielle ou morale qui lui barrerait le chemin de ses désirs et l'empêcherait de posséder à lui tout seul ce qu'il convoite. Ces obstacles et entraves font naître la jalousie et l'hostilité chez cet homme, car les désirs d'un instant et les tentations soudaines peuvent facilement fausser le jugement des gens et les induire en erreur.

C'est pour cette raison que le Prophète (que le salut soit sur lui) éveille l'attention des gens afin qu'ils évitent de se soumettre à leurs désirs en leur disant:

« Faites attention aux désirs, car ils aveuglent et rendent sourds ».

La négligence des défauts de l'âme

La vanité et la soif de domination empêchent généralement l'homme de percevoir ses faiblesses et d'admettre les limites de ses forces et de ses capacités. En fait, ce qui entrave sa liberté et

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retarde son développement moral c'est l'ignorance de ses carences et limites, de sorte qu'il est dans l'incapacité d'y apporter le remède nécessaire.

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« L'homme infatué de sa personne ne se rend pas compte de ses faiblesses et s'il connaissait les qualités des autres, ses propres faiblesses et défaillances lui apparaitraient au grand jour ».

Il ajoutait aussi:

« La suffisance est une preuve d'ignorance ».

Et également:

« La vanité détruit la raison ».

Le philosophe européen Spinoza écrivait:

« Celui qui s'ignore ignore ce qui fait la vertu et ne possède aucune qualité. L'action vertueuse est liée à la raison et celui qui agit avec raison est un homme vertueux. Ainsi, celui qui s'ignore et comme nous l'avons dit-ignore toutes les vertus ne peut œuvrer vertueusement, c'est-à-dire qu'il est atteint d'une carence ou d'une faiblesse de la raison. En conséquence, plus l'homme est vaniteux, plus l'entendement et la raison lui font défaut ».

Il est possible que certaines choses nous apparaissent comme des réalités établies alors qu'elles ne sont, en fait, qu'illusions. Par le raisonnement, nous pouvons parvenir à la vérité et l'isoler des illusions et des mythes. Ceux qui sont atteints de myopie peuvent avoir recours à la médecine, tandis que ceux qui sont atteints par une faiblesse de la raison ne peuvent compter que sur eux-mêmes en essayant d'avoir une meilleure connaissance de soi et de leurs capacités réelles, sans recourir au subterfuge.

Nombreux sont ceux qui dispersent leurs énergies spirituelles vainement, sans en profiter pour améliorer leur situation personnelle et sociale, n'ayant pas conscience

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de leur formidable potentiel énergétique. Ils ne réagissent que quand une occasion favorable s'offre à eux afin de prouver leur valeur. Combien d'énergies précieuses sont perdues du fait qu'elles sont peu ou pas estimées et utilisées.

Lorsque l'homme découvre ses faiblesses et ses tares, il les ignore ou les mésestime autant qu'il le peut, car il croit qu'elles font partie de son existence. Il est cependant naturel, dans tout examen introspectif, d'y consacrer l'énergie et le temps nécessaires.

S'imaginer pouvoir se connaître et connaître ses faiblesses et défauts, en un temps très court, c'est se leurrer et s'illusionner. L'étude de soi et la capacité à faire face à notre image réelle, si terrible soit-elle, nécessite un grand courage et un profond discernement, ce qui ne peut se faire que graduellement et sous un contrôle continu. Malgré cela, l'homme, dans la lutte contre les vices, réussit souvent à effectuer des transformations heureuses dans sa vie intérieure, grâce à sa faculté de réflexion et à sa volonté.

Comme disait le Calife Ali (que le salut soit sur lui):

« Celui qui cherche un défaut le trouve ».

L'amour-propre/L'égocentrisme

L'Islam a doté l'homme d'une multitude de moyens qui lui permettent de satisfaire ses besoins spirituels et pour tenter de dominer ses instincts et de les orienter par des enseignements riches, englobant tous les aspects de l'existence. Les restrictions qu'impose l'Islam pour tempérer les désirs et les orienter sont de nature à élever l'âme humaine et à parvenir à la connaissance de soi. C'est ainsi que les perceptions et les sentiments échappant

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au contrôle de la raison ne font pas que nuire à autrui, mais causent également des troubles et des bouleversements dans l'esprit et conduisent par là à la déchéance de l'homme et à sa perte.

L'amour propre est un facteur que l'on ne peut ignorer du fait de l'importance extraordinaire qu'il revêt dans la vie des gens. Lorsque cet amour de soi est orienté vers de nobles objectifs, il pousse l'homme à la vertu.

Il existe naturellement des différences entre l'amour propre, qui est respect et estime de soi-même, et l'égocentrisme qui est adoration aveugle de soi, une forme de narcissisme. Si l'amour-propre ne s'oppose pas à l'élévation de l'âme et à l'enrichissement de la personnalité, poussant même à la modestie et à l'altruisme, l'égocentrisme, par contre, réduit le champ de la pensée, appauvrit l'âme et affaiblit la personnalité. Il peut conduire à la vilénie et à la déchéance humaine.

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait à ce sujet:

« Les gens les plus nobles sont ceux qui craignent de devenir orgueilleux ».

Raco disait:

« L'adoration de soi c'est sacrifier autrui pour la satisfaction d'espoirs et de besoins personnels, tandis que la connaissance de soi est un des états spirituels qui surgissent du fait de la volonté de l'individu d'enrichir sa personnalité. L'adoration de soi est liée à une faiblesse chronique de la personnalité, tandis que la connaissance de soi est liée à la force de l'esprit.

« Si l'homme est capable de s'opposer à la volonté d'autrui, lorsque sa sécurité, son intégrité personnelle et son

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honneur sont en jeu, alors c'est qu'il a conscience de sa valeur et de l'estime pour soi.

« Cela ne signifie pas que l'on doive montrer aucun sentiment ou compréhension vis-à-vis de la faiblesse des autres, de leur malheur et de leur désespoir, mais il est conseillé plutôt de réserver ses forces pour les choses importantes et nécessaires au lieu de les gaspiller pour des futilités, à tort et à travers. La connaissance de soi ne signifie pas qu'il ne faille pas faire de sacrifices, mais qu'il y a lieu d'observer certaines règles. L'homme est naturellement prêt, et même heureux, de réjouir le cœur d'un ami ou de venir en aide aux nécessiteux.

Celui dont l'énergie est insuffisante pour faire face aux difficultés, qui ne peut maîtriser ses nerfs doit éviter les êtres faibles et rechercher la compagnie des êtres forts, autrement il éprouvera en lui-même une faiblesse qui s'étendra à tout son être et diminuera son courage. Il existe une échelle, simple et efficace, pour mesurer le niveau réel d'amour de soi et de prédisposition au sacrifice, c'est le fait d'entreprendre et d'agir pour soi-même ou pour autrui.

Nul doute que les individus d'une même nation qui tentent d'élargir leur personnalité auront remarqué qu'il existe un équilibre entre les activités et les énergies. Ainsi, rien n'est plus proche de l'équité que l'éducation spirituelle. La connaissance de soi cultive chez l'homme l'esprit de sacrifice, de loyauté et toutes les qualités éventuelles, issues de l'équilibre moral. »

L'Islam ne considère pas que l'amour de soi est un

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sentiment destructeur et passionnel. Il considère plutôt que celui qui est sous l'emprise absolue de ce sentiment, sans contrôle ni orientation, ébranlera par la même le fondement de son bonheur, ce qui le conduira à mener une existence terne et ennuyeuse.

L'Islam considère l'amour de soi, à condition qu'il soit modéré et qu'il soit loin de toute déviation et de toute influence néfaste sur l'entendement et la raison, comme l'un des éléments qui garantissent à l'homme, lorsqu’il s'égare, le bonheur ici-bas et dans l'au-delà. Le musulman qui accède à la vérité avec une pensée ouverte et une vision claire ne voudra, en aucun cas, échanger sa vie dans l'au-delà pour des plaisirs furtifs et, en tout état de cause, aux conséquences douloureuses. En définitive, l'amour de soi ne signifie pas qu'il faille se soumettre aux tentations et aux instincts vils qui condamnent l'homme à une éternité de tortures et de douleurs, car cet amour-là n'est pas compatible avec la valeur réelle de l'homme.

L'amour véritable et l'affection éternelle

L'Islam commence par déverser l'amour divin sur les âmes et les esprits des gens. Il recommande aux vrais croyants de privilégier l'amour du Créateur sur toute autre chose, car l'amour est au centre de la vie humaine. Dieu est l'Unique pourvoyeur de toutes les énergies et qualités que l'homme porte en lui. Par l'affection et l'intérêt qu'Il nous manifeste, nul autre n'est plus digne que lui de notre dévotion et de notre amour. Cette vérité nous apparait dans toute sa dimension lorsque nous nous penchons sur les différents niveaux

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de l'amour', de l'amour passager et instable à l'amour vrai et éternel.

Après l'amour de Dieu, il est celui que le Créateur a insufflé chez nous pour nos semblables. Ceux que Dieu a créés d'une « même âme » doivent s'aimer les uns les autres et partager des sentiments nobles, car ils sont frères non seulement du fait de leur origine et des intérêts qu'ils partagent, mais ils sont frères en Islam. Cet Islam qui rappelle la vérité de cette parenté qui frappe la conscience et l'âme et pousse les hommes à s'aimer véritablement, à s'aimer profondément. Ainsi, l'Islam a fait place, dans l'esprit du croyant, à un amour de soi équilibré et harmonieux qui mène à se libérer des liens de la vanité et de l'arrogance, sans excès ni abus.

La grandeur est un attribut exclusif de Dieu qui n'est jamais dans le besoin, mais que toutes les créatures sollicitent: « Ô vous les hommes, vous êtes les pauvres envers Dieu et Dieu est le Riche et le Clément ».

La vanité et l'orgueil représentent une déviation par rapport aux desseins divins. Le Coran éveille l'attention du vaniteux en lui montrant sa faiblesse, le mettant en garde contre l'arrogance et les illusions trompeuses et dangereuses: « Et ne foule pas la terre avec orgueil: non, tu ne sauras jamais déchirer la terre et tu ne pourras jamais être haut comme la montagne ».

Le sentiment de supériorité

Le sentiment de supériorité, chez le musulman, ne se mesure pas à sa réussite ici-bas et au temps passé dans la quiétude et la sérénité, mais

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c'est plutôt un sentiment de dignité et de vertu ressenti dès l'instant où la foi s'installe dans son cœur. En fait, les valeurs humaines trompeuses ne l'ébranlent pas, car il est attentif à la réalité de l'existence et son esprit libre et clairvoyant est doté d'un équilibre mental qui lui permet de s'élever du niveau des sens au niveau de l'esprit et de ne point s'adonner corps et âme aux plaisirs du monde terrestre.

Les valeurs fausses et trompeuses ne peuvent détourner l'esprit et la raison du croyant des valeurs divines, car les premières sont si méprisables et viles qu'elles ne peuvent le pousser qu'à la vanité et l'orgueil, de même qu'il n'est pas à ce point vil et faible qu'on pourrait le croire. Le croyant évite toute soumission qui l'humilierait et porterait atteinte à sa personnalité aux yeux d'autrui. Il n'est soumis qu'à Dieu seul et il se comporte en toute chose avec droiture et honneur.

Dieu Tout Puissant invite les croyants à conserver la foi en toute circonstance et en tout lieu: « Ne faiblissez pas, ne vous affligez pas. Vous serez les très hauts, si vous êtes croyants ».

Le Coran rappelle également cette vertu lorsque les croyants subirent la défaite de la bataille d'Ouhoud devant les infidèles de Qoreich, leurs vainqueurs, car la grandeur trouve sa source dans la foi en Dieu et dans le principe existentiel qui les a dotés de cette force et de ce dynamisme. Ce n'est pas la grandeur consécutive à leur victoire sur leurs ennemis et

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qui disparait immédiatement après.

Les croyants surpassaient tous les hommes parce qu'ils étaient convaincus que la foi en Dieu était la plus importante qualité et la garantie de gagner l'au-delà après une vie terrestre bien remplie. Leur conviction religieuse leur permettait de se sentir libres de toute entrave ou restriction, leur action étant fidèle aux orientations du Coran et à la conduite du Prophète de l'Islam.

La vanité et la suffisance sont des obstacles sur la voie du progrès et de l'accomplissement de soi et empêchent toute avancée dans la vie. La souffrance du vaniteux et son autosatisfaction le conduisent à l'immobilisme et à l'inaction, ou pire même, à la régression. À l'inverse, l'autocritique, alliée à un dynamisme soutenu, mène au progrès et à la perfection de l'être humain.

Certaines phrases concernant ce point ont été rapportées du Calife Ali (que le salut soit sur lui):

« La fatuité empêche de progresser ».

« Celui qui s'enorgueillit de son bon état ne peut améliorer sa situation ».

Le chercheur renommé William John Riley a dit:

« Je suis parvenu à ce résultat: qu'il est dans mon cerveau des idées nocives m'occasionnant plus de douleurs et de tristesse que l'opinion d'autrui. Ce sont ces idées qui sont liées à mon moi. Comment vous soumettre ce sujet? Bien. Permettez-moi de vous dire l'opinion que j'ai de ma voix: la seule chose dont j'étais certain c'est que j'avais une belle voix, jusqu'à ce qu'un jour je pris une bande enregistrée de celle-ci pour un reportage à présenter à la radio et l'ai écouté comme

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tous les auditeurs. C'était alors la première fois que j'écoutais ma voix. Que Dieu vous garde de tout malheur! Je fus étonné et abasourdi; ma voix était plus faible que je croyais. Elle était comme une plainte sourde, hachée et sans harmonie, sans autorité ni inflexion; elle écorchait les oreilles. Ce qui ajoutait à ma douleur c'était la présence, dans la chambre, d'un certain nombre de personnes. J'en fus navré et leur présentait mes excuses en leur affirmant que lorsque j'avais présent ce discours, j'étais mal à l'aise et que lorsqu'on enregistra ma voix je ne connaissais alors rien de l'art de la radiophonie et de l'enregistrement.

« Encore une fois, et sans me prévenir, ils émirent d'autres bandes sonores de ma voix, toujours aussi désagréable, qui perçait les oreilles et déchirait les cœurs. Ainsi, après avoir entendu un certain nombre de bandes enregistrées de ma voix, j'ai dû admettre que je m'étais trompé en croyant avoir une belle voix. Pour la première fois, j'ai mis de côté l'autosatisfaction que j'entretenais à l'égard de ma voix et j'ai travaillé à l'amélioration de celle-ci. Je le fais encore.

« Cette expérience de ma voix m'a appris quelque chose, c'est que l'amélioration que nous voulons pour nous-mêmes nous demande beaucoup de réflexion. Et si je n'avais pas admis cette défaillance, je n'aurais certainement pas pu commencer à y remédier et tenté ma propre amélioration. »

« La lutte contre la vanité mensongère et l'autosatisfaction aide l'homme à avoir une vision plus réaliste et plus véridique et mène au progrès

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et au développement. Ce n'est que lorsque nous nous attachons aux vérités et détournons nos esprits des pensées illusoires que nous parvenons à réaliser des actions bénéfiques et positives. Autrement nous resterons dans l'obscurité et l'ignorance et nous jugulons notre esprit dans sa quête de progrès et de lendemains meilleurs ».

Le vaniteux est cette personne dont la vision est troublée et qui, par une sorte de compensation, s'attribue des qualités qu'elle ne possède pas. Le lmam Al-Sâdiq (que le salut soit sur lui) disait:

« Celui qui est satisfait de lui-même et de ses actions a perdu la voie de la raison et se prend pour ce qu'il n'est pas ».

Le vaniteux qui adore son moi ressemble au ver de soie prisonnier des fils qu'il a tissés autour de lui-même. Il est ivre d'orgueil et de suffisance parce qu'il s'imagine être un modèle inimitable. Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« L'ivresse de la vanité est plus grave que l'ivresse du vin ».

Chapitre 11: Les Spécificités de L’Acte Volontaire

Les hommes qui ont marqué le cours de l'histoire

À travers l'histoire sont apparus des hommes peu communs qui sont sortis de l'obscurité qui a marqué l'humanité et ont gravé en lettres d'or leurs noms sur les pages de l'histoire. Ces personnalités historiques ont, par leurs qualités spirituelles propres, réussi à réaliser de formidables transformations pour l'humanité et à étonner le monde avec leurs œuvres, de sorte que leurs lumières continuent à éclairer, de manière aussi vive.

Les transformations opérées par ces grandes figures de l'humanité peuvent affecter de plein fouet la société en pénétrant par la grande porte.

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Elles peuvent être si vastes qu'elles affectent toute l'humanité et provoquent de grandes transformations décisives dans la pensée humaine. Ces illustres personnages sont les hommes qui changent la face du monde et entraînent les masses hésitantes et irrésolues derrière eux pour les guider vers la lumière.

Au contraire, il existe d'autres hommes, plus nombreux, qui n'ont aucune efficacité dans la vie, ou si peu. La vie de ces gens se limite à une activité sans conséquence dans le temps et l'espace. Leur existence insignifiante se termine dans la nuit noire et obscure, sans laisser de traces.

Nous devons rechercher les causes qui différencient ces deux catégories d'hommes dans leurs natures profondes, car la personnalité de l'homme est liée à la largesse ou à l'étroitesse d'esprit et à la capacité propre que recèle l'individu.

Posons-nous la question: quelle relation lie les personnalités aux événements? Serait-ce les évènements mondiaux qui forment la personnalité ou, au contraire, la personnalité crée-t-elle les évènements? Les expériences sociologiques ont prouvé que l'individu influe sur la société et inversement. Ainsi, nous ne pouvons étudier l'individu en dehors de son environnement et de son milieu social de même que ces individus font partie des personnalités qui peuvent changer la situation de leur environnement grâce à leurs capacités spirituelles et morales particulières.

L'élément capital dans toute transformation et révolution sociale est la « volonté », qu'elle soit individuelle ou collective. Cependant, la valeur de l'homme demeure l'élément le plus important, car ce sont les dirigeants qui mobilisent les énergies de leurs nations et les orientent

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vers les objectifs tracés et entraînent les sociétés vers un avenir meilleur.

Pour pouvoir se conformer aux ordres de la raison, il existe au tréfonds de chacune une énergie qu'on appelle « volonté ». La volonté de l'homme est donc la résultante d'un équilibre entre les motivations instinctives et l'entendement de l'homme.

La faiblesse consécutive à un manque de volonté n'est que le résultat de motivations négatives qui paralysent l'homme. Ainsi, cette carence ne signifie pas que l'homme soit dénué de pouvoir concevoir les choses, car il est capable d'entreprendre tout ce qu'il veut, mais il n'a pas l'énergie suffisante pour traduire ses intentions en actes.

Il existe beaucoup de gens non dénués d'énergie et qui disposent d'énormes ressources dans la vie, mais qui, malgré leurs dons et qualités, ne parviennent pas à se montrer à la hauteur de l'évènement. Ils aspirent à un niveau de vie plus élevé, mais manquent de volonté pour grimper l'échelle du progrès et du développement, comme s'ils attendaient que quelqu'un accomplisse à leur place les tâches ardues qui les attendent sur cette voie. Qui pourrait, cependant, réaliser leurs vœux si eux-mêmes ne s'attèlent pas à la tâche?

Ils pensent avoir des idées utiles et profitables et, cependant, ils n'en tirent aucun profit. Ils accordent beaucoup de crédit à ces idées, mais ils ne font rien pour les mettre en pratique.

Le manque de volonté: un obstacle à la réussite

L'existence de l'homme connaîtra l'échec et la déconfiture sur tous les plans, par manque de volonté, car le désespoir et la désillusion ne sont que les conséquences d'une volonté faible et

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non agissante. Aucune disposition ou son ne peut remplacer une volonté forte et inébranlable, car quel intérêt aurait l'homme à avoir des dispositions extraordinaires pour ne point les utiliser à atteindre ses buts et objectifs. Il en est de même pour les sciences et le savoir acquis par l'homme et qu'il n'utiliserait pas à des fins utiles.

Examinons l'éventualité où l'homme n'aurait ni volonté ni détermination: quelle aurait été sa situation? Quelle aurait été l'image du monde? Quelle loi aurait régi le progrès et le développement?

L'étude historique nous démontre cette vérité que toutes les inventions et découvertes humaines sont tributaires de la volonté d'individus qui ont surmonté les obstacles et difficultés grâce à leur volonté et sont ainsi parvenus à de glorieuses conquêtes, car, en fin de compte, les obstacles et les difficultés sont condamnés à disparaître devant une volonté de fer.

Lorsque Napoléon voulut traverser avec son armée le dangereux col de Saint-Bernard, il consulta ses officiers et leur demanda: croyez-vous qu'il soit possible de passer par ce col? Les officiers, après mûre réflexion, n'émirent que doutes et hésitations et dirent: il est possible, avec beaucoup de chance, de traverser ce col. Après que Napoléon eut entendu l'avis de ces gens, il ordonna, sur un ton ferme et résolu, que ses troupes traversent le col sur le champ.

Les Anglais et les Suédois virent dans cette décision du chef français, si autoritaire, une sorte de folie et de précipitation irréfléchie, car ils ne pouvaient s'imaginer qu'il peut traverser, avec plus d’hommes et

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leurs canons lourds, les hautes Alpes. Mais Napoléon voulait assiéger la ville de Massenade dans la province de Turin alors que les forces suédoises menaçaient la ville de Nice.

Lorsque Napoléon réussit ce coup d'audace et traversa avec son armée les Alpes, les uns dirent: ce qu'a entrepris Napoléon n'était pas chose aisée! D'autres surenchérirent: si d'autres avaient fait cela avant Napoléon, ils auraient sûrement réussi!

Certes, beaucoup de chefs militaires avaient les capacités et les qualités nécessaires à ce genre d'entreprise, mais il leur manquait la volonté pour l'exécuter. L'anxiété, le trouble et le doute qui les habitait les empêchaient d'entreprendre ces actions et de profiter de ces occasions pourtant propices et cela les menait à l'échec plutôt qu'au succès. La volonté ferme et la résolution hardie de Napoléon ont suscité l'étonnement de tous ceux qui connaissaient ce meneur d'hommes français et ses actions d'éclat. Il était capable d'entraîner le plus faible de ses soldats vers l'action glorieuse et héroïque et d'insuffler le courage chez les plus hésitants et les moins téméraires. Cet homme était capable de veiller durant les nuits glaciales pour lire les rapports et les réponses à ses lettres.

Le bonheur et le succès ne sont pas régis par une loi particulière que l'on pourrait découvrir, car le succès n'est que le résultat naturel de la persévérance dans l'action. Les hommes qui ont un rang élevé dans la vie sociale peuvent surmonter les obstacles et les contourner parce qu'ils sont des hommes volontaires. Ils sont tels des faucons qui

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tirent profit du vent pour acquérir la force qui leur permettra d'atteindre les sommets les plus élevés. Pour cette catégorie d'hommes, il n'existe aucune entrave capable de les soumettre ou de les affaiblir, car ils sont déterminés à tirer avantage de tout obstacle et leur personnalité s'épanouit dans la difficulté. Ils peuvent se fixer un but dans toutes les étapes de leur existence et quel que soit leur âge.

La vigilance à l'ombre des difficultés

Certaines personnes ne prennent conscience d'eux-mêmes que lorsqu'elles sont mises à l'épreuve. Tel l'arbre dont les racines se frayent un chemin parmi les roches, acquérant force et robustesse grâce à sa lutte perpétuelle contre les éléments naturels défavorables, tels que tempêtes et vents.

Un psychologue a dit:

« Nous devons apprendre aux gens qu'ils ne doivent pas s'attendre atteindre leurs objectifs par des chemins faciles, car ces chemins ne sont pas facilement accessibles et sont parsemés d'embûches. Il est en effet exceptionnel qu'un homme parvienne au stade de la plénitude sans heurts ni entraves. Lorsque nous faisons face aux difficultés avec détermination, celles-ci constitueront des tests qui nous aideront à progresser et à nous développer. Nul entraînement n'est meilleur que celui qui consiste à tenter de surmonter les obstacles et les entraves ».

Les psychologues ont démontré que les individus normaux ne profitent pas plus de trente-cinq pour cent (%) de leur existence. Même les plus actifs et les plus efficaces et ceux qui sont arrivés, par leurs efforts, au bonheur n'atteignent qu'un pourcentage de cinquante pour cent (%).

Il existe des gens qui, lorsqu'ils parviennent à un

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certain stade de progrès, voient leur développement stoppé net et ne peuvent augmenter ou intensifier leurs activités pour passer à un stade supérieur et accéder à un avenir plus radieux.

Ces gens n'ont pas, en fait, beaucoup de chance dans la quête et l'effort qui mènent à l'amélioration de leur condition humaine et n'ont pas de dispositions au progrès ou si peu. La volonté de l'individu et ses aptitudes sont son plus grand capital pour le progrès, le développement et la plénitude qu'il peut augmenter ou réduire par son activité.

Toute action qu'entreprendra l'homme est l'interprétation dans le réel de son opinion, de sa détermination et de sa volonté. Si celles-ci ne représentent chez lui qu'une faible part, alors ses actions n'auraient aucun intérêt. Quand les gens de faible volonté prennent une décision, ils doutent et hésitent tellement qu'ils sont tout disposés à changer leurs opinions et leurs idées à la moindre observation ou critique qu'on leur fasse. L'homme de peu de volonté, hésitant à opérer des choix, prouve par là qu'il ne maîtrise rien et qu'il est dépendant de l'opinion d'autrui en toute occasion. Cet homme est tel un arbre qui plie dans la direction que le vent lui impose. L'hésitation se traduit chez lui par l'échec et la désillusion dans la majorité des cas.

Celui qui dilapide son temps dans les détails et dans l'intérêt qu'il porte au sujet de peu d'importance, sans rien entreprendre de positif, ne fait que disperser ses forces sans réaliser aucun succès significatif dans la vie.

L'homme

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perd beaucoup de temps et de dispositions précieuses dans l'hésitation et le doute inutiles, ce qui transforme sa vie d'une existence de succès en une vie d'échecs et de défaites. Si l'homme est esclave d'un esprit hésitant et inactif, alors comment et avec quoi pourrait-il faire face aux difficultés de la vie? Au contraire de celui dont les opinions ne changent pas facilement, qui a des idées bien arrêtées et qui ne perd pas de temps à supputer les évènements futurs, car grâce à sa foi et à sa forte personnalité il ne tient pas compte des critiques des envieux qui le poussent à abandonner ses objectifs. Ce ne sont pas n'importe quels raisons ou évènements qui le dévieront de la voie qu’ils se sont tracée en connaissance de cause et il repousse toute idée ou pensée qui serait contraire à celles auxquelles il croit. Celui qui fait face à ce genre d'hommes peut aisément déterminer le niveau de l'énergie et de la volonté qui les anime ainsi que la valeur de l'œuvre qu'ils poursuivent avec conviction.

En un mot, il est impossible de réussir sans discipline et conviction dans la volonté, même la foi en la réussite représente une grande réussite en elle-même.

Nous avons vu beaucoup de gens entreprendre des actions qu'ils ne terminaient jamais parce qu'ils manquaient de discipline, de persévérance et de volonté. Lorsque, par exemple, ils sont convaincus de l'intérêt d'une action ou d'une œuvre, leur travail se fait alors avec entrain et volonté, mais à partir

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du moment où ils éprouvent des difficultés, ils perdent volonté et enthousiasme et se voient gagnés par le découragement et l'apathie. Finalement, ils passeront à autre chose ou à une action couronnée de succès, mais entreprise par autrui.

Ainsi, ces gens demeureront éternellement hésitants et indécis, changeant d'activités plus souvent que de chemises, sans consacrer leurs pensées et leur raison à réussir une action qui leur permettrait de comprendre le sens véritable du succès pour découvrir, brutalement, un jour qu'ils ont épuisé leur existence à entreprendre sans jamais ne rien terminer et à décider sans jamais appliquer. Ils auront gâché toutes les occasions qui se sont offertes à eux sans réussir à ne concrétiser aucune d'entre elles.

Parmi les malheurs qui touchent l'homme dénué de volonté, il est celui qui fait qu'il demeure le jouet des autres et de leurs désirs. Il lui arrivera peut-être de discerner la voie qui convient, mais jamais il n'arrivera à la suivre, préférant emprunter des détours, car ses penchants, ses désirs et ses tentations le balloteront selon leur gré. Ajoutez à cela que tout évènement contraire, si mineur soit-il, suffit à le décourager et à l'abattre.

Pour résister aux pressions de ces sentiments destructeurs, nous avons un besoin urgent d'une volonté de fer et la condition sine qua non pour cela c'est que celle-ci soit toujours soumise à notre raison. En effet, il existe beaucoup de différences entre une volonté qui repose sur la raison et le discernement et une volonté branlante qui tient de la vanité,

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de l'orgueil et des sentiments égoïstes et partisans. La première représente le capital bonheur de l'homme et le socle de son succès dans la vie, tandis que l'autre ne lui apportera que malheur, désespoir, désillusions et échecs.

Celui qui consacre sa volonté à entreprendre des actions contraires à la dignité et à l'honneur, par égoïsme ou vanité, est un individu qui ne possède pas la liberté et est l'esclave de ses sentiments les plus bas. L'histoire est en ce sens riche de récits sanglants et tragiques dont les acteurs ont mis toute leur énergie et leur volonté au service d'une mauvaise cause dont le combat était perdu d'avance.

L'individu qui choisit la voie secondaire lorsqu'il rencontre la plus petite des difficultés dans la vie est un homme à l'esprit faible, sans vitalité ni courage, car il aura baissé les bras devant le premier obstacle dans une vie remplie d'embûche et d'entraves. L'homme s'est ainsi rabaissé et méprisé lui-même.

Les capacités humaines

Chaque chose en ce monde doit emprunter le chemin et la voie qui lui est propre pour atteindre et réaliser ses objectifs. L'homme, à cet égard, est soumis à la même loi naturelle.

L'homme doit chercher les moyens de développer et de faire progresser sa condition humaine durant toute son existence, afin d'accéder aux plus hautes marches de son accomplissement et au sommet de l'humanisme.

Il doit, avant tout, connaître ses capacités et ses dispositions et qu'il sache que parmi toutes les créatures de ce monde, il est le seul que Dieu a choisi pour cette

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mission et cette épreuve. Dès lors, sa foi et sa confiance en lui-même s'enracineront plus profondément dans son esprit pour libérer les forces et les inerties qu'il recèle et qui le mèneront vers le succès. Le manque de confiance des gens en eux-mêmes n'est généralement pas lié au manque de ressources, mais plutôt à la méconnaissance de leur moi. Il est très souvent admis que les individus élaborent des théories et des hypothèses scientifiques d'un intérêt certain, mais, du fait qu'ils n'ont pas confiance en eux-mêmes et en leurs dispositions et capacités, ils ne les divulguent pas. La peur de l'échec est en soi un échec, car ce manque de confiance mène, très souvent, à la non-exploitation d'idées brillantes et profitables à l'humanité.

Dès que l'homme aura compris, toute efficacité et efficience requiert de l'énergie, sans cesse renouvelable, et qu'il découvre qu'il possède cette énergie en lui et qu'il ne soupçonnait pas, sa vie lui apparaitra dès lors plus accessible et plus aisée, de même qu'il sera prêt à faire plus d'effort. Celui qui œuvre à profiter de la vie autant que possible et à saisir toutes les occasions que celle-ci lui offrira doit, en premier lieu, avoir confiance en soi et avoir une volonté à toute épreuve, qualités qu'il devra constamment cultiver et affermir.

Le professeur Carrel disait:

« Il ne suffit pas, pour préserver la vie, d'œuvrer à la conserver seulement, il faut également la rendre plus simple, plus intense, plus dynamique et digne, c'est-à-dire augmenter l'efficacité corporelle et spirituelle, à la

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fois en intensité et en quantité. Ce dont on a besoin comme énergie et capacité ne ressemble en rien à la force physique du sportif ou à la force spirituelle d'un homme de religion ou mentale d'un philosophe ou d'un savant... mais la force et les qualités requises ici c'est l'endurance à supporter les fatigues, les aléas climatiques, la faim, la soif, les malheurs et la tristesse; en un mot: que nous ayons une volonté, un dessein noble et une activité productive, une force physique et spirituelle à toute épreuve et un enthousiasme débordant.

Cependant, comment obtenir ces ressources? La seule manière pour y parvenir c'est l'effort quotidien soutenu, c'est-à-dire l'effort qui ne sollicite pas les organes du corps, mais l'effort qui fait appel à la pensée et à la volonté. Nous devons apprendre à nous entraîner quotidiennement et graduellement pour pouvoir nous organiser dans la vie. Comment respecter les principes fondamentaux? Comment nous contrôler?

De même, nous devons apprendre à maîtriser la colère, la nervosité et les sensibleries de l'âme, à vaincre l'inactivité et la paresse et à refréner la vanité, les illusions, à surmonter les fatigues et les souffrances, grâce à un effort de tous les jours. Cet entraînement, grâce à un effort de tous les jours. Cet entraînement est nécessaire à toute personne cultivée, civilisée et moderne, car la grande erreur de l'éducation et de l'enseignement modernes c'est de négliger cet entrainement.

On ne peut pas, en effet, accroître nos aptitudes dans la vie que grâce à un effort et

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à une volonté inébranlable ».

Certaines personnes ne veulent pas payer le prix raisonnable pour une vie heureuse et honorable. Ces gens sont toujours à la recherche de moyens faciles et rapides pour parvenir à leurs buts, quelles que soient la qualité et la quantité de ces résultats, et se détournent de tout ce qui les rendrait plus humains et moins égoïstes, c'est-à-dire qu'ils fuient les responsabilités qui jouent un rôle essentiel dans l'éducation de l'esprit et la purification de l'âme, qui leur permettraient de perfectionner leurs pensées et de leur préparer la voie qui les mènera au succès.

Nul doute que ceux qui forment leurs esprits en assumant toutes les responsabilités qui leur incombent, y compris les plus lourdes, deviendront plus actifs et plus dynamiques, de même que leur position sociale ne s’en trouvera renforcée face à ceux qui ont voué leur existence à des responsabilités de moindre importance. Les premiers pourront ainsi dominer des espaces plus vastes et grimper les échelons de la plénitude avec force et détermination.

Quel que soit le dynamisme de l'homme, il possède une force qui lui permettra de réaliser ses objectifs. En effet, cela dépend de sa confiance en soi, de l'objectif fixé, de sa détermination, efficacité et dynamisme, ainsi que de ses tentatives et de son engagement dans la vie, autrement dit: le succès passe par la volonté de l'homme à vaincre les multiples obstacles qui jalonnent le chemin de la vie.

Il ne suffit pas de connaître le bien et le mal et de comprendre les

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vertus et les méfaits afin d'accéder au bonheur et à la quiétude. Ce qui importe aussi c'est de se consacrer à l'activité qu'on entreprend.

L'homme peut connaître parfaitement la différence qu'il y a entre le bien et le mal, être maître de son environnement et de ses actes et conscient de ses responsabilités, mais ne pas avoir la force de réaliser ses obligations et de prendre les décisions nécessaires à cette fin.

La première obligation de tout homme est de contrôler son comportement de manière continue afin de renforcer ses énergies créatrices et d'éviter toute atteinte à ce potentiel. De cette manière, cette vigilance et attention soutenue deviendra chez lui une seconde nature sur laquelle reposera sa volonté si nécessaire, car la volonté ferme est la seule qui puisse renforcer nos pas et nous éviter de chuter aux moments cruciaux de la vie lorsqu'on doit prendre des décisions importantes, ces moments durant lesquels la moindre faiblesse peut être source de très grands dangers.

L'échelle de responsabilités en Islam

En Islam, la volonté mesure le degré de responsabilité de l'homme et c'est le point de repère de tout croyant. C'est aussi la limite qui sépare l'homme de toutes les autres créatures et l'unique moyen pour mettre un frein aux excès des tentations de l'âme. Grâce à la volonté, l'homme peut résister aux multiples pressions, il est ainsi libre de réprimer son esprit rebelle et de s'élever à la plénitude, ou bien d'entrer dans un monde fait d'instincts primitifs et animaliers et de se laisser aller aux désirs et aux

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penchants, contraires à toute morale humaine civilisatrice.

Cependant, si l'Islam a institué la volonté en échelle et en référence pour distinguer entre l'homme et l'animal, il ne l'a pas fait arbitrairement, car, en réalité, le sens de l'humanité peut être compris uniquement à travers la volonté qui, lorsqu'elle ne se retrouve pas chez l'individu, l'exclut de la communauté humaine.

L'Islam n'ignore pas la réalité de l'être humain et les forces qui agitent l'âme humaine. Ainsi, il ne demande à l'homme que de s'obliger vis-à-vis de ce qu'il respecte, honorablement et dignement, dans son désir d'élévation. Il fait appel à l'homme pour qu'il utilise ses énergies pour s'élever au-dessus du niveau animalier grâce à sa volonté comme il lui demande d'atteindre le niveau maximum de plénitude par ses capacités et son énergie. Celui qui ne possède pas cette volonté livrera son destin aux désirs et aux tentations qui l'habitent, détruisant ainsi ses forces et son esprit et, par conséquent, demeurera incapable de réaliser les vrais objectifs de la vie.

Dompter l'esprit parait, de prime abord, chose impossible. Cependant, ce scepticisme disparaîtra progressivement avec l'entraînement et l'habitude et cela ouvrira la voie à l'accomplissement personnel. La volonté qui garantit à l'homme progrès et développement dans la vie est le moyen qui lui permettra d'aller de l'avant lorsqu'elle se consacre au sacrifice, à la loyauté et à tout sentiment noble et humain. Elle représente ainsi le signe de la grandeur humaine. Tout homme qui entreprend une activité, quelle qu'elle soit, avec cet esprit obtiendra des résultats

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extraordinaires qui auront des effets durables et positifs sur son existence.

Grâce aux prescriptions de l'Islam, les membres de la société sont animés par des motivations qui les poussent à tirer de leur volonté les énergies qui leur permettront d'atteindre leurs objectifs. La volonté, pour les psychologues, est le résultat de cette motivation interne qui exerce une attraction plus puissante.

Mann disait dans son livre sur les fondements de la psychologie:

« Ce qu'on prétend être la force de volonté n'est, pour les psychologues, que la capacité proportionnelle des motivations personnelles. Ainsi, toute décision prise en toute chose est le résultat de ces motivations qui ont une énorme force attractive.

« Autrement dit, nous choisissons, pour toute chose, une manière de faire plus efficace et plus conforme à nos motivations personnelles par rapport à notre éducation et à nos expériences passées. Par exemple, lorsque le soldat japonais se voit battu lors d'une guerre, il a à choisir entre deux solutions. La première: accepter la défaite et se rendre à l'ennemi. Cependant, l'éducation reçue dès sa prime enfance ne le lui permet pas, car elle lui apprenait que s'il se rendait il perdrait tout honneur et toute dignité.

« La seconde: se suicider, obtenant ainsi l'honneur et la dignité éternelle dans l'au-delà comme promis. Il préférera ainsi se suicider ».

« Pour nous, notre éducation diffère de celle de l'éducation japonaise, ce qui ne nous permet pas de comprendre la mentalité japonaise de manière convenable et satisfaisante. La vérité est que quiconque aurait été éduqué comme ce soldat japonais aurait les mêmes

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motivations que lui et il agira de la même manière ».

Le fondement de la volonté

Pour toute action entreprise, la volonté a nécessairement besoin d'un fondement solide et d'une base inébranlable qui est la « foi ». La volonté est nécessaire à la foi comme la foi est liée, intimement, à la volonté. Si quelqu'un croit en quelque chose, mais n'a pas la volonté qui lui permettrait de mettre en pratique ses convictions, il ne pourrait dès lors atteindre son objectif. La réussite de tout homme est donc tributaire de son dynamisme et de son activité. Le Coran dit, à ce sujet: « (...) et qu'en vérité l'homme n'a rien que ce à quoi il s'efforce ».

D'un autre côté, si l'homme disposait d'une volonté, mais n'avait pas la foi, il perdrait courage et dynamisme à l'instant même où il rencontrerait des difficultés ou des obstacles sur la voie qu'il a emprunté dans la vie.

Dans ces cas, rien ne peut aider l'individu que la foi en la grandeur et la puissance divine. Elles seules peuvent le tirer de l'anxiété, de la peur et des troubles de l'âme, car l'homme pieux qui a foi en Dieu, même dans les moments les plus pénibles, ne perdra jamais espoir ni ne doutera du succès parce que justement l'habite cette foi en Dieu. Ainsi, Dieu ordonne à Son Prophète: « (...) et si tu as résolu, alors repose-toi sur Dieu ».

Lorsque l'homme aura compris cette vérité et que, quelle que soit l'action qu'il entreprend, le soutien ne lui viendra que de Dieu qui commande toute chose, il

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sera convaincu qu'il est sur la voie du succès. Cette disposition d'esprit lui permettra de vaincre tous les obstacles et de trouver les solutions qui conviennent aux difficultés les plus complexes.

L'histoire nous apprend une chose, c'est que cette catégorie de gens compose l'élite de l'humanité, celle qui la conduit vers le bonheur et le progrès grâce aux qualités de patience et de persévérance. Ce sont ces gens que l'Islam a appelé les « hommes de Dieu » et Ses « préférés ». Des hommes libres et vertueux dans la vie et dans l'au-delà.

La Calife Ali (que le salut soit sur lui) qui était le modèle parfait parmi les hommes dont l'histoire a retenu les noms disait: « Par Dieu, si les Arabes s'alliaient pour me combattre, je ne les fuirais pas ».

Il ajoutait également:

« O Hammam, le croyant a une âme plus dure que l'acier ».

La volonté détermine le succès

La volonté et la résolution peuvent, lors d'évènements importants, changer leurs cours de manière imprévisible et être un élément dynamique. La résolution de l'homme à atteindre ses objectifs peut soulever des montagnes de difficultés, comme si son âme était faite d'airain et d'acier, sachant que la plus petite hésitation mènerait à sa perte.

Lors de la conquête de l'Andalousie, le commandement des forces musulmanes sur le front africain était aux mains de Moussa ben Noçair qui confia une partie de son armée à son lieutenant, Tareq ben Ziâd, pour qu'il conquiert l'Espagne. Lorsque Tareq ben Ziâd arriva avec ses forces peu nombreuses sur les lieux et qu'il inspecta les positions ennemies, il sut que

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l'occasion était propice à une attaque et se dit que s'il fallait attendre les ordres de son supérieur, Moussa ben Noçair, l'ennemi s'alarmerait et serait prêt à se défendre.

C'est alors qu'il résolut de l'attaquer.

Pour empêcher ses soldats de penser à toute retraite, il ordonna de brûler tous les navires pour rendre tout espoir de retour impossible. Lorsque certains soldats protestèrent, il leur répondit: « Le musulman n'est pas un oiseau qui vole vers son nid ». Ensuite. Tareq ben Ziâd grimpa sur le sommet qui porte depuis son nom et harangua ses troupes: « Voici la mer derrière vous et l'armée ennemie devant vous. Leurs arsenaux sont remplis d'armes, de munitions et de vivres, tandis que vous n'avez rien, sauf ce que vous leur prendrez par votre volonté, sans autres armes que vos épées. Alors vous voilà avertis ».

Ces paroles et ce discours ont rempli, tant l'orateur que ses auditeurs, d'une volonté inébranlable et d'un courage farouche qui les ont menés vers la victoire.

L'éducation de l'âme

L'éducation de l'âme est un des éléments essentiels qui renforcent la volonté de réussite. Ainsi, les espoirs les plus fous et les rêves les plus insensés dans la vie sont les motivations premières qui poussent l'homme à œuvrer et agir pour les réaliser.

Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Faites concours entre vous dans les vertus nobles, les rêves de gloire et les dangers. La récompense n'en sera que plus grande ».

Jacqueraud disait:

« Tant que vous n'imaginez pas votre succès et n'admettez pas la victoire, vos chances de réussite sont minces. Par cette

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attitude vous étouffez en vous ce qui constitue la capacité et la compétence. L'homme qui a peu de capacité, mais une confiance totale en lui-même réussira. Il réussira parce que, dans sa quête du succès, il puisera son énergie à la source des vertus et des qualités, sans que le manque de confiance des autres à son égard ne le décourage ou diminue de sa volonté. Son action reste liée à son expérience et à sa confiance en soi.

« Pour oser, éloignez de vos esprits le doute et l'hésitation. Les autres tenteront peut-être de vous faire douter de vos capacités parce qu'ils ont peur pour vous et par amitié, mais êtes-vous à ce point faible pour croire à leurs paroles et permettre à quiconque de vous sonner des leçons à tout propos et à tout moment?

« Écoutez ce que vous disent les gens avec attention et persévérez avec audace, patience et fermeté. Regardez celui qui se distingue par ces qualités, étudiez-le, analysez sa vie et tentez de l'imiter puis récitez votre leçon chaque nuit en rêvant d'être un preux chevalier dans un monde fantastique. Chaque fois que vous en aurez l'occasion, montrez votre audace et votre courage et entreprenez des actions qui demandent de la détermination et de la décision. Lorsque vous tenterez de vous éprouver, rappelez-vous que “vous voulez et que vous pouvez”. Et si vous devez prendre une décision qui vous occasionnera des difficultés, dîtes-vous que vous vous y habituerez ».

Tout comme la peur du malheur-en psychologie-est un genre de thérapie

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douloureuse qui trouble la pensée et l'esprit, de même l'espérance dans le bien est une thérapie qui renforce le moral et la volonté. Ali (que le salut soit sur lui) disait à ce propos:

« Crois dans le meilleur, tu réussiras ».

Chapitre 12: Veiller à Entretenir de Bonnes Relations Humaines

La sérénité de l'âme dans la Compagnie d'autrui

Le sujet qui porte sur l'influence de l'environnement et du contexte social est un sujet important. Il fait l'objet d'études profondes de la part des moralistes. L'homme passe son existence en compagnie de ses semblables et dès lors est dans le besoin de vivre dans une société et une communauté humaine qui lui garantit un environnement convenable et nécessaire à sa nature et à son épanouissement. L'isolement, volontaire ou non, n'est pas un état qui convient à l'être humain. Cette situation le mène à vivre dans un esprit de repli dans un monde obscur.

Si l'homme ne se lie pas avec ses semblables d'un lien d'amitié, le sentiment qui le dominera dans sa vie sera celui du vide, de l'anxiété et du désespoir.

D'un autre côté, tout comme le corps se nourrit d'aliments différents, de même l'esprit s'alimente par les liens qui se créent entre les hommes, qu'ils soient positifs ou négatifs.

Tous ceux qui choisissent une voie dans la vie s'y tiennent et veulent même pousser les gens à suivre ce chemin, créant ainsi un environnement humain qui convient à son épanouissement. Ainsi, l'homme tente, à travers les raisons et les arguments qui soutiendront ses projets et ses conceptions existentiels.

C'est ainsi que nous disons que notre bonheur futur est intiment lié à

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la vie en communauté et à ses limites, car le fait de tirer profit des relations bénéfiques qui nous unissent aux autres aujourd'hui sera utile à l'indépendance d'esprit demain. Nous devons comprendre le besoin spirituel de l'amitié pour ensuite tracer et exécuter nos plans sur la base des contingences de l'amitié.

Certains savants croient que l'imitation fait partie de la nature humaine, sans pour autant que cette attitude soit consciente. Ainsi, les différentes formes d'imitation prouvent que l'homme est influencé dans son comportement, ses sentiments et ses décisions, et même dans son jugement et ses opinions. Cette attitude est en rapport au modèle social que la communauté impose à tous ses membres ou que ceux-ci lui communiquent. Plus l'individu est d'une éducation élevée et d'une intelligence supérieure, plus sa liberté d'esprit sera influencée par la société qui l'abrite et sera soumise à l'influence psychologique des opinions de la majorité. Il est donc naturel que ceux qui souffrent de faiblesses psychologiques plus grandes soient plus vulnérables aux attitudes et opinions de ceux qui les entourent ou qui vivent dans leur proche voisinage.

Des psychologues affirment que l'imitation est le fait d'hommes qui, par ce comportement, cherchent le repos de l'âme et qui s'imaginent qu'ainsi ils seront agréés par leurs semblables ou que c'est à travers cette attitude qu'ils imitent que leurs modèles ont réussi.

Par exemple, imiter les héros ou, pour les enfants, imiter les grandes personnes n'est que la conséquence de cette pensée. Cependant, les animaux eux-mêmes n'imitent que sous certaines conditions, comme

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pour accéder à l'objet convoité.

Brown disait:

« Les êtres humains n'imitent que si cet acte les aide à atteindre des objectifs psychologiques. Autrement dit, il existe des motivations particulières liées à des forces obscures qui poussent l'homme à imiter et non pas parce qu'une force appelée imitation lui impose cela. Quand une vendeuse, comme Créo, compose des poèmes, cela n'est pas dû à une force en elle qui l'y pousse à imiter les poètes, mais c'est parce qu'elle croît que cette manière d'agir est, en elle-même, une manière de vivre particulière ».

Si la compagnie des hommes est nécessaire à toutes les étapes de l'existence, elle représente néanmoins plus pour les jeunes gens qui ont clos l'enfance et rentrent de plein pied dans une vie plus réaliste et plus sociale. Ainsi, leur première préoccupation n'est pas tant de connaître les qualités de ceux qu'ils voudraient accompagner dans la vie que de se lier d'amitié avec tous les gens qu'ils croisent, selon des critères faux et subjectifs, sans rien connaître de leur moralité ou de leur sociabilité. Cette précipitation irraisonnée peut mener toute une jeunesse à l'avilissement et au déshonneur. Il convient, dès lors, de ne pas se voiler la face quant aux faiblesses et aux vices de ceux dont on aimerait qu'ils soient nos amis et quant à leur propension à fréquenter des gens qui leur ressemblent. Cela ne les aidera pas à s'amender et à se corriger si tel n'est pas leur intérêt.

Durant cette époque de l'existence qui est, pour l'individu, la plus

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sensible et la plus fragile, du point de vue psychologique, sa personnalité tend à être indépendante tandis que s'accroît son admiration pour les héros et les valeureux chevaliers, ce qui dénote chez lui un besoin d'orientation et de repères le poussant à imiter ces héros dans sa vie. Cependant que l'état de doute et de suspicion qui l'anime trouve sa source dans la faiblesse de sa force morale et mentale et dans sa quête d'indépendance.

Sachant que l'adolescent est dans un état de révolution et de choix et que son cœur est disposé à accepter toute chose avec naïveté et innocence, il devient évident alors le rôle que peut jouer, durant cette étape, un ami qui lui apporterait l'éducation et l'enseignement psychologique et sentimental adéquats. Ainsi, pour se préserver des déviations et des échecs, l'adolescent est appelé à fonder une amitié fructueuse et saine qui accompagnera un développement équilibré de sa personnalité.

De la valeur de l'amitié

Nous devons, en ce qui concerne nos amis, nous appliquer à faire le bon choix en toute liberté et sans verser dans la sentimentalité, nous fixer une échelle de valeurs pour effectuer ce choix avec réalisme, pour connaître leurs points faibles, leurs pensées et leurs opinions, leurs peines et leurs joies, afin de les découvrir tels qu'ils sont en réalité.

Nous pouvons découvrir beaucoup de qualités morales chez des individus qui ne laissent rien paraître, par l'amitié que nous leur portons et leur compagnie. Ceux-ci auront certainement, au fil du temps, une influence bénéfique sur notre personnalité, changeant ainsi le cours

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de nos vies et nos manières d'être et de penser et renforçant notre volonté et nos résolutions. D'un autre côté, la négligence de cet aspect est une erreur qui peut coûter à l'individu son bonheur.

Owburry écrivait:

« Ce qui est étonnant vraiment c'est que lorsque nous voulons acheter un cheval nous nous attardons à connaître ses origines et ses exploits, mais agissons-nous de même dans le choix de nos amis? Ou bien nos amis ont-ils moins d'importance pour nous qu'un cheval?

« Nous avons dit et nous le répétons que nous devons faire attention au choix de nos amis, car la plupart de nos malheurs sont le fait d'une mauvaise compagnie. Lorsque l'homme passe de l'enfance heureuse au monde réel, il aura affaire dans la société à différentes catégories d'hommes et, selon les hasards, il en côtoiera un certain nombre. C'est souvent alors qu'il tombera dans le déshonneur parce qu'il se sera lié à “ami” ou des amis indignes. Il se peut que ces gens vils n'aient aucune mauvaise intention à son égard, mais leur nature même empoisonne l'esprit de leurs compagnons et amis ».

La sensibilité et le sentimentalisme

Parmi les sujets importants qui touchent à la vie sociale, il est celui d'apprendre à vivre avec les gens et à les fréquenter. Nous ne trouverons jamais des personnes ayant les mêmes pensées, les mêmes sentiments ou les mêmes croyances et il est très rare que les gens parviennent à une unanimité, même sur les sujets les plus simples. Nous devons donc être conscients de cette réalité et, autant que possible,

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nous adapter et nous habituer aux différentes personnalités et caractères pour pouvoir vivre paisiblement avec ces gens tout en tissant avec eux des liens et des relations empreintes de cordialité et d'honnêteté.

Il existe des gens qui n'ont pas une maturité sociale suffisante et qui ne sont pas faits pour coexister avec leurs semblables, car ils sont susceptibles avec leurs amis et leurs proches, même s'ils les aiment, et ne leur pardonnent pas leurs erreurs ou leurs oublis, aussi involontaires et minimes soient-ils. Le moindre faux pas de leur part déclenche un sentiment de colère chez eux. Ne pouvant pardonner ou être conciliants, ils finissent par rompre tout lien, ignorants que la vie est coexistence, comme coexistent la nuit et le jour, la fleur et l'épine, le beau et le laid, l'un à côté de l'autre.

Dès le début de la vie sociale, le comportement de tout individu doit être régi par des convenances fondées sur des raisons et des motivations morales bien définies. L'homme doit savoir que la loi de la vie sociale nous apprend à accepter des choses qui ne nous satisfont pas, et même qui sont contraires à nos pensées et à nos opinions, et d'éviter de suivre les rêves et les illusions pour obtenir ce que l'on désire. Ainsi, l'art de vivre consiste à savoir changer ses prévisions, car la paix et l'amitié sont souvent à ce prix.

Nous devons donc connaître les gens tels qu'ils sont et non pas comme nous voudrions qu'ils soient. Cette capacité est liée

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au niveau de maturation morale, aux sentiments et à l'esprit de compréhension qui animent l'homme.

Ce serait une erreur de tout fonder sur nos illusions ou nos penchants. Malgré cela, beaucoup de gens s'abandonnent à leurs rêves et à leurs sentiments. Leur narcissisme est tellement grand qu'ils en perdent tout réalisme et se font du mal à eux-mêmes. Tandis qu'une vision réaliste et des prévisions sensées et réfléchies sont plus reposantes pour l'âme.

Un docteur en psychologie, parlant de ses rêves irréalistes, raconte qu'« il voulait, durant la deuxième guerre mondiale, quitter sa ville pour une ville lointaine, mais chaque fois qu'il demandait un billet d'avion il ne l'obtenait pas. Les employés de l'aéroport lui disaient: la priorité est aux besoins militaires. Il fut donc contraint de voyager en train, dans un wagon de troisième classe ».

Le docteur ajoute: « Après m'être assis sur un siège inconfortable de troisième classe, pour quelques minutes, je me suis rendu compte qu'un voyage de plusieurs heures dans ces conditions serait pénible.

« J'ai alors analysé ma douleur et me suis dit: est-ce que cette douleur est due aux conditions peu confortables du train? Ou bien parce qu'ils n'ont pas montré de respect et d'estime à un psychologue honorable tel que moi et ne m'accordent pas de billet d'avion même à titre exceptionnel, m'évitant ainsi une perte de temps précieux et de pareilles conditions de voyage?

« Puis je me suis demandé: convient-il que j'ai une telle attente en temps de guerre? Ou bien cette attente est-elle due à un égoïsme aveugle?

« J'ai alors

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immédiatement compris que cette attente était un besoin déplacé, car tandis que mes frères se trouvaient sous un déluge de feu, il est normal que leurs besoins aient la priorité absolue.

« Dès lors que les choses m'apparurent sous cet aspect et que je fus convaincu qu'il ne fallait pas nourrir de faux espoirs, je cessais de me plaindre du siège et j'ai terminé le voyage dans la lecture de certains livres et dans la discussion avec mes compagnons de voyage, dans la joie et la bonne humeur. Je ne me suis pas aperçu de la longueur du voyage, même si les sièges étaient toujours aussi douloureux et aussi inconfortables ».

Ceux qui sont contents d'eux-mêmes, qui ne se rendent pas compte des réalités, peuvent se fixer des objectifs particuliers dans leurs relations avec autrui, utilisant chaque occasion, évènement ou relation pour assouvir leurs désirs égoïstes. Ils sont continuellement à la recherche d'amis qui leur seront matériellement utiles, alors que l'amitié ne doit pas reposer sur des objectifs personnels et égoïstes.

Ces gens ne se lient pas d'amitié avec ceux qui ont d'honnêtes intentions et d'honorables sentiments et qui ne visent aucun intérêt matériel. Ainsi, leurs amitiés avec les gens demeureront tant qu'ils tireront les bénéfices escomptés, mais dès lors qu'ils ne réalisent pas leurs attentes et qu'ils s'aperçoivent que cette amitié ne tourne pas dans la direction qu'ils espéraient, une certaine froideur et lassitude remplace la relation chaleureuse qui prévalait avant qu'ils ne rompent définitivement leur relation.

Lorsque le péché et l'instabilité dominent dans tous

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les domaines de la vie sociale, il est donc naturel que le voile se soulève et qu'apparaisse progressivement cette réalité. C'est alors que les hommes de bien découvriront le vrai visage de ces amis hypocrites et feront tout pour les repousser de leur vie, comme le commerçant repousse les faux billets de banque.

Emerson disait:

« Nous savons comment nous sommes dans la réalité; les gens croient que leurs qualités et faiblesses apparaissent à travers leurs actions, sans savoir que les qualités et les faiblesses sont visibles à tout moment et en toute occasion.

“Il y a une harmonie spéciale dans toute action de l'homme, quelle que soit l'action et quel que soit l'homme, de sorte que toute action est naturelle à son heure et en son lieu. Les actions qui sont le fait d'une volonté unique sont en réalité concluantes, même si elles sont apparemment divergentes.

Lorsqu'on y réfléchit bien et en prenant de la distance, nous découvrirons que dans le domaine de l'esprit ces actions, bien distinctes, ont un dénominateur moral commun. Ainsi, le cheminement du navire, tel qu'il apparait, nous semble sinueux alors qu'il est, en réalité et vue de loin, rectiligne et logique”.

Du danger des mauvaises fréquentations

L'homme peut, de manière générale, choisir une des deux voies. L'une est de se soumettre aux forces naturelles de son corps et d'enchaîner son esprit aux désirs et aux tentations de l'âme. L'autre est de répondre à l'appel de l'être et à ses aspirations divines et d'obéir à ses orientations profondes et sublimes. Par là, l'homme prendra conscience de

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la valeur de son être.

L'homme est soumis à deux forces contraires qui tentent chacune de le tirer vers elle. Ce sont celles des deux pôles: l'un positif (qualités) et l'autre négatif (vilénies). Il doit ainsi prendre conscience de la grande tâche dont il a été investi et se choisir la voie qui lui convient en rapport avec ses qualités et son caractère d'être humain. Il doit donc emprunter des chemins qui sont plus sereins pour qu'il puisse réaliser les nobles objectifs humains.

Ce choix continuel et quotidien durera jusqu'à la mort de l'homme. Il devra profiter de chaque occasion pour élever sa position et éviter de régresser et de perdre son âme. L'important, compte tenu de la brièveté de la vie, est que l'homme songe à acquérir, durant cette courte vie, un capital qui lui sera compté dans l'autre monde. Nul doute que s'il arrive à dominer les désirs bas et avilissants et s'il dompte ses penchants, il pourra alors se doter d'un capital valeur qui lui ouvrira les portes de la vie éternelle.

L'Islam tente de ramener un peu d'ordre et de concentration dans la raison humaine en conseillant le discernement dans le choix des amis et des compagnons, la discipline dans l'action et la prise de décision et la réflexion en toute chose, pour que l'homme puisse accéder aux niveaux les plus nobles et réaliser ainsi la plénitude totale qui n'a aucun équivalent matériel.

La fréquentation de gens qui respectent les valeurs morales et humaines est une occasion inespérée de développer

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les potentialités spirituelles de l'homme. Le champ de la pensée s'élargit à leur contact et l'amour du bien et de l'honneur se développe dans les cœurs. De même, l'homme prend connaissance de ses faiblesses propres et peut espérer son redressement en observant les hommes de qualité. Par cette comparaison, il échappera progressivement à l'influence néfaste des mauvais penchants et accédera au discernement.

L'attention portée aux caractéristiques spirituelles des amis que l'on se donne n'est pas un thème nouveau pour la psychologie moderne. Le besoin de connaître l'esprit de ceux que l'homme se choisit en tant qu'amis est une question qui a été rapportée dans les textes islamiques. Ainsi, la psychologie moderne est appelée à prendre en compte ces exhortations avec respect et considération et à rappeler ces conseils et ces orientations pleines de sagesse.

Al-Nouri rapport que le Prophète (que le salut soit sur lui) disait:

“L'homme est tributaire du comportement de ses amis. Alors, que chacun d'entre vous y prenne garde”.

Ali (que le salut soit sur lui) conseillait à chacun de se surveiller et de ne pas se lier avec les pécheurs et malfaiteurs, car l'esprit est très influençable ». Il disait:

« N'accompagnez pas l'homme de mal, car votre nature imitera la sienne sans que vous ne vous en aperceviez ».

Le docteur Carrel disait lui:

« Les phénomènes psychiques de chaque individu se définissent, pour une grande part, selon son environnement psychologique. Si son environnement est pauvre, ni ses qualités ni ses sentiments ne se développeront, et si son environnement est mauvais, il influera sur ses activités.

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Nous réagissons dans le milieu social comme réagissent les cellules dans le corps, dans l'interdépendance. Comme elles, nous ne pouvons demeurer à l'abri des influences des évènements qui affectent notre environnement.

« Le corps humain est mieux immunisé contre les corps étrangers que ne l'est l'esprit humain des influences pathogènes, car le corps est entouré d'un épiderme qui le protège des attaques des agents chimiques et physiques de la nature, tandis que la psyché est ouverte à tous les vents. L'esprit de l'homme est ainsi exposé aux pressions incessantes des différents éléments d'ordre psychologique et moral, se développant dès lors suivant la nature et la force de ces éléments.

« Il est pratiquement impossible que l'homme défende son esprit contre les effets de l'environnement et du social, car tout le monde, sans exception, est influencé par ses semblables. Si l'homme vit, depuis son enfance, avec les criminels et les ignorants, il reste un être ignorant et aura un comportement criminel ».

Au sujet de l'imitation, les psychologues ont effectué plusieurs expériences dont les résultats ont donné lieu à des constatations étonnantes:

« Au Printemps, ils ont présenté un échantillon de cent hommes qui se sont présentés à des postes de responsabilité et de direction. Ils les ont mis à l'épreuve pour déterminer leur capacité intellectuelle, à l'Institut de Psychologie de l'Université de Californie, pendant trois jours. Le troisième jour a été réservé à l'estimation précise du niveau d'influence sur la personnalité exercée par autrui et particulièrement par la raison collective. Cet échantillon fut divisé en deux groupes de

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cinquante personnes chacun, cinquante hommes ont été testés par cinquante autres qui les surveillaient et observaient. Ensuite, les hommes soumis au test furent partagés en petits groupes de cinq individus chacun. En face de chaque individu se trouvait un appareil qui donnait la réponse du candidat. Toutefois, la réponse rapportée sur les fiches de cet appareil était dépendante de la volonté des examinateurs et non de celle des intéressés. En réalité, les examinateurs trompaient sciemment ceux qu'ils testaient par des réponses sensées être celles de la majorité; une majorité fictive en réalité, alors que les personnes testées croyaient que ce qui apparaissait sur l'écran de l'appareil représentait vraiment l'opinion de la majorité de leurs camarades. Et c'est ainsi que, en général, ils reprenaient leurs réponses de manière automatique et irréfléchie. C'est ainsi que quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux ont été influencés par des réponses fausses et illogiques qui étaient celles d'une majorité fictive et qui tendaient à résoudre un problème mathématique ».

L'orientation des pécheurs

Il convient d'observer que si l'objectif de l'amitié portée aux pécheurs et hommes entachés par la vilénie est de les orienter et de les sauver du déshonneur et du désespoir, alors le but est noble et digne de respect et l'Islam appelle à ce que les musulmans fournissent les moyens de s'en sortir à ceux qui ont outrepassé les limites de la vertu et de la moralité, en les conseillant et en les orientant vers le bien.

Il est naturel que l'exhortation du pécheur adopte une méthode particulière, car la critique

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ne donnera le résultat escompté que si elle est faite avec tact et si elle est désintéressée. Certes, dans la plupart des cas, cette méthode s'avère efficace et peut même amener des transformations radicales chez le sujet en lui faisant prendre conscience de la nécessité de s'élever à un niveau humain plus honorable et plus vertueux et on pourra dire que la vertu et l'amitié auront rempli leurs rôles de manière satisfaisante.

L'Imam Al-Sâdiq (que le salut soit sur lui) disait:

« Celui qui voit son frère agir en mal et qui ne l'en empêche pas, alors qu'il le peut, l'aura trahi ».

Les anciens disaient pour leur part: le conseil est amer. Ceci est vrai. Ainsi, la personne qui donne le conseil doit s'exprimer avec retenue et tact, montrer du doigt les faiblesses et les négligences morales de ses interlocuteurs de manière appropriée. Il doit leur faire comprendre, avec des mots d'amitié et de considération, que la voie qu'ils ont empruntée ne peut les mener qu'à leur perte.

Il devra donc acquérir la confiance et le respect de son ami et l'amener à adopter son opinion, loin du regard des étrangers.

Cependant, il peut arriver qu'un ami ignorant conseille une personne et que cela entraîne des résultats contraires, tandis que le sage, même s'il est peu vertueux, donnera des conseils si intelligents et empreints de tant de discernement que les conséquences ne peuvent qu'être bénéfiques.

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Ton conseil au milieu des gens est perdu d'avance ».

Pour Daryl Carnegie:

« Si vous voulez

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prouver quelque chose, alors agissez avec prudence et talent, de sorte que personne ne devine ce que vous visez par vos paroles. Agissez selon le conseil du poète qui disait: soyez des éducateurs sans que personne ne s'en aperçoive. Rares sont les hommes qui ont la capacité de discerner et de juger de manière correcte et juste; la plupart d'entre nous sommes tendancieux et entêtés. Nos raisons sont enveloppées dans un voile noir de soupçons et de jalousie, de crainte, d'envie et d'orgueil. Si vous voulez humilier quelqu'un par ses erreurs, alors recherchez leur cause.

« Si nous nous trompons et admettons nos propres erreurs avec facilité, alors nous pouvons, si nous sommes suffisamment habiles, amener les déviants à reconnaître leurs fautes par des mots gentils et aimables.

“Il est évident que nous pouvons nous enorgueillir de la justesse de notre autocritique et de notre courage à reconnaître nos erreurs, mais il est moins évident que d'autres puissent nous amener à reconnaître ce qui nous déplait”.

Le onzième Imam (que le salut soit sur lui) disait:;

“Celui qui conseille secrètement son frère l'a séduit et celui qui le harangue publiquement l'a desservi”.

D'autre part, si l'un d'entre nous est éprouvé par le péché et qu'un ami veut nous sauver de la déchéance par des conseils, il convient que nous acceptions ces conseils d'ami avec générosité et intérêt pour tenter de réparer nos erreurs.

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait à cet égard:

“Ton conseiller a pitié de toi et te veut du bien; il

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espère pour toi et tente de corriger tes erreurs. Ton salut passe par l'obéissance à ses conseils et ta perte par ton refus d'en tenir compte”.

Ainsi, chaque fois que l'homme s'empresse de se purifier, dès qu'il s'aperçoit de ses péchés » il en tirera bénéfices et avantages, car tout retard ou négligence n'amènera que douleurs et désespoir.

La critique des proches n'est pas seulement bénéfique pour l'amendement de soi, mais même celle des ennemis peut entraîner des résultats satisfaisants pour les hommes comme le disait le calife Ali:

« L'ennemi peut être plus bénéfique que l'ami, car il montre à l'homme les faiblesses à éviter ».

Un philosophe américain écrivait:

« Certains grands personnages quand ils s'appuient sur la gloire et la puissance sont hypnotisés par celles-ci, mais dès lors qu'ils sont frappés par le malheur ou la défaite ils s'en vont tirer les leçons de l'échec en remettant en cause leur moi et leur humanité. Ainsi, ils accèdent à la vérité éblouissante qui leur fait connaître leur ignorance et les libère de l'errements en leur indiquant la voie de la droiture et de la connaissance.

« Le sage peut s'entendre avec ses ennemis et ses détracteurs, car l'analyse de ses points faibles va le servir davantage, de même que les blessures qu'ils auront pu lui causé se cicatriseront rapidement pour disparaitre et lorsque ses ennemis penseront être prêts du but, il l'a déjà atteint.

« La critique est plus salutaire du point de vue des résultats et des effets que la flagornerie et c'est pour cette raison que je porte plus

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d'intérêt à un journal qui me critique et me parle avec franchise, me donnant ainsi des raisons d'être content de ma réussite, plutôt que de m'abreuver de paroles mielleuses et hypocrites qui me desservent auprès de mes ennemis.

« De manière générale, tout malheur qui ne détruit pas nous est bénéfique. Tout comme les habitants des Iles Sandwich qui lorsqu'ils tuent leurs ennemis croient capter les forces qui les habitent, nous devons, pour notre part, croire que la force de nos ennemis sera la nôtre en fin de compte ».

L'amitié la plus désastreuse est celle des ignorants et des imbéciles, car elle se traduit par le malheur de celui qui cultive ce genre d'amitié. Le danger et les dommages qui peuvent affecter l'individu à cause de l'ignorance de l'ami sont plus grands que les dangers encourus face à l'ennemi, car l'ami du fait de la confiance qu'on lui accorde ne représente pas, à nos yeux, un sujet de préoccupations ou une source de dangers et peut, dès lors, nous causer la surprise la plus amère et les torts les plus grands sans qu'on puisse faire marche arrière, alors que devant notre ennemi nous sommes toujours avertis et prêts à faire face.

Une connaissance incomplète doublée d'une volonté de faire le bien peut amener un ami à connaître des erreurs et donner des conseils qui ne causeront que tracas et malheurs, sans volonté de les causer.

À cet égard, le dévouement et la loyauté dans les relations individuelles ne suffisent pas à faire le tri des

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amis; il conviendrait plutôt d'évaluer, selon notre connaissance, leurs qualités et vertus qui sont, en vérité, plus importantes qu'autre chose. Ainsi, ceux qui refusent de se lier d'amitié avec les imbéciles peuvent être considérés comme des gens de grande sagesse. Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Ne fréquentez pas les gens de peu de raison ».

L'lmam Al-Bâqer nous a décrit les individus indésirables qui ne méritent ni l'amitié ni la fréquentation et nous avertit des conséquences à nouer de tels liens avec les gens de cette espèce;

« Ne côtoie pas les quatre genres d'individus suivants; l'idiot, l'avare, le lâche et le menteur. L'idiot voudrait t'aider, mais te nuira; l'avare voudra te prendre sans te donner; le lâche te fiera et fiera ses parents enfin le menteur promet mais ne dit jamais vrai ».

L'intellect faible et le manque de clairvoyance quant aux conséquences des actes entraînent l'homme à sa perte et, finalement, à son malheur. Nous avons vu plusieurs personnes qui ont dévié de la bonne voie, sur les instigations de leurs amis qui voulaient qu'ils leur ressemblent et partagent leurs crimes, pour que ces gens de bien à l'origine participent avec eux aux œuvres malfaisantes et gâchent à jamais leur bonheur.

Ces gens de caractère faible se rendent compte qu'ils sont entra î nés par leurs amis sur des chemins dangereux, mais ils ont peur d'être accusé d'indécision et de lâcheté. Pour repousser cette accusation, ils se soumettent à la volonté de ces soi-disant amis et à leurs requêtes, sans aucune résistance. En

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fin de compte, le résultat sera invariablement le même: une errance dans les ténèbres et une existence vouée au mal.

Le jour viendra où ils s'apercevront de leurs erreurs, en imitant aveuglément de faux amis, sans réfléchir aux conséquences. Mais, malheureusement, ce réveil et cette prise de conscience se feront après avoir perdu de longues années et gaspillé leur existence à se fourvoyer. Cette période d'inconscience peut durer jusqu'à la fin de la vie de l'homme, sans qu'il puisse sortir du désespoir et du malheur où il s'est plongé.

Le Coran rapporte les paroles suivantes de celui qui se rend compte de son erreur au jour du Jugement Dernier:

« Malheur de moi! Hélas! Si je n'avais pas pris un tel pour ami! »

L'Émir des Croyants Ali (que le salut soit sur lui) nous fait découvrir une catégorie de gens qui est indigne de fréquentations et d'amitié et dont il faut se méfier:

« Ne fréquente point les adeptes de la vie d'ici-bas, car si tu faiblis ils t'abandonneront et si tu dis ils t'envieront ».

Il ajoutait:

« Ne fréquente pas celui qui se souvient de tes défauts et oublie tes qualités ».

Et encore;

« Ne fraternise pas avec qui cache tes qualités et crie tes défauts ».

Puis:

« Ne fréquente pas le flagorneur qui embellit ses actes et voudrait que tu sois à son image ».

Enfin:

« Celui qui ne t'aime pas pour toi-même sera pour toi une calamité ».

La réserve et la prudence en amitié

Les sages et les prévenants sont ceux qui respectent les limites de l'amitié et son équilibre et qui font preuve de réserve et de prudence. L'excès dans l'amitié et la

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transgression de ses limites et de la convenance ne peuvent qu'entraîner à des conséquences désastreuses et regrettables, car les liens et les sentiments d'amitié ne résistent pas à toutes les épreuves. Certains évènements ou conflits d'intérêts peuvent amener l'émergence d'une différence de raisonnement dans la relation qu'entretiennent les deux parties, c'est-à-dire à une tension qui ébranlera l'amitié et troublera son cours.

Il est arrivé, à plusieurs occasions, qu'une amitié réputée solide et durable se soit transformée en une inimitié vivace et profonde. Du fait qu'une personne connaisse de son ami tous ses points faibles et ses travers, tout acte déplacé n'en aura que plus d'effets, surtout quand cela survient à l'improviste et de manière inattendue pour cet ami.

Cependant, les relations basées sur l'équilibre et la modération sont, généralement, les plus durables et les moins exposées aux turbulences. Au vu de ces aspects, l'Imam Al-Sâdiq a prévenu les gens de ne pas dépasser les limites de l'amitié au point de divulguer des secrets personnels:

« Que ton ami ne sache pas tes secrets que ce que pourrait connaître un ennemi, sans pouvoir te nuire, car l'ami peut devenir un ennemi ».

Un savant occidental disait:

« Si nous dépassons cette étape, se posera la manière de côtoyer et de se lier d'amitié avec les gens. Beaucoup de gens continuent d'être anxieux et troublés. Ils déclarent leurs secrets les plus intimes à leurs amis et dès que le lien d'amitié se rompt apparait alors l'inimité qui utilisera les armes que sont les secrets échangés.

« D'autres se trompent d'une manière différente.

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Ils ne cessent de faire preuve d'animosité à l'égard de leurs ennemis et, lorsque les images de la colère et des ressentiments se dissipent après un certain temps, ils regrettent amèrement leurs actes et leurs paroles ».

Nous devons, à cet égard, agir conformément aux dires de l'lmam Ali (que le salut soit sur lui) qui conseillait:

« Aime ton ami comme s'il ne devait jamais faire l'objet de ta colère un jour et réprouve avec retenue celui qui te hait, car il se peut qu'il devienne un jour ton ami ».

L'hypocrisie et la droiture

Vous avez peu fait face, dans la société, à des gens qui acceptent et s'adaptent à tout le monde, avec chaleur et passion, mais qui, en réalité, tentent ainsi d'attirer l'attention d'autrui et de se grandir aux yeux de leurs semblables. Leur cœur est vide de tout sentiment et ils cachent leur véritable visage sous un masque d'amour et d'affection. Leur attitude est celle des flagorneurs qui font montre d'une dignité feinte et qui croient que l'hypocrisie est un moyen qui leur permettra, selon le contexte et la nécessité de l'heure, d'accéder par la tromperie et la ruse aux ranges les plus élevées dans la société.

Cela se remarque dans tous leurs comportements, actes et pensées, car ils oublient que les vertus de l'esprit et de l'âme ont plus d'importance que l'opinion toute subjective des hommes.

Lorsqu'on s'aperçoit finalement que toutes les actions qu'entreprennent ces gens sont destinées à assouvir des besoins égoïstes et individuels, au lieu de satisfaire la conscience et l'âme, alors l'on comprend

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toute l'hypocrisie de ces gens et leur fausseté.

Les opinions d'autrui n'ont pas d'importance telle qu'elle puisse influencer la vie de l'homme et son bonheur. Nous ne devons pas prêter une attention excessive à ces opinions et sentiments, exprimés par d'autres, nous devons avec raison et lucidité comprendre que les déterminants du bonheur sont dans la conscience même de l'homme, non dans les avis des autres. Si une attention trop excessive est accordée au regard et à l'opinion d'autrui, l'homme deviendra dès lors leur captif et leur esclave, dépendant de leur humeur versatile.

Il faut dire que les jugements des uns par rapport aux autres sont le plus souvent fondés sur des intérêts personnels tendancieux, changeant avec le contexte et les évènements. Nous devons toujours nous rappeler cette réalité pour évaluer à leur juste mesure les jugements des hommes.

En conséquence, si l'homme devait choisir dans la vie une voie juste, réprouvée par autrui, acceptant de devenir l'objet de critiques injustifiées pour son choix judicieux, il ne devrait jamais s'en affecter outre mesure.

À ce sujet, le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Que ne te blesse pas ce que disent les gens de toi, car si cela est vrai ce serait un péché qui serait très vite puni et sinon ce serait un bienfait que tu n'aurais pas accompli ».

Pour Bertrand Russell:

« La crainte des jugements portés par autrui comme toutes les craintes empêche le développement et le progrès de l'être humain. Tant que cette crainte durera, la réussite et l'ascension sociale deviennent

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chose très difficile à réaliser. Il est même impossible, dans ce cas, que l'homme ait une indépendance d'esprit et d'âme dont dépend le vrai bonheur, car la condition essentielle du bonheur repose sur notre manière de vivre et sur nos propres motivations et n'est pas liée aux désirs et motivations égoïstes et personnelles d'autrui ».

William John Riley écrivait à ce sujet:

« Nul n'est moins doué d'esprit et de personnalité que ces hommes pleins de suffisance et qui ne sont, en réalité, que des gens habités par le doute et l'incertitude. Ils pensent sans arrêt à ce que pensent les autres à leur sujet et sont toujours prêts à agir selon le vœu d'autrui.

« Ces individus sacrifient, en vérité, leur personnalité et leur volonté aux penchants des autres. Si vous consentez à être sous l'influence et la domination des autres, vous n'aurez plus le courage de rien entreprendre et ne connaîtrez ni réussite ni bonheur.

« Il est évident que ces propos ne signifient pas qu'il faille fermer les yeux sur les propositions sensées et bénéfiques et qu'on n'en profite pas, mais il faut que l'homme fasse son bénéfice des propositions et opinions qu'il croit digne d'intérêt et amenant à des solutions raisonnables et qu'il agisse en conséquence. Autrement, si vous suivez les désirs des autres sans discernement, vous entrerez alors dans un cercle vicieux dans vos relations sociales. Soyez donc fermes sur les idées auxquelles vous croyez et qui vous paraissent dignes d'intérêt, ainsi vous parviendrez à la sérénité et garderez intactes vos forces morales.

« La

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soumission aux désirs et décisions d'autrui produit un changement dans vos penchants réels et dans vos pensées louables. Elle vous subtilise votre liberté et votre indépendance individuelles et vous enlève toute personnalité et volonté, au sens réel du terme. Vous ne pouvez plus dès lors être vous-même, car lorsque vous perdez votre liberté de penser vous avez alors tout perdu.

« La raison collective, l'opinion publique, la situation et le contexte général sont changeants et versatiles au point d'être contradictoires. Plus vous recherchez l'accord de l'opinion publique, moins vous aurez de résultats concrets et plus vous résistez aux pressions et aux opinions, plus cette opinion publique se rangera à votre opinion. Il est dans la nature humaine qu'on rende hommage à l'homme courageux et téméraire qui ose prendre des décisions et qui a une volonté de fer ».

L'isolement et le repli sur soi

Les raisons de l'isolement de l'homme et de son repli sur soi, évitant le rapport aux autres, résident en fait dans l'apparition d'un sentiment de culpabilisation d'autrui qui cause chez l'individu un arrêt du développement sentimental et social. Ainsi, ce sentiment transforme les espoirs de vie communautaire en un affreux cauchemar qui est accompagné d'un sentiment d'impuissance.

À ce propos, le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Celui qui n'a que suspicion, craindra la présence de tout le monde ».

Schnachter écrivait:

« Chacun aime à fréquenter tout le monde et chacun espère être, dans la société, aimé, heureux et respecté par ses semblables, mais lorsque ce désir est inassouvi l'esprit s'imagine que fuir la compagnie des hommes est

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plus facile que de vivre avec eux. En fait, la vérité est toute autre, car si la fuite était la solution au mal, il n'en demeure pas moins que notre désir de fréquentation de nos semblables restera inassouvi. On voit que le problème n'est pas résolu. « Il existe des stades et des niveaux d'isolement et de repli sur soi qui peuvent aller jusqu'au point où l'homme abandonne ses amis, sa famille et le monde entier et qu'il s'isole, malheureux et triste. Heureusement que la plupart des gens asociaux n'atteignent ce stade dangereux de suspicion, de scepticisme et d'isolement.

« Nous avons connu un ingénieur qui avait suivi des études très poussées, professeur accompli, mais qui se comportait avec les employés sous ses ordres à l'usine avec sécheresse et brutalité. Il déjeunait tout seul et ne discutait et ne fréquentait personne. Il ne souriait ni ne plaisantait et ne permettait à personne de le critiquer. Nous savions tous qu'il souffrait au fond de lui-même de son état et qu'il espérait pouvoir discuter avec les autres, participer à leurs plaisanteries et les traiter en amis ou, mieux encore, en frères!

« Lorsque le psychologue le reçut et analysa son état et sa situation, il sut que cet homme doutait inconsciemment de l'obéissance de ses ouvriers et s'imaginait qu'ils le croyaient indigne d'être leur chef et donc il devait les traiter avec dureté et brutalité ».

Le livre: un ami inestimable

Si nous avions à choisir un ami, dans nos moments de solitude, le « livre » serait le choix judicieux, car il nous propose des

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sujets dignes d'intérêts et d'attention et nous connaîtrons, grâce à lui, les œuvres des grandes figures du passé, porteuses d'un savoir étendu et de valeurs authentiques.

Les progrès et développements fantastiques qu'a réalisés l'homme dans les différents domaines du savoir et des arts ne sont pas le résultat d'un sursaut soudain; ils sont la conséquence des expériences accumulées au fil des siècles et sont passés aux générations successives à travers les livres et les écrits. Bien que les penseurs eux-mêmes aient disparu depuis des lustres, leurs pensées et leurs œuvres ont été préservées dans les « livres ».

Par l'étude de ces œuvres, le lecteur franchit, en un sens, les limites du temps et profite du savoir de ces hommes exceptionnels qui ont disparu aujourd'hui. En compulsant ces sons du passé que sont les livres, l'on découvre bien des vérités insoupçonnées.

L'un des avantages qu'offre l'étude des œuvres des hommes de culture et de savoir, c'est que tout le monde-riches ou pauvres-peut rencontrer ces personnages illustres et passer le temps qu'il veut à la connaissance des hommes qui ont marqué l'histoire humaine. Par la lecture, nous pouvons sauver nos âmes des affres de la solitude.

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Celui qui prend plaisir aux livres peut se passer des autres loisirs ».

Il ajoutait:

« Celui qui recherche le savoir ne craint pas l'isolement ».

Un savant européen disait:

« L'homme, par sa nature, fuit et craint l'isolement et veut toujours côtoyer ses semblables et ses proches, comme s'il y avait un vide dans sa vie qu'il faut combler

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et que des liens et des attaches le reliaient aux autres, empêchant qu'il vive dans l'isolement. Nul doute, dès lors, que le livre est le meilleur compagnon, car il nous transporte d'un environnement plein de gens ordinaires à un monde de pensées et d'imaginaire fantastique. Il nous permet d'entrer en contact avec les grandes figures de l'histoire et de partager leur savoir.

« Ainsi, nul compagnon et soutien aux jours de solitude n'est plus approprié et plus fidèle que le livre, car la compagnie des hommes de ce monde n'est pas exempte de dangers du fait qu'ils tentent parfois de nous entrainer à suivre leurs désirs et leurs penchants peu avouables. Ils nous poussent donc vers le gouffre des pêchés alors que le livre nous conseille, tel un vieux sage expérimenté qui, par ses propos, éloigne l'influence des désirs néfastes de notre esprit ».

Pour Taylor.

« Le livre est un guide pour les jeunes qu'il entraine vers le bien et la vertu, car la nature de ceux-ci est un mélange d'orgueil et d'ardeur, tandis qu'il est, pour les anciens, un divertissement qui les libère des chaines de la tristesse et du désespoir, car la vieillesse est l'étape de l'isolement et de la solitude dans la vie ».

L'étude de la vie de ceux qui ont amené de grands changements dans l'histoire de l'humanité nous permettra de mieux nous orienter dans la connaissance de la vie et nous offrira des modèles d'hommes dignes d'être suivis dans l'existence. Tout comme il est possible de connaître la moralité des gens

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en étudiant leurs amis et compagnons, de même le choix des livres qu'on lit et qui nous passionnent est révélateur de la pensée et de l'esprit de l'individu.

Ainsi, si nous voulons être vigilants dans le choix des amis, pour éviter tout lien ou relation dommageables, nous devons également faire un choix pertinent de nos livres, car le livre n'est pas toujours digne d'être lu et de combler avec profit notre temps libre. Beaucoup de ces revues et de ces lectures n'ont aucun intérêt et peuvent même être porteuses d'idées et de pensées empoisonnées, surtout lorsqu'ils sont destinés à un lectorat disposé à tout admettre avec enthousiasme, sans critiques ni discernement. Ce genre d'écrits peut causer bien des dommages à la jeunesse et hypothéquer son avenir.

Il est regrettable qu'à notre époque on diffuse de tels livres, vides de tout sens et de nature tendancieuse, dont les effets pervers sont manifestes et l'influence très dommageable pour les jeunes, en particulier. Ces livres sont comme ces brigands qui se cachent pour ravir les cœurs des jeunes et leur esprit, s'empressant de détruire les valeurs humaines et saper les fondements de la foi chez les jeunes qui pratiquent ce genre de lecture.

Le plus souvent, nous nous apercevons que les moyens de loisir sont, pour une grande partie de la jeunesse, des livres de moralité douteuse. C'est ainsi que, jour après jour, ces jeunes s'orientent vers les aspects matérialistes de la vie, car peu leur importe le contenu du livre du point de vue pédagogique

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pourvu qu'il contienne des histoires d'amour à profusion.

Il est donc évident que lorsque le choix des livres ne se fait pas sur la base de l'étude et de l'observation clairvoyantes et objectives et que le seul but recherché est le plaisir, la lecture sera dès lors le prélude d'une vie d'errance, de vilénie et de dispersion des énergies.

Pour Raymond Page:

« Les jeunes doivent faire attention à la qualité de ce qu'ils lisent, car il est rare, aujourd'hui, que nous soyons confrontés à des pensées et des idées nobles. Par contre, nous observons que les différentes revues hebdomadaires et mensuelles factices et peu instructives sont la source quasi unique de lecture chez les jeunes.

« Lorsque les adolescents et les adolescentes choisissent les livres dont le contenu n'a aucune consistance, c'est alors que, progressivement, ils perdent tout désir de connaître ce qui est plus instructif et plus noble, car ces livres éveillent en eux des sentiments de haine et d'incompréhension et les rapprochent d'une situation qui mènera en fin de compte à la déchéance morale. Ces livres affaiblissent la volonté de leurs lecteurs et les habituent à un manque de sérieux dans la réflexion. Autrement dit, ils modifient la vie psychologique chez le lecteur en une vie vile et sans raison ».

En conséquence, la lecture de livres dignes d'intérêt, parallèlement au fait qu'ils accordent au lecteur une meilleure vision du monde, peuvent ouvrir un nouveau chapitre dans la vie des hommes et font que leurs activités, leurs énergies et leurs efforts tendent à leur ouvrir

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une nouvelle voie qui améliorera et anoblira leur personnalité. Ils sont nombreux ces individus qui ont acquis leurs forces morales et spirituelles et leur connaissance par cette source intarissable que sont les livres, pour s'élever vers les plus hauts honneurs.

Pour Gass Hood:

« Ma propension naturelle à lire des livres a sauvé le navire de ma vie, durant ma jeunesse, et l'a empêché de couler au milieu des flots de l'ignorance et des péchés, tandis que rares sont ceux qui, comme moi, privés de l'affection et de la surveillance des parents, ont réussi à échapper aux vagues de l'obscurantisme et de l'errance.

« Des livres m'ont empêché de sombrer dans les vices du jeu, de l'alcool et de la fréquentation des milieux troubles. Certes, celui qui trouve la bonne voie grâce à l'enseignement des gens illustres n'acceptera jamais de vivre en compagnie des hommes de mal, des pêcheurs et de la mauvaise engeance ».

Chapitre 13: La Confiance en soi et L’Amour de la Vérité

Le succès dans la vie: un droit pour l'homme

Les progrès et développements réalisés par l'homme dans tous les domaines scientifique, culturel, artistique ou économique, ainsi que la réussite que symbolisent les grandes figures de l'histoire n'ont pu se faire que grâce à la confiance en soi et une activité soutenue, car nul ne peut accéder aux plus hautes marches du triomphe sans ces qualités.

Notre foi dans le succès nous permet d'atteindre nos objectifs. C'est la condition sine qua non de la réussite, car toute action qu'entreprend l'homme n'est que la résultante de sa volonté et de sa profonde conviction en ses idées et ses projets. Si son assurance

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et sa confiance étaient ébranlées, alors toute son activité demeurerait infructueuse.

Il ne faut jamais confiner nos pensées dans les limites, grandes ou petites, de nos actions, quelles qu'elles soient, mais, nonobstant son importance, nous devons poursuivre toute action avec une grande confiance en soi, persévérance et honnêteté jusqu'à son achèvement. Dans toutes les sociétés, il existe des individus qui se sont faits eux-mêmes, en puisant dans leurs qualités morales et spirituelles pour le plus grand bien de l'humanité, réalisant les objectifs humains les plus nobles, car plus les principes humains sont pris en compte, plus notre action est positive et fructueuse. La mise en pratique des principes humains, dans le contexte adéquat, a rendu célèbres bien des hommes et conduit à leurs réussites tout au long de leur existence.

Le manque de confiance en soi et la faiblesse de l'esprit sont les causes principales de l'apathie et du manque de dynamisme et ceux qui doutent de leur volonté et de leurs actes et comptent sur les autres pour réaliser leur bonheur matériel et moral, attendant et espérant leur aide, verront les portes de la réussite se fermer devant eux.

Dès que le manque de confiance en soi et que le doute dans la capacité à entreprendre quoi que ce soit s’installe dans l'esprit, dès lors rien ne réussira et aucun espoir de succès ne sera permis.

Nombreuses sont les dispositions naturelles qui n'ont pas été exploitées du fait du manque de confiance en soi. Nombreux sont les rêves et les espoirs grandioses et

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ambitieux qui sont restés enfouis et sans lendemain par manque de foi. Car l'on oublie souvent que même si les capacités ne sont pas énormes, dès lors que la confiance en soi est inébranlable, la réussite dépassera toutes les prévisions. Mais en présence de quelqu'un qui doute de lui-même, la moindre difficulté sera pour cet individu insurmontable, car il ne peut fournir l'effort nécessaire au dépassement des évènements et des obstacles.

Ils sont nombreux ces gens qui ne disposent que de capacités limitées, mais qui ont progressé grâce à leur esprit confiant dans la vie et ont accumulé les succès. Aux instants critiques et lorsque nécessaire, ces individus puisent dans leurs âmes les forces et énergies qui leur permettent de surmonter les dangers et, par conséquent, de s'en préserver.

Les problèmes complexes ne causent, à ces personnes, aucun changement dans leur destin, car un esprit résolu dégage une énergie positive et déterminée. Ainsi, tout ce qui peut augmenter et renforcer leur volonté conduit, par la même, à une diminution de l'énergie négative qui s'oppose au dynamisme et à la confiance en soi.

Ceux qui puisent en eux-mêmes la volonté nécessaire sont ceux qui rejettent toute pensée négative et surmontent toute faiblesse ou paralysie qui pourrait les affecter. Nul ne peut les détourner de la juste voie qu'ils se sont choisis; nul ne peut les éloigner des objectifs auxquels ils croient. Ces hommes sont foi en Dieu et croient qu'il n'empêche personne d'accéder aux sources du bonheur et de la réussite, car l'incapacité et

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la privation sont le résultat des pensées des gens. La réussite est un droit que l'homme peut revendiquer à juste titre, à condition qu'il soit doté d'un esprit positif et constructif et qui poursuit son but avec foi et résolution.

Pour le Dr Marden:

« La foi et la confiance en soi sont une force créatrice, tandis que l'absence de foi est une énergie négative qui apporte humiliation et destruction.

« Le sentiment de confiance en soi éloigne et chasse la faiblesse et le manque de résolution. Il permet à l'homme d'aller de l'avant sans s'arrêter ou hésiter et sans dépenser une énergie excessive, mais avec la force et la résolution requises. Tous les inventeurs, réformateurs, explorateurs et autres conquérants avaient confiance en eux-mêmes et dans leurs dispositions, énergies et capacités. Par contre, lorsque nous passons en revue la personnalité des gens incapables et abattus, nous nous apercevons que la plupart d'entre eux n'avaient aucune résolution, car manquant de confiance en eux-mêmes.

« Nous ne savons pas ce que Dieu a semé dans l'esprit de ces gens qui ont la capacité totale d'entreprendre de grandes actions. Cependant, nous savons que la confiance absolue de l'homme en la réussite dans son action est le signe évident de sa disposition et de sa capacité et que celui à qui Dieu a accordé la foi et la confiance absolue en lui-même. Il l'aide à réussir dans ses œuvres. Alors, ne vous privez pas de la confiance en vous-mêmes et ne permettez pas aux autres de vous faire douter, car votre

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réussite en dépend. Si cette base est ébranlée, alors toute la structure qu'elle soutient s'effondrera avec elle et si elle reste intacte alors les portes de l'espoir s'ouvriront devant vous ».

La manière de réfléchir à une grande importance dans la vie des gens et dans leurs relations sociales. Si vos pensées sont dominées par la détermination et la confiance vous gagnerez là où vous vous trouverez la sérénité et la paix de l'esprit. Mais lorsque vos pensées sont minées par un sentiment de suspicion et de doute et que votre confiance en soi est à son plus bas niveau, alors la faiblesse et l'incapacité à agir seront votre lot.

Certains ont une capacité innée à empoisonner leur milieu et environnement et à propager le doute et l'incertitude dans l'esprit de ceux qui aspirent au bonheur et à la liberté. Ces personnes négatives sont, dans la société, à l'instar des mauvaises herbes. Elles n'ont d'autres préoccupations que de démolir le moral des gens qui les entourent. Il est donc naturel que lorsque ces individus se multiplient dans une société, non seulement aucun bonheur ou succès ne sauraient se développer, mais que tout espoir de progrès et de développement disparait la confiance en soi et le dynamisme créateur et s'effacent et la volonté d'œuvrer et de faire des efforts également.

D'un autre côté, la vie devient insupportable à tous ceux qui se caractérisent par le dynamisme et l'activité qui sont contraints de côtoyer directement et régulièrement ces gens négatifs, au point que lorsqu'ils s'en éloignent

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ils ressentent un profond soulagement, comme si un énorme poids leur était ôté.

On trouve, dans la société, une autre catégorie d'hommes qui se sont habitués à la « faiblesse d'esprit » de manière telle qu'ils sont incapables de prendre une résolution fixe, même pour les choses les plus banales. Aux moments critiques qui appellent des décisions importantes, ils sont frappés d'immobilisme, alors que l'opportunité qui leur est offerte peut transformer le cours de leur existence. On le voit, dans ces moments décisifs, hésitants et indécis au point où toute observation ou critique de quiconque les amène à différer leur décision, si juste et si intéressante soit-elle.

La hantise de l'échec et de l'insuccès pousse à se soumettre aux pensées des autres et à leurs conseils, sans réflexion ou discernement, abandonnant même tout ce qui a été déjà entrepris.

Il est alors évident que cette tare ou cette faiblesse se traduira par l'immobilisme et l'inaction qui réduiront les perspectives de développement de l'individu.

Plus la confiance en soi de l'homme est grande, plus la confiance des gens à son égard s'en trouvera renforcée. L'influence de l'individu sur ses semblables est liée au niveau de confiance et de foi qu'il aura emmagasinée en lui. Si l'on a confiance en soi et qu'on a foi en nos actions, l'on pourra alors capter la confiance de ceux qui vivent autour de nous. À contrario, moins on a confiance en soi, plus on sera disposé à se soumettre à la volonté et à l'avis d'autrui.

En un mot, chacun de nos

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mouvements, dans la direction de la confiance ou de l'hésitation, produira une réaction en conséquence de la part d'autrui.

Du danger à se nourrir d'illusions

La confiance en soi et l'activité soutenue, tendant à réaliser le bonheur, sont les éléments déterminants de la réussite.

Cependant, le fait de nourrir des espoirs insensés et de graver ces espoirs au lieu de se consacrer à réaliser des choses concrètes, éloignera l'homme des réalités de la vie. Les rêves et espoirs doux et trompeurs peuvent influer profondément sur l'esprit des gens et en les éloignant de la vérité et de la réalité, causer leur perte.

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Rejette l'espoir et n'ait pas foi en lui, car il est trompeur ».

Vivre sur des espoirs illusoires et irréalisables peut perturber gravement l'esprit, consécutivement à l'attente vaine de leur réalisation et à la désillusion qui s'en suit.

Ainsi, le calife Ali (que le salut soit sur lui) affirmait que la désillusion mène au complexe de l'esprit. Il disait:

« L'avilissement des hommes réside dans leur désillusion ».

De même, les psychologues certifient que la désillusion est un élément important dans le sentiment d'indignité et la disparition de la confiance en soi. Ils disent:

« Aucun facteur ne cause peut-être autant de dégâts à la valeur de la personnalité humaine que les revers et le reproche qui leur est consécutif, car l'échec conduit l'individu à se sous-estimer par rapport aux autres. Lorsque l'homme fait face à un échec, il pense être moins digne que les autres ou être plus misérable qu'eux. L'insuccès mine la confiance en soi

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et fait naître le désespoir et l'abattement. Ainsi, les enfants et les adolescents vont développer des complexes de mépris de soi lorsque leurs actions et tentatives se soldent par des échecs répétés ».

Quelques leçons du prophète

Le Prophète de l'Islam (que le salut soit sur lui) utilisait plusieurs méthodes pour former l'homme dont celle qui consistait à développer l'esprit d'émulation dans le travail chez ses compagnons, car les musulmans ont développé, conformément aux prescriptions du Prophète, une confiance en soi totale, un esprit d'entreprise, une résolution obstinée et de nobles objectifs, sans se laisser aller aux penchants et aux désirs ou se bercer de faux espoirs. Ils se reposaient toujours, en toute action, sur les bienfaits du Seigneur.

Le Cheikh Al-Kulayni a rapporté que l'Imam Al-Sâdeq disait:

« Il fut rapporté qu'un compagnon du Prophète (que le salut soit sur lui) a vu sa situation se détériorer. Voyant cela, sa femme lui dit: si tu allais chez le Messager de Dieu et le questionnais. Il se rendit alors chez le Prophète et lorsque celui-ci le vit, il lui dit: qui nous demande, nous lui donnons et qui se dispense Dieu l'enrichit. L'homme dit: Il parle de moi, Il revint alors vers sa femme et l'informa. Elle lui dit: Le Prophète est humain, alors confie-toi à lui. Lorsque le Prophète le vit à nouveau, il lui dit: qui nous demande nous lui donnons et qui se dispense Dieu l'enrichit. Cette scène se répéta trois fois.

« Alors, l'homme emprunta une hache et se dirigea vers la montagne pour couper du bois.

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Il le vendit pour une demi-mesure de grains dont il se nourrit. Le lendemain, il rapporta plus de bois et le vendit jusqu'à ce qu'il achète la hache et, plus tard, deux mulets et un jeune esclave. Il travailla tant et si bien que sa situation s'améliora et qu'il put vivre à l'aise. « L'homme se rendit chez le Prophète et lui raconta son histoire. Celui-ci lui rappela ce qu'il lui avait déjà dit: qui nous demande nous lui donnons et qui se dispense Dieu l'enrichit ».

Le célèbre savant Samuel Smiles disait:

« La confiance en soi est la base de tout succès et de tout progrès. Si la majorité s'y soumettait, alors cette nation serait grande et puissante. Le seul secret de sa réussite et de sa capacité est cette grande qualité, car la volonté de l'homme se renforce s'il ne compte que sur lui-même et s'affaiblit en proportion de l'aide et l'assistance qu'il reçoit d'autrui.

« Les aides qui lui parviennent des autres réduisent son activité et affaiblissent sa force et son esprit combatif. Dans ce cas, l'homme ne trouve plus de raisons de travailler ou d'entreprendre, surtout si les aides extérieurs couvrent largement ses besoins, car dès lors l'énergie de l'homme s'amenuise et s'éteint en lui l'esprit d'initiative et de combat.

« Les meilleures lois et législations accordent, certes, à l'homme l'indépendance et la liberté, pour qu'il se prenne en charge et règle sa vie, mais certains s'imaginent que les lois sont faites pour leur garantir le repos et le bonheur, sans efforts de leur

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part. »

« À la réflexion, on s'aperçoit que les méfaits et les faiblesses que nous attribuons à une nation, ou à un peuple ne sont en réalité que le fait de certains individus de cette nation et tant que les mœurs de cette nation et son esprit n'auront pas changé et que l'on voudra combattre ces méfaits par et au nom de la loi, ceux-ci ne tarderont pas à réapparaître, sous une autre forme et en d'autres lieux ».

Le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Qui n'aide pas n'est pas aidé ».

Il ajoutait aussi:

« Qui est incapable d'action se dérobera à ses responsabilités ».

Un penseur occidental écrivait:

« La nature ne permet à toute créature de demeurer en son sein que si cette créature est capable de se défendre et de lui être utile. De même, la formation d'une étoile, le choix de son orbite et sa stabilité sur cette orbite, l'arbre qui résiste aux vents et aux tempêtes et les forces vitales présentes en tout être vivant sont l'expression même du principe de la confiance en soi.

« Quant à nous, nous sommes telle une communauté sans discipline où personne ne respecte les limites qui lui sont fixées, où chaque individu ne consacre son intelligence à penser ou à se remettre en cause, préférant tendre la main pour demander l'obole.

« Pour ce qui concerne nos jeunes, si leur existence est marquée, à ses débuts, par l'insuccès, alors leurs esprits seront défaits. Si un jeune commerçant ne réussit pas dans ses affaires, les gens le classeront dans la catégorie

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des perdants. Si une personne douée d'une grande intelligence, poursuivant ses études dans une université, ne trouvait pas un emploi au bout d'une année, d'attente, ses amis et lui-même considéreraient que c'est un homme sans espérance et sans avenir.

« Un jeune homme obstiné du Vermont vaut mieux qu'une centaine de ces gens polissés et civilisés, car il s'adonnera pratiquement à toutes les activités durant des années, de manière soutenue. Il achètera, par exemple, une ferme pour planter et cultiver avant de devenir marchand ambulant puis directeur d'école maternelle, prêcheur de bonnes paroles, secrétaire dans un journal, propriétaire d'une parcelle de terre, etc. Chaque fois qu'il tombera, il se relèvera tel un chat sur ses pattes, indemne et prêt à se lancer dans d'autres activités.

« Ce jeune homme progressera avec le temps et n'aura pas honte dans le choix de ses activités, car il n'admet pas de gâcher sa vie et tente de tirer profit de chaque minute qui passe. Pour chaque occasion de perdue, il en saisit cent autres. Laissez les gens stoïques ouvrir la voie du progrès devant l'homme et lui dire qu'il n'est pas un arbre qui plie à tout vent, mais qu'il a la force de sortir indemne de toutes les crises et grâce à la confiance en soi, il verre surgir en lui des capacités nouvelles ».

Bien que la confiance en soi est une des grandes vertus et l'une des plus positives, nous devons faire, attention cependant à ce que cette qualité ne se transforme pas en un sentiment

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d'orgueil et de suffisance, car entre la suffisance et le réalisme la différence est grande et de taille.

Celui qui a foi en lui-même plus que de raison et agir avec excès dans cette attitude est un homme que domine le sentiment d'orgueil. En fait, cet orgueil est à l'origine de beaucoup d'erreurs parce que l'orgueilleux s'imagine posséder des forces et des capacités qui sont, en réalité, imaginaires. Cette confiance en soi excessive lui ôte toute vision réaliste des choses, souvent complexes, de l'existence.

« Au contraire de cet individu, l'homme doué d'une vision réaliste est toujours préparé à affronter les difficultés et regarde l'existence avec optimisme. Pour atteindre ses objectifs, il consacre les efforts nécessaires à cela, sans mettre plus que de raison ses capacités et ses énergies à l'épreuve.

Les pessimistes et le manque de confiance en sol

Autant celui qui a foi en ses qualités et voit ses forces et ses énergies décuplées, vivant ainsi heureux, libre et progressant dans l'existence, autant celui qui est influencé par les idées et les pensées négatives voit ses forces constructives diminuer, perdant en fin de compte tout dynamisme et tout esprit d'entreprise.

L'homme qui gémit continuellement sur son sort et sur les difficultés qui découlent de la vie court vers l'échec et la désillusion. Au lieu de préparer son avenir par sa seule volonté, il perd toute volonté face aux obstacles qui le repoussent en arrière et l'éloignent inexorablement des objectifs et des projets qu'il a conçu.

La faiblesse de caractère est le trait de caractère distinctif chez ceux qui manquent de confiance en soi.

Les

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psychologues disent:

« Il peut se trouver des pessimistes qui refusent de rendre service lorsqu'on leur demande quelque chose, car ils ne sont pas sûrs d'eux-mêmes et sont marqués par un esprit indécis. Convaincus qu'ils sont faibles et diminués, ils ne peuvent pas être en mesure de rendre le service qu'on leur demande. Ces gens ont peur de répondre positivement et de se trouver liés par un engagement qu'ils peuvent ne pas honorer. Par là, ils baissent dans l'estime de leurs semblables. Leur refus à toute sollicitation est en fait, pour eux, une manière d'éviter tout dilemme et toute épreuve.

« Le pessimiste voit toute chose sous un aspect négatif, car son attitude, son comportement et sa vision des choses et des êtres sont le fait d'un manque d'assurance. C'est pour cette raison qu'il apprécie peu la présence d'autrui différent, critiquant et accentuant les faiblesses de tout le monde. Cette attitude est dominée par un orgueil démesuré à l'égard de ses semblables. Il met en doute les pensées établies et rejette les idées nouvelles et novatrices.

« Les pessimistes ont une attitude méfiante, pour ne pas dire belliqueuse, vis-à-vis des hommes qui leur sont inconnus et acceptent difficilement leur présence. Il arrive même que ce comportement s'enracine tellement chez ces individus au point où ils voient tout le monde d'un mauvais œil et qu'ils critiquent toute idéologie ou pensée avant de la soumettre à examen. Ils deviennent, de ce fait, des individus asociaux.

« Si ces gens vont vers leurs semblables, c'est parce qu'ils croient que leur compagnie

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aidera à diffuser les idées, théories et croyances qu'ils prêchent ».

L'Islam et l'indépendance d'esprit

L'amour de la liberté individuelle trouve sa source au plus profond de la conscience humaine. Ce besoin inné est à la base de toute action humaine.

L'Islam parle des penchants humains avec objectivité et réalisme. Non seulement il appelle à ne pas refouler les instincts constructifs et positifs et à les exprimer, mais il en fait également le fondement du progrès qui aide à réaliser les objectifs humains les plus nobles. Cependant, il englobe, dans cette vision, les forces dynamiques, d'un côté, et les principes qui régissent ces forces par la discipline et l'ordre, d'un autre côté.

Dans cette vision globale, on réalise l'équilibre de l'esprit humain. Au moment voulu, pour aller de l'avant et atteindre le stade de la plénitude, on consacre les efforts nécessaires avec résolution et persévérance, sans gaspiller les énergies accumulées à réaliser des objectifs autres que ceux essentiels dans la vie.

Le développement et le progrès sont des objectifs purement humains. Sachant que l'homme possède des forces limitées, il lui est dès lors interdit de dépenser celles-ci à réaliser des objectifs indignes de lui. De grands espaces d'expression lui sont accessibles et il peut choisir le chemin qui lui parait le plus à même de le mener à un monde meilleur et plus élevé.

Car vouloir réaliser des objectifs indignes, en répondant aux motivations négatives, constitue la raison première de la chute de l'homme. Celui-ci doit s'activer et œuvrer à son élévation.

L'lslam engage à mobiliser les énergies positives pour affronter

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les difficultés, pour faire face aux évènements douloureux et gérer le quotidien par une lutte soutenue contre les obstacles et les entraves. Ces énergies permettront également de rester ferme devant les puissants et de préserver sa position. Ce faisant, on augmente son dynamisme et on acquiert une force spirituelle et morale plus grande.

L'honneur et l'indépendance de l'homme sont liés à sa vitalité dans l'existence et à sa confiance en soi, espoir qui ne peut se réaliser que si l'homme campe vaillamment sur ses pieds avec la volonté résolue d'assurer son bonheur matériel et moral.

À ce propos, le calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Qui honore son engagement sera glorifié par tous ».

Celui qui perd confiance en soi et indépendance d'esprit est un homme qui se terre par crainte de la vie. Il est telle la plante parasite qui enroule ses racines autour d'un arbre pour se protéger des tempêtes et des intempéries.

Il peut arriver que l'esprit pessimiste finisse sombrer dans une méprisable soumission aux plus forts. Lorsque l'homme se méprise de cette manière, il perd alors toute personnalité et ne pourra, dès lors, prendre de décision, car il ne s'appartiendra plus. Tant que cette façon de penser le dominera, il ne peut aucunement prétendre aux qualités d'un homme. Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Celui dont tu as besoin te méprisera ».

La responsabilité individuelle

Dans la vision islamique, parvenir au bonheur moral éternel repose sur les actes positifs du croyant. Plus encore, la responsabilité individuelle est à la vase même de l'enseignement

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de l'Islam, car les responsabilités qui incombent à l'homme, dans les domaines religieux et temporel, doivent être honorées par le croyant lui-même. C'est au vu de ses propres actions que l'homme sera soit puni soit récompensé, car le Coran dit: « Tout individu est l'otage de ce qu'il s'est acquis ».

Aussi: « Quiconque, mâle ou femelle, fait œuvre bonne tandis qu'il est croyant, alors très certainement Nous lui ferons vivre une excellente vie. Et très certainement Nous les paierons des meilleures de leurs actions ».

Même dans la vie d'ici-bas, l'homme est soumis au jugement de ses actes. Le Prophète (que le salut soit sur lui) disait:

« Qui a fait du mal le paiera dans la vie ».

Il ajoutait:

« Qui sème le bien récolte l'agrément et qui sème le mal récolte le regret ».

Emerson écrivait:

« Le monde est comparable à une table de multiplication ou à une équation mathématique. Quelles que soient les données qu'elle contient, elle s'équilibre toujours et donne invariablement une solution. En fait, quelle que soit la manière que nous avions choisie pour résoudre un problème mathématique, les résultats seront obligatoirement les mêmes. Ainsi, la nature dévoile ses secrets d'une manière parfaite, punissant tout crime et récompensant toute vertu.

« Ce que nous appelons punition n'est que le rapport de la partie au tout. Autrement dit, tout comme lorsque nous voyons de la fumée nous savons qu'elle s'élève d'un feu, ou lorsque nous voyons une main ou une jambe nous appréhendons le corps d'un être humain, toute action intègre sa sanction. Disons que, suivant cette loi, tout s'appréhende selon

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deux voies. La première: la manière exprimée. Cette manière exprimée c'est ce qu'on appelle la récompense et la punition. La punition corporelle se voit à l'œil nu dans la chose même, tandis que la punition morale se perçoit par l'entendement.

Cette punition particulière peut apparaître, bien des années après, mais elle s'applique dans tous les cas. Le crime et la punition sont les rameaux d'une même branche, la punition étant, à cet égard, le bourgeon qui éclot et mûrit en émergeant de la fleur du désir qui l'a porté et protégé. »

L'échelle de valeurs de l'action humaine

L'Islam juge, d'un point de vue objectif et rationnel, les motivations personnelles intrinsèques qui poussent l'homme à agir. Les actes se fondent sur « l'intention ». Le Coran ne dit-il pas: « Les actes se jugent sur les intentions ».

Chaque acte revêt deux aspects qui sont étudiés séparément. Un acte peut être méritoire, d'un côté, mais sans valeur, d'un autre côté. Dans ce cas, l'attention doit être portée sur les motivations morales et spirituelles qui ont poussé l'auteur de cet acte à agir ainsi et sur le but qu'il poursuivait du point de vue de la pensée et de la foi.

Notre jugement, à ce stade, doit reposer sur les valeurs sociales et extérieures particulières de cet acte, sachant qu'il n'y a ici aucune objectivité dans l'intention de son auteur. Nous devons savoir que cet homme peut à travers son acte poursuivre un objectif purement matérialiste et vil, ou bien un but noble. Dans les deux cas, l'intention étant sincère et pure. La bonne action dans

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le cadre social est celle qui est bénéfique à la communauté et qui n'a aucune relation avec l'intérêt particulier de l'individu, même si celui-ci a agi selon des motivations et en fonction d'éléments qui lui sont propres.

Cependant, dans l'Islam, ce qui compte principalement ce n'est pas l'acte en tant que tel, car ce qui a de la valeur c'est la manière d'agir et l'effet psychologique généré sur l'esprit de son auteur. La récompense ou la punition dépendent, ici, du lien dialectique qui unit l'acte, son auteur et l'intention qui est à la base de l'acte, c'est-à-dire le but recherché derrière l'acte. Si celui-ci est le résultat d'un désir de gloire, alors son auteur ne se rapprochera pas de Dieu, mais s'en éloignera davantage, car il ne suffit pas que l'acte soit bénéfique à son auteur, mais il faut également qu'il serve la société.

L'acte social bénéfique n'est considéré comme tel que s'il porte en filigrane l'intention et le désir sincère de servir la cause sociale, l'esprit étant libre de toute tentation de gloire personnelle, et s'il y a la détermination et la volonté de son accomplissement.

Dieu dit, dans le Coran: « Il ne leur fut ordonné que d'adorer Dieu, avec loyauté dans l'acte ».

Le Prophète (que le salut soit sur lui) disait pour sa part:

« Les actes sont jugés sur leurs intentions ».

Ainsi, il est évident que l'intention sincère et la volonté d'agir dans le sens du bien sont les éléments qui concourent à l'élévation de l'âme et à la recevabilité des actes et

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à l'agrément du Seigneur.

L'élément déterminant d'une foi inébranlable c'est l'intention. Dès lors, l'action aura une valeur et une portée particulières et son auteur bénéficiera de la miséricorde et de la protection divine.

Celui que la grâce du Seigneur ne touche pas est un être dont l'esprit ne possède ni sincérité ni foi. Cet homme est motivé, dans ses actes, par les désirs et les penchants de l'âme. Tout ce qu'il entreprend est vide de sens et amoral.

Ces intentions indignes sont la raison du rejet de ses actes, car ses œuvres n'ont aucune valeur aux yeux de Dieu et ne lui rapportent rien de plus que ce qu'il visait à travers eux.

Cependant, ceux qui ont confiance en eux-mêmes et sont confiants dans leurs actes et n'ont nul besoin d'en tirer gloire et fierté sont les gens dignes de la grâce du Seigneur. À ce sujet, le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait:

« Les paroles du flagorneur sont belles, mais son cœur est malade ».

Il ajoutait également:

« La fierté est liée aux petits destins ».

Schachter écrivait:

« Parmi les subterfuges que nous utilisons pour attirer l'attention des autres, lors de nos échecs, désillusions et insuccès, il faut relever la tendance à s'attribuer un mérite factice. Nous nous imaginons les actes que nous aimerions réaliser et les succès que nous souhaiterions remporter, comme s'ils s'étaient réalisés, pour nous les attribuer ou bien pour nous convaincre de toujours parler des actes que nous avons entrepris en les glorifiant, quelle que soit leur importance, en oubliant toutes les actions

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que nous n'avons pas faites et les succès que nous n'avons pas obtenus.

« Ce genre de personne se leurre elles-mêmes et en tirent contentement, laissant passer les occasions de vraiment œuvrer et entreprendre. Si la satisfaction de l'égo évite à son auteur les tourments de l'échec et de l'insuccès à attirer l'attention des gens et à les tromper momentanément, cela ne résoudra pas pour autant le problème.

« Celui qui peut faire le bien et y réussit, obtenant l'estime des gens, n'a nul besoin de se tresser des couronnes. Au lieu de cela, il entreprend, œuvre et gagne, chaque jour, de nouveaux amis et vole de réussite en réussite ».

Pour Schopenhauer.

« La louange de soi suscite le mécontentement chez autrui, car, d'un côté, cela peut contenir une part de mensonges et de contre-vérités et, d'un autre côté, elle est le fruit de l'ignorance et de la bêtise. Celui qui parle tout le temps d'une qualité ne la possède probablement pas lui-même. Sachez que ceux qui parlent continuellement de leurs réussites, de leur intelligence, de leurs capacités et aptitudes en sont certainement démunis. Nous ne devons pas oublier que le mensonge et la vantardise ne durent pas éternellement et arrive un jour où le voile sera levé sur la réalité. C'est alors que l'homme perdre sa dignité et sa respectabilité ».

La mesure de sol

Si l'homme est sans moralité, son jugement sur le comportement et acte d'autrui sera basé sur ses motivations et ses intentions, si méprisables soient-elles. Ali (que le salut soit sur lui) disait à cet égard:

« L'homme de mal

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ne voit le bien en personne, car il ne le voit, bien sûr, qu'en lui-même ».

Ceci est une vérité bien établie. Les psychologues disent:

« Si le monde est observé à travers le prisme de nos sentiments, de nos penchants et de nos pensées, il est alors évident que nous verrons toute chose selon l'image qu'on en reçoit, comme si notre moi était au-dessus de la création. Les tempêtes amènent le désespoir et l'abattement, tandis que la brise légère contente et apaise. Ainsi, nous voyons la nature du point de vue de nos sentiments et de notre perception qui peuvent nous amener à croire, c'est selon que le chat est un animal docile et d'agréable compagnie ou bien qu'il est nuisible et désagréable. Les sentiments déforment l'image du monde réel dans lequel on vit.

« Les juristes et les hommes de loi savent qu'il est très rare que des témoins fassent des déclarations concordantes sur des évènements qu'ils ont pourtant tous vues de près. Même quand il s'agit de choses qui ne nous émeuvent pas, nous nous apercevons de la différence dans nos pensées et nos visions, à l'égard de ces choses. A fortiori quand il s'agit d'évènements ayant un caractère émotif, car dès lors nos esprits sont encore plus hésitants et méfiants ».

Les effets du recours à Dieu

La confiance en soi est conforme au recours à Dieu et, par réciprocité, le recours à Dieu renforce l'âme et la personnalité. Le croyant qui a confiance en lui-même et possède une personnalité indépendante, qui sait tirer profit des possibilités qui lui sont

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offertes et qui n'en laisse passer aucune, ne limite pas son esprit aux seuls aspects matériels. L'élévation de l'âme lui est également importante, dépassant de loin les objectifs matérialistes, car il lie ses activités et ses énergies aux objectifs de son existence.

Celui dont le combat est apaisé par la foi verra sa confiance en Dieu Tout Puissant augmenter: « Ce que Dieu ouvre de miséricorde aux gens, il n'est personne qui le retienne. Et ce qu'il retient, il n'est personne qui le relâche après Lui. Et c'est Lui le puissant le sage ».

Où pourrait se réfugier l'humanité de la volonté de Dieu? Un refuge autre que celui de Dieu n'amène que déchéance et mépris, car comment envisager qu'un homme qui ne possède rien puisse se tourner dans une autre direction que celle du Seigneur?

Ainsi, rien ne peut être plus beau ou plus sublime que de vivre dans la miséricorde et la protection de Dieu, créateur de toute chose. La soumission à Dieu, dans le bonheur comme dans le malheur, et la croyance ferme en la puissance absolue du Divin, supérieur à toute autre puissance ou force matérielle, introduit l'âme du croyant dans un univers de paix et de quiétude qui le préservera de tout désagrément ou d'être surpris par les évènements.

Cette soumission à Dieu et au destin qu'Il nous trace remplit l'âme d'une obéissance totale et lui donne force et humilité. Autrement dit, tout ce qui rend les autres aveugles et les prédispose à l'orgueil ne l'affectera nullement, car sa volonté, sa

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foi et la paix qui l'habitent le soutiendront à tout moment et en toute circonstance.

Le recours à Dieu ne mène pas à la faiblesse ou à l'abattement, mais plutôt est une force supplémentaire qui renforce la volonté, évite au croyant le doute et l'hésitation qui pourraient habiter son cœur.

La lutte continuelle que mènent les gens de bien contre les éléments de destruction et de déviation dans la société et contre les pensées néfastes qui s'y répandent est une lutte âpre et farouche. Bien que ces gens vivent dans un environnement défavorable, ils tirent leurs forces de la vérité éternelle qui leur permet de réaliser leurs plans réformistes et d'orienter les gens vers leur salut. Leurs âmes sont soumises à la volonté divine et ils poursuivent leurs buts jusqu'au bout avec conviction et détermination.

La confiance en soi qui n'est pas en parallèle à la foi en Dieu ne peut sauver l'âme humaine dans les moments critiques, à ces instants où elle est assaillie par le doute et le pessimisme. Les difficultés et les obstacles de la vie triomphent de l'esprit qui ne possède pas la foi en Dieu et dont la vision ne dépasse pas l'horizon des choses sensibles. Dans ce cas, l'individu ne peut rien entreprendre dans sa quête de la plénitude et dans sa recherche de la vérité, même lorsque celles-ci sont à sa portée.

L'étude de l'esprit des musulmans des premiers temps de l'Islam prouve cette affirmation. En effet, ils étaient le meilleur modèle d'homme qui puisse exister quant

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à la foi et le recours à Dieu.

Nous ne pouvons attribuer l'incapacité, la faiblesse, la nonchalance et l'immobilisme à ceux dont le comportement a été dominé par l'esprit d'entreprise, l'activité et le sacrifice au service de leur foi et dans l'espoir de construire une société nouvelle bâtie sur le bonheur, alors qu'ils vivaient une période très difficile.

Ceux qui ont été éduqués à l'école de l'Islam, à sa naissance, ne connaissent pas l'incertitude, car leur volonté ferme et leur sérénité d'esprit leur ont ouvert la voie du progrès. Ils sont arrivés à créer cette société équilibrée, modèle unique dans l'histoire.

Chacun se soit de se remettre en cause dans la vie et savoir si le choix qu'il a opéré est le mieux à même de lui apporter le bonheur ou si, au contraire, il ne conduit qu'au malheur et à la désillusion. En connaissant nos besoins spirituels, nous pourrons alors faire face aux éléments contraires qui assaillent l'esprit et l’empêchent de nous nuire, car nous ne pouvons soigner un mal dont nous ne connaissons pas le remède.

Ce qui convient mieux aux gens qui manquent de confiance en soi et qui ont peur d'entreprendre une action qu'il ne réussirait pas serait d'analyser les éléments de ce mal spirituel, car il est nécessaire, pour soigner tout mal de connaître ses racines pour parvenir à pénétrer au plus profond de nous-mêmes et y trouver les remèdes salutaires.

Une fois que le diagnostic de l'instabilité et du désarroi de l'âme aura été établi, on œuvrera à extirper

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le mal pour qu'enfin se dessine la réussite, car il est évident que la nature humaine est capable de résister aux difficultés et de surmonter les obstacles d'ordre psychologique qui contrarient le bonheur humain.

Toute habitude négative est le signe d'un manque de volonté qui s'est développée chez l'homme par répétition d'un acte donné puis qui s'est transformé, avec le temps, en un mal chronique, si, de prime abord, le changement d'habitude parait chose malaisée, il demeure cependant que l'entraînement et la pratique soutenus peuvent changer le cours de cette habitude malsaine et la transformer en une habitude saine.

Le triomphe sur toute habitude négative, pour atteindre un état d'esprit serein, est une victoire sans équivalent.

Le calife Ali (qui le salut soit sur lui) disait, à ce propos:

« C'est grâce aux bonnes habitudes qu'on accède aux plus hautes positions ».

Chapitre 14: La Peur et L’Espoir

L'instinct de la peur

La peur des instincts primaires, qui fait partie des différentes natures de tout être vivant, produit cet état quand on fait face à un danger. Dans la lutte pour la vie, lorsque l'homme se retrouve à la croisée des chemins, la fuite, la mort, la blessure, la peur sont des éléments décisifs qui le poussent à conserver la vie. Ainsi, la finalité de la peur c'est de préserver l'individu des dangers qui le menacent.

Si l'homme préhistorique ne s'était pas préservé des dangers qui le guettaient, le genre humain aurait disparu.

Cette situation est non seulement vraie lorsque la vie de l'homme est en jeu, mais à chaque fois qu'il y a risque de blessure,

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car la peur donne à l'individu la motivation nécessaire pour s'éloigner au plus vite du lieu de danger. Les expériences ont démontré le danger de tomber sous l'autorité des autres, car cela est un des dangers que l'homme craint le plus. Cette peur peut amener à l'individualisme pendant des mois, voire des années.

En réalité, cette peur trouve sa source dans la personnalité même de l'individu, car lorsqu'on se sent menacé on croit qu'on nous a ôté le pouvoir de décider et de choisir et qu’il faille, dès lors, trouver chez les autres le modèle de comportement à suivre dans la vie.

Lorsqu'on dit que la peur est un instinct qui permet de survivre, cela est vrai si cette peur n'excède pas un seuil raisonnable. Cependant, à partir du moment où il y a excès, il y a danger et nuisance. La peur imaginaire qui fait que l'homme se sent malheureux, blessé et sans raison relève d'un désordre psychologique de l'esprit qui avilit l'âme et affaiblit la raison.

Les études des spécialistes ont prouvé que beaucoup de gens sont perturbés à cause de la peur. Plus encore, cela pourrait leur nuire davantage s'ils portent plus d'intérêt à autre chose qu'à leur propre santé.

On a souvent vu que les poussées de peur ont été la cause principale de mort subite, car une peur soudaine peut ébranler de manière fatale la structure organique humaine. De même, un état de peur et de doute constant peut être le prélude à une maladie psychologique plus grave et

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la cause d'un désordre radical de l'âme. Autrement, un homme normal ne peut être atteint de manière aussi soudaine et conserverait son équilibre psychologique et intellectuel.

Certaines personnes peuvent ressentir une crainte non motivée et d'origine inconnue, sans qu'ils puissent en déterminer la cause et sans que les personnes qui leur sont le plus proche ne puissent découvrir le mal qui les frappe. Évidemment, cette peur remonte au stade de l'enfance, car chacun a connu durant cette période de l'existence des craintes et des peurs avant de dépasser cet état lors de l'adolescence où se développent le discernement et l'entendement, cela étant inévitable.

À partir du moment où cette peur ne s'explique pas, que ces craintes et phobies se réalisent ou non, cet état d'esprit n'apporte à l'homme que perte de temps et affaiblissement de ses forces physiques et morales, alors que celles-ci lui sont nécessaires aux instants critiques pour faire face aux évènements éprouvants de la vie.

L'état de peur et de panique prend des formes et des configurations différentes, ainsi que le dit le Dr Költz:

« N'as-tu pas confiance en toi, au point de te sentir incapable de faire face aux difficultés de la vie? N'éprouves-tu pas une grande et douloureuse honte? N'as-tu pas ressenti de la douleur en compagnie d'autrui et n'éprouves-tu pas du trouble et de l'anxiété quand tu rencontres des gens inconnus? N'es-tu pas plus à l'aise seule? Si oui, c’est que tu as peur.

« As-tu l'impression que les gens te croient dénuer de compréhension? Ils ne te comprennent pas

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bien et c'est pourquoi ils s'opposent à toi. Penses-tu au passé et à ce que tu as laissé échapper, avec regret? Ressens-tu ta négligence et éprouves-tu du regret par rapport à une chose ou à quelqu'un dans un passé éloigné?

« Songes-tu toujours à ceux qui t'entourent, anxieux de ce qui t'arrive? Es-tu influencé par les dires des gens, même si ce qu'ils disent est faux? Crains-tu les feux de la colère qu'ils ne s'allument en toi, ne pas pouvoir te contrôler et éteindre ces feux? Es-tu perturbé par la compagnie des gens et t'énerves-tu souvent? As-tu des difficultés à nouer des relations et des liens avec les autres? Certes, tout cela relève de la peur ».

Si l'individu est déterminé et résolu à s'en tenir aux principes qu'il s'est fixés dans l'existence, alors il supportera toutes les épreuves et les difficultés avec une âme forte, se défendant de tout désespoir et de toute soumission.

Ils sont nombreux les gens qui, doués de forces et de ressources, auraient pu acquérir une position élevée dans la société et, possédant l'énergie nécessaire, pouvaient chasser la peur de leurs esprits. Cependant, par manque de courage, ces personnes n'ont pu entreprendre les actions nécessaires à cet effet et sont demeurées, par conséquent, en retard sur le peloton de tête.

En réalité, ce qui fait que l'homme perd le contrôle de sa vie c'est de n'avoir ni résolution ni volonté ou bien de prendre des décisions tronquées, de même qu'une réflexion sur des sujets ou des évènements qui n'arriveront jamais est

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un danger présent à tout instant de leur existence.

Shakespeare disait:

« Qui a peur de la piqûre de l'abeille ne mérite pas de goûter son miel ».

Chasser la peur et l'illusion de l'esprit et les remplacer par des espoirs et des rêves sensés est chose possible pour tout le monde et à tout instant. Cependant, quelle que soit la force de l'individu et sa détermination et quelle que soit la noblesse de son objectif, il ne peut, parfois, chasser certaines habitudes d'un seul coup. Il convient plutôt de les abandonner de manière graduelle, et il ne suffit pas pour cela que l'homme soit conscient de leur nocivité, il faut également qu'il agisse et fournisse l'effort nécessaire intellectuellement pour chasser les idées fausses et les illusions. Ainsi, il pourra réunir le, conditions de la réussite.

Tout comme la lampe qui ne s'allume que lorsqu'on appuie sur l'interrupteur et qui ne s'éteint que lorsque celui-ci est actionné à nouveau, l'homme doit, quand la crainte commence à dominer son esprit, allumer la lampe de ses pensées et ouvrir son esprit aux lumières de la vie pour décharger son âme du poids de la peur irraisonnée.

Celui qui est éprouvé par toutes sortes de pensées infondées, même pour les choses les plus insignifiantes, doit analyser ces pensées qui déséquilibrent son esprit afin de réaliser que rien ne peut être fait sous l'emprise de la peur et de la terreur. Il faut qu'il trouve la voie qui le mènera à réaliser ses projets et remplacer sa peur par l'espoir et

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la sérénité et ensuite cultiver et développer ceux-ci.

Nul doute que la peur et la crainte relèvent d'une imagination perturbée et qu'elles n'existent que dans l'esprit. Lorsque l'homme prend conscience de cette réalité, il lui est alors loisible de vaincre la peur et d'accéder au repos et à la quiétude.

Ni lâcheté ni témérité

« La vertu » en psychologie est le terme intermédiaire entre le laxisme et la négligence, alors que le « courage » est une vertu qui se place entre l'impertinence et l'imprudence et entre la peur et la lâcheté. Celui qui se situe loin de la peur et de l'impertinence est courageux. La découverte des nouvelles terres, des sources de richesses, est liée au courage d'hommes valeureux, à l'instar des sciences et des inventions.

De manière générale, l'énergie spirituelle demeure l'élément déterminant pour le progrès et le développement de l'homme, car plus il est doté d'une force morale plus la réussite lui sourit.

Sans l'audace, les révolutions sociales et intellectuelles n'auraient pu aboutir. Le rôle que joue cette qualité morale dans les progrès matériels et spirituels des hommes, ainsi que dans les résultats de leurs expériences scientifiques, imposent aux esprits les plus obtus et les plus sceptiques le respect et la considération. Cela est confirmé par ce que nous observons des activités des hommes d'esprit créatifs contemporains.

Les grandes figures de l'histoire qui ont joué un rôle déterminant dans la grandeur de leurs nations, les sauvant des situations les plus critiques, étaient, en général, des hommes actifs et courageux. Cette qualité a promu en eux les autres valeurs humaines

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qui ont fait leur grandeur.

Ainsi, il est de la responsabilité morale de chacun, vis-à-vis de lui-même, d'acquérir cette qualité qui est l'une des plus bénéfiques, car les problèmes à résoudre et les actions à entreprendre et les performances à réaliser sont liés au courage, quelle que soit la différence qui puisse exister entre les individus.

Certains ont maints projets et théories réformistes et d'innombrables idées scientifiques d'un intérêt certain, mais qu'ils n'expriment pas parce qu'ils sont dominés par la peur et l'appréhension. Ils sont, en réalité, tout à fait capables et habiles, mais il leur manque du courage et de l'audace, car bien qu'lls aient profondément foi en leurs convictions et opinions, ils n'osent pas les défendre contre les critiques acerbes de leurs détracteurs.

Si la nécessité se faisait sentir pour qu'ils développent une hypothèse ou une idée aux autres, ils s'exprimeraient mal et se sentiraient troublés, comme s'ils n'avaient pas confiance en eux-mêmes. Même dans les discussions d'ordre scientifique ou social, cet état les domine quand ils ont à affronter une opinion contraire et préfèrent alors se rétracter ou bien s'excuser au lieu de défendre leurs idées, quels que soient le bienfondé et la vérité qu'elle renferme.

Les raisons et motifs qui conduisent les individus à cet état doivent être étudiés et analysés pour pouvoir se libérer et arriver à exprimer leurs pensées, sans peur ni honte. L'homme peut être imaginatif et courageux durant son enfance, mais souvent surviennent des évènements qui empêchent ces qualités de se développer ou bien les parents

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et éducateurs répriment en lui ces tendances positives, par ignorance ou indifférence.

Sachant pourquoi une énergie créatrice s'est transformée, chez un individu, en faiblesse et en apathie, nous pouvons trouver le moyen de remédier à la situation. Si l'individu œuvre à chasser de son esprit la peur irraisonnée qui le domine, sa paix intérieure et sa confiance en soi s'en trouveront petit à petit renforcées. C'est ainsi que le courage remplacera en lui l'hésitation et le doute et que son esprit retrouvera paix et sérénité.

L'ignorance des signes de la vie

Parmi les éléments essentiels qui transforment le trouble et l'incertitude en une plénitude, il est celui de l'ignorance à propos des signes de la vie. L'homme sage sait pertinemment que la vie humaine est un mélange savant de malheurs et de bonheurs qui appelle l'homme à rester sur ses gardes et à conserver son sang-froid à tout instant.

Pour cette raison, l'homme doit se préparer aux dures épreuves de l'existence avant d'y faire face. Car c'est en gardant son esprit en alerte qu'il peut d'une certaine manière les affronter avec plus de sang-froid. Dès lors, si un évènement survient, son effet sera plus faible, contrairement à ce qui pourrait arriver si l'individu n'était pas préparé, car alors la surprise sera totale et l'effet désastreux.

Walter disait:

« L'homme doit avancer dans la vie en étant bien armé et ne pas affronter le danger sans armes. Ceux qui agissent ainsi sont des gens faibles que l'on voit toujours se plaindre des aléas de la vie, de ses difficultés et de ses obstacles.

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Tant que l'on est prêt et disposé à faire face à toute éventualité, gardant espoir de surmonter l'obstacle quel qu'il soit, ne montrez ni faiblesse ni découragement, mais résistez bravement autant que possible ».

La connaissance et la recherche des pourquoi des choses sont un moyen susceptible de réduire la peur qui nous étreint. L'homme voit la pression de la peur qui l'habite diminuer à mesure qu'il progresse dans la science et le savoir et que se développe sa raison. Ainsi, plusieurs facteurs qui étaient, auparavant, source de peur pour l'homme primitif ou demi-civilisé ont disparu chez celui qui, aujourd'hui, jouit des fruits de la connaissance et de la raison.

Les expériences ont démontré que la connaissance transforme la solitude destructrice en paix et quiétude. Selon cette vérité établie, tous les psychologues affirment que la connaissance de l'objet étranger et des raisons de l'apparition de la peur est la condition sine qua non du traitement des troubles psychologiques et des phobies inexpliquées.

Nous ne devons pas oublier un point important, à savoir que l'ancienne peur, bien qu'ayant diminué avec les progrès scientifiques, persiste sous de nouvelles formes qui sont en rapport avec les développements industriels nouveaux. Dans les sociétés industrielles modernes qui se sont formées, où l'individu ignore son semblable, les hommes vivent toujours dans l'isolement, en dépit de leur promiscuité et de leur nombre, privés de solidarité et de compréhension mutuelles. Les relations humaines qui existaient dans le passé se sont transformées en un sentiment de profonde solitude, car le nombre et la

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densité de la population ont engendré l'indifférence, le vide spirituel et le sentiment d'être étrangers à des hommes qui vivent les uns à côté des autres.

L'absence de valeurs telles que l'équité, la bonté et le renoncement de soi et la piété sont les raisons de la peur et de l'anxiété. La peur en réalité est une punition infligée à l'homme à cause de son abandon du chemin de la vertu.

Un penseur américain disait: « Tout rejet de l'amour et de l'égalité dans les relations sociales et les amitiés amène une punition extrême qui est comme nous le verrons-la peur et l'angoisse. Du moment que j'ai de bonnes relations avec mes parents ou mes semblables, je n'ai rien à craindre lorsque je les rencontre, car nos esprits s'accordent conformément aux lois qui régissent la nature; tout comme l'eau rencontre l'eau et que l'air se mélange à l'air. Cependant, dès l'instant où l'un d'entre nous abandonne la simplicité, la sincérité et la bonté, pour tendre à se dissocier, par exemple lorsqu'un voisin souffre et que l'on n'aura pas fait pour lui ce que l'on voudrait que les gens fassent pour soi-même, alors il s'éloignera de nous autant que nous nous serions éloignés de lui. C'est alors le début d'une animosité qui engendrera méfiance et peut-être même peur.

« Toutes les formes d'injustice sociale, d'une manière générale, de même que l'accumulation des richesses et des forces sont l'objet de la vengeance de la nature. Quand apparait le mal apparait la peur. La peur est un rapace

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qui est à la recherche de cadavres à dévorer et donc là où se trouve la peur se trouve la mort. La peur a, durant des siècles, été présente dans nos lois et nos coutumes et a dominé ceux qui nous gouvernaient. L'existence de ce rapace détestable n'est pas fortuite, car, en vérité, elle prouve la présence de zones d'ombre qu'il faut dissiper ».

La peur et l'espérance humaine

« La peur et l'espoir » se chevauchent chez tout être humain pour se développer et croître côte à côte. La peur de la maladie, de la douleur, de la pauvreté et de l'impuissance sont des sentiments qui plongent leurs racines au plus profond de l'être. D'un autre côté, l'homme espère en la sécurité, la sérénité, le pouvoir... Chaque fois qu'un espoir se réalise, une plus grande espérance se développe dans son cœur.

La peur et l'espoir ensemble dessinent les contours de nos pensées, nos objectifs et nos principes, l'homme choisissant sa voie dans la vie en conséquence. Son esprit est souvent tiraillé entre le gain de l'argent, la puissance et la position sociale pour réaliser des objectifs choisis, car il entreprend ce qu'il espère atteindre et arrête les moyens par lesquels il pense parvenir à cela.

Au contraire de celui dont l'esprit s'est libéré des contingences et désirs matérialistes qui ne dispersera pas son énergie à réaliser de tels objectifs, sans se fixer des conditions et des limites.

L'Islam, à travers la peur et l'espoir, soulève le poids de la peur infondée qui pèse sur le croyant et qui n'a aucun effet

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sur la réalité de son existence, car la peur qui ne change rien aux faits est une peur déplacée. L'Islam a donc libéré l'esprit du croyant d'une peur touchant à des choses terrestres et à l'attachement aux loisirs matériels de la vie et le porte à œuvrer concrètement dans l'existence pour éliminer tout espoir irraisonné.

L'Islam observe que quel que soit le motif de la peur ordinaire, celui-ci ne saurait être le plus nocif ou le plus bénéfique et donc ne mérite pas qu'on en ait peur. Craindre Dieu mérite plus d'attention, comme le dit le Coran: « Dis: Oui vous attribue la nourriture du ciel et de la terre? Ou qui est maître de l'ouïe et des regards et qui du mort fait sortir le vivant et du vivant fait sortir le mort et qui administre le commandement? Ils vous diront “Dieu”. Dis alors: n'allez-vous donc pas vous comporter en piété? »

D'autre part, l'homme ayant aussi des désirs matériels et physiques, l'Islam n'a pas interdit à quiconque de prendre des plaisirs et des loisirs dans un cadre licite et moral, n'empêchant personne de s'intéresser aux choses terrestres. Il tente, cependant, de mettre en garde contre tout espoir trompeur et d'inciter l'homme à adopter des principes nobles. Il attire son attention afin qu'il ne soit pas trompé par les plaisirs passagers et qu'il ne sombre pas dans un état de soumission totale aux instincts. Le Coran dit: « Et cette présente vie n'est qu'amusement et jeu. La demeure dernière, cependant, c’est elle la vivante!

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S'ils savaient ».

L'insistance des préceptes islamiques prônant la crainte de Dieu est, en réalité, liée à la peur des conséquences des actes de l'homme. Cette peur n'est pas nuisible quand elle a un intérêt certain et concerne tous les domaines d'activité utiles de l'homme. La peur des conséquences d'actes malveillants décuple l'attention et la réflexion de l'homme dans son comportement. Elle canalise les instincts et penchants nuisibles pour les réduire et transforme l'homme en un être bien structuré et discipliné. La foi en Dieu qui n'est pas accompagnée d'une crainte de sa personne ne peut que conduire à de terribles déboires.

Lorsque le cœur de l'homme est rempli d'espoir en Dieu, tous ses actes seront accomplis sans honte ou doute, avec espérance et foi. Il peut même s'orienter dans la mauvaise voie sans rien perdre de son espoir. En conséquence, l'absence de crainte du Seigneur mène à l'égarement dans les actes et c'est pourquoi nous remarquons que les principes religieux insistent pour que l'homme soit dans une situation intermédiaire entre la peur et l'espoir tout en espérant en la miséricorde de Dieu, il craint la conséquence de ses actes et, dès cet instant, il ne tirera pas gloire de ses actions de bien.

Al Faydh Al-Kachani rapportait dans son encyclopédie morale que l'Imam Al-Sâdiq disait:

« La peur est le gardien du cœur et l'espoir est l'intercesseur de l'âme. Qui connait la réalité de Dieu le craint et espère en Lui car ces deux sentiments sont les ailes de la foi qui porteront l'homme vers

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l'agrément de Dieu. Ils sont les yeux à travers lesquels l'homme discerne la promesse de Dieu et ses menaces afin de faire le bien et d'éviter le mal. L'espoir en la bonté divine illumine le cœur, tandis que la peur détruit l'âme ».

Ainsi, l'élément motivant, chez les gens de savoir et de foi, qui craignent le juste châtiment de Dieu et qui se conforment à ses commandements, est cette même obéissance et soumission à leur Créateur. La crainte des conséquences des actes que l'on entreprend représente un avertissement qui pousse l'homme à rester sur ses gardes et à réfléchir aux différentes traductions de ses responsabilités afin de se protéger de la souillure des pêchés.

Le Coran affirme que la science conforte la crainte du Seigneur, crainte qui apporte le discernement au croyant: « Rien d'autre: craignent Dieu, parmi Ses esclaves, ceux qui savent ».

Nul doute que la science qui fait franchir à l'être humain les degrés de la connaissance est, pour Dieu, un moyen de purification et de rédemption. C'est cette science consacrée à la plénitude de l'âme qui conduit le savant à l'adoration de Dieu et à la soumission à Son pouvoir absolu. Cette science préserve la raison et l'esprit de la souillure, c'est même un élément central dans la pensée et la réflexion sur la création et la puissance divine: « Qui, debout, assis, couchés, se souviennent de Dieu et méditent sur la création des cieux et de la terre: Seigneur, Tu n'as pas créé cela en vain. Pureté à Toi! Garde-nous donc

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du châtiment du feu ».

Plus encore, le Coran insiste sur le fait que le salut et le discernement sont un bienfait découlant de la crainte de Dieu: « Bientôt se rappellera quiconque craint ».

Aicha interrogea le Prophète (que le salut soit sur lui):

« Ô Messager de Dieu! Les paroles de Dieu: « et qui donnent ce qu'ils donnent tandis que leurs cœurs redoutent ».

Est-ce qu'il s'agit de l'homme qui fornique, vole et boit le vin et qui quand même craint Dieu? Que le salut soit sur lui dit: « Non pas. Mais l'homme qui jeûne, donne l'obole et prie et qui craint malgré cela que Dieu ne l'accepte pas ».

Cheikh Tabrassi rapportait que l'Imam Al-Sâdiq a dit:

« Cela signifie: craindre qu'il ne leur soit pas accepté ».

La peur réprouvée est cette peur qui naît de la faiblesse et de l'immobilisme qui n'empêche pas seulement l'homme de progresser, mais lui barre le chemin du bonheur. C'est pourquoi les savants musulmans ont toujours tenté d'exhorter leurs coreligionnaires à secouer le joug de la peur par des programmes éducatifs en puisant dans la force de la raison et de la foi.

Lorsque le Calife Ali (que le salut soit sur lui) résolut de marcher vers les kharidjites, certains « devins » lui dirent: « Ô Calife, si tu ne reviens pas sur tes pas maintenant nous craignons que tu n'obtiennes pas ce que tu cherches ». Il leur répondit:

« Prétends-tu que tu peux ressentir l'instant où l'attaque se solde par la victoire ou l'instant néfaste où l'attaque se solde par la déroute? Qui se fiera à toi alors aura

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renié le Coran et renoncé au recours à Dieu dans la recherche de la chose souhaitée et dans le rejet du malheur. Tu cherches à ce que celui qui croît à tes dires te loue en lieu et place de Dieu, car par tes propos tu prétends l'avoir orienté vers l'instant où il aura obtenu le meilleur et évité le pire!

« Ensuite, il harangua la foule des soldats et leur dit: « Ô gens, prenez garde à ne pas apprendre les sciences des astres autrement que pour vous orienter sur terre et sur mer, car elles conduisent à la déviation et l'astrologue est comme le devin, le devin est comme le magicien, le magicien est comme l'impie et l'impie est voué à l'enfer. Marchez en évoquant le nom du Tout-Puissant ».

Sur ce, le Calife ordonna à ses troupes de marcher sur l'ennemi en se reposant sur Dieu, sans prendre en compte ces dires fallacieux et sans conséquences. La bataille tourna en défaveur des kharidjites et consacra la victoire des armées de l'Imam Ali (que le salut soit sur lui).

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) avait aussi coutume de dire à ses compagnons:

« Si vous avez peur de la difficulté d'une chose, alors raffermissez-vous pour qu'elle vous paraisse plus aisée et parlez aux gens de plus dures besognes pour que celle-ci vous soit plus facile ».

Les psychologues disent:

« Nous rencontrons, quotidiennement, une multitude de gens que domine la peur et qui se sont soumis à son étreinte. « Nombreux sont ceux qui se sont abstenus

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de participer aux activités sociales du fait de leur peur et de leurs angoisses et c'est pourquoi ils renoncent aux responsabilités qui sont les leurs.

« Beaucoup d'étudiants interrogent leurs professeurs avec crainte et c'est ainsi que ce sentiment les étreint lors des examens, au point qu'ils ne peuvent ni s'exprimer ou écrire ce qu'ils ont appris. De même, un grand nombre de gens ne reconnaissent pas leurs erreurs par peur d'être l'objet de critiques tandis que d'autres ne peuvent pas dire « non » de crainte des conséquences.

« Ce genre de comportement ouvre la voie à la peur qui prend possession de l'esprit et de la raison et diminue ainsi la capacité de réagir et de vaincre ce sentiment, faute de réaction saine et forte, et sombrera, de jour en jour, dans des situations inextricables qui peuvent s'avérer fatales à l'homme.

« Chacun dans sa vie a besoin de courage et d'audace, d'une façon ou d'une autre, et il est préférable que ces qualités apparaissent dès le stade de l'enfance, car quiconque désire vivre selon la raison doit s'armer de courage et de témérité, nécessaires en cas de besoin.

« Nous devons entreprendre tout ce qui est nécessaire pour dominer et vaincre notre peur et notre terreur pour que dès lors nous puissions nous atteler à des tâches que la peur et la crainte nous empêchaient d'envisager auparavant.

« Par exemple, vous avez eu l'occasion de vous exprimer en classe, mais vous ne l'avez pas saisie, car vous aviez peur ou que votre camarade vous a exposé une hypothèse qui

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allait à l'encontre de vos principes et de vos convictions, sans que vous n'arriviez, par peur de le blesser à le contredire, ou que vous avez commis une erreur sans vouloir l'admettre, toujours par peur.

« Si vous aviez su et aviez entrepris ce qu'il fallait, vous auriez pu cultiver en vous le courage, car c'est le moyen de devenir entreprenant. Chaque fois que vous répétez cette opération, vous augmenterez alors, peu à peu, votre courage et parviendrez à vaincre votre peur. C'est par l'acquisition du courage nécessaire et son enracinement en vous que vous pourrez dès lors résoudre vos problèmes ».

Aujourd'hui, bien que les hommes aient obtenu de grands succès sur les éléments naturels, ils demeurent malgré cela dans la crainte de l'avenir, de la maladie, de la désillusion et de l'échec dans la vie.

Beaucoup d'intelligences actives et créatrices qui sont touchées par la peur et la crainte des évènements et des choses de la vie demeurent paralysées et apathiques, de même que les opinions justes et les innovations inestimables que la peur a coiffées de la chape de l'oubli.

Le Prophète (que le salut soit sur lui) disait à ce sujet:

« Le pire en l'homme c'est une avarice sordide et une peur inexpugnable ».

La faiblesse de la volonté

La faiblesse de la volonté trouve sa source dans une peur irraisonnée. Ainsi, l'état de doute et d'hésitation est l'introduction à une peur profonde, car là où s'installent le doute et l'incertitude disparait la foi. C'est pourquoi l'homme n'a pas une foi totale devient la proie et le jouet de ses

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phobies et de ses angoisses, au point où celles-ci vont profondément marquer sa personnalité et son caractère. Au contraire, le croyant n'éprouve ni doute ni hésitation, car la peur n'a pas accès à son cœur.

L'homme croyant dont le cœur déborde de foi et de loyauté et qui est lié à Dieu de manière indéfectible est plus fort que tout malheur, car dans sa faiblesse il n'est point seul, lié qu'il est à l'espoir en Dieu et à la foi en Sa toute-puissance.

Parmi les éléments décisifs dans l'Islam, c'est que la foi peut orienter les pêcheurs vers la voie juste et éviter à l'esprit du croyant de se perdre dans les labyrinthes sombres de la vie inutile, par le recours à dieu et la foi en Sa miséricorde et en Sa toute-puissance.

Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait, à cet égard aux gens d'Égypte, par le biais de Malek ben Achtar Al-Nakhï:

« Et après, je vous ai envoyé un homme de Dieu qui ne dort pas le jour de peur, ne recule pas devant l'ennemi au jour de se défendre, plus dur envers les malfaiteurs que le feu de l'enfer, et qui est Malek ibn-el-Hareth, frère de Modhéje. Écoutez-le et obéissez à ses ordres en ce qui est juste, car il est une des épées de Dieu ».

Lors des évènements de « Ciffin », quand les soldats de Mouawiya bloquèrent la « Chariaa » et empêchèrent les hommes d'Ali d'y accéder, le Calife Ali tenta de résoudre le problème par la négociation, afin d'éviter

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le combat. Cependant, Mouawiya croyait que la conquête par ses soldats de ce puits d'eau était une grande victoire pour lui et refusa ainsi de négocier. Voyant que ses compagnons souffraient de la soif, Ali les harangua en des termes si convaincants et si prenants, fouettant leur courage et leur ardeur, que son discours enflammé souleva dans l'esprit de ses soldats une tempête, ou plutôt une révolution. Leur sang bouillonna de courage et de témérité et ils repoussèrent les hommes de Mouawiya du puits en un seul assaut. Après quoi, ils concédèrent à leurs adversaires le droit de puiser de l'eau selon leurs besoins.

Le courage au sens large du terme

Nous ne devons pas restreindre le courage aux seuls champs de bataille, car il est présent à toutes les étapes de l'existence et nous devons en profiter.

Au sujet de la valeur de cette qualité, le Dr Marden disait:

« Tu as besoin de courage quand tu revêts des habits de coton alors que tes amis portent de la soie. Tu as besoin de courage lorsque tu vis dans la pauvreté, avec piété et patience, tandis que d'autres amassent les richesses frauduleusement. Tu as besoin de courage quand tu dis “non” alors que tout le monde dit “oui”. Tu as besoin de courage quand les autres thésaurisent l'or, en rompant leurs serments sacrés, tandis qui tu accomplis silencieusement ta tâche. Tu as besoin de courage pour ne pas apparaître autrement que tu n'es, c'est-à-dire que tu as besoin de courage pour ne pas faiblir et supporter l'échec.

“Tout jeune homme d'âge

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tendre qui a peur d'exprimer aux autres ses pensées finira même par craindre de penser tout court.

‘Nous avons peur de vivre tel que nous le souhaiterions et aimerions vivre comme vivent les autres. Par exemple, que la manière de s'habiller, les vêtements, le logement, la voiture et toute chose soient conformes aux modèles consacrés par la modernité; sinon, nous nous sentirions exclus de la société. La raison nous pousse à ne pas nous soumettre à la société dans son comportement débridé et amoral, mais l'homme ne sait pas ce qui est juste, mais souvent ce qui nuit à sa santé et à sa moralité’.

Certes, aller à l'encontre des gens impertinents, hypocrites, tyrans et dictateurs était une des qualités marquantes de ceux qui ont été éduqués à l'école de l'Islam, car ces hommes préservaient leurs forces morales et spirituelles aux moments les plus critiques (même si certains avaient des défauts d'une autre nature).

Il fut rapporté qu'Al-Qomi, d'El-Kachkoul du Cheikh Al-Bahaï, d'El-Ghazali, dit:

‘Hischam ibn-Abdelmalik demanda aux jours de son règne qu'on lui présentât un des compagnons du prophète. On lui dit alors: ils sont tous morts. Il dit: alors, leurs disciples. On convoqua Taous El-Yamani. Quand celui-ci pénétra chez le Calife, il ôta ses sandales, mais ne salua pas le Calife par son titre, disant simplement: que le salut soit sur toi. Il ne fit pas de révérence non plus et s'asseyait en face de lui et dit:

Comment vas-tu, Hischam?

‘Hischam s'emporta et dit: Ô Taous, qu'est-ce qui t'a porté à faire ce

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que tu as fait? Taous demanda: qu’ai-je fait? Le Calife s'emporta encore plus: Tu as ôté tes sandales et les a déposées au bord de mon tapis, tu ne m'as point salué par mon titre d'Émir des Croyants et ne m'a point appelé par mon patronyme, tu t'es assis en face de moi et m'as dit: Comment vas-tu, Hischam.

‘Taous dit alors: quant à ôter mes sandales et les déposer au bord de ton tapis, je les ai ôtées en me présentant entre les mains de Dieu cinq fois par jour sans qu'Il s'en emporte contre moi. Quant à tes paroles ‘Tu ne m'as point salué par mon titre d'Émir des Croyants’, tous les gens ne sont pas contents de ton règne, c'est ainsi que je ne voulais pas te mentir. Quand à tes paroles ‘Tu ne m'as point appelé par mon patronyme’, Dieu Lui-même a appelé Ses hommes en disant: Ô David, Ô Josué, Ô Jésus, et a appelé ses ennemis en disant: ‘Périssent les deux mains d'Abou-Lahab’. Quand à tes paroles ‘Tu t'es assis en face de moi’, j'ai entendu le Calife Ali (qui le salut soit sur lui) dire: ‘Si tu veux connaître un homme voué aux feux de l'enfer, alors regarde un homme assis autour duquel des hommes sont debout’.

‘Hischam dit: conseille-moi. Taous répondit: J'ai entendu le Calife Ali (que le salut soit sur lui) dire: il y a en enfer des vipères plus hautes que des collines et des scorpions plus gros que des mulets qui

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piquent tout Émir qui ne rend pas justice à ses sujets, puis il s'enfuit’.

La flagornerie, le reflet de la peur

La flagornerie est l'image que renvoie un homme dominé par la peur, tandis que le courage est l'élément qui préserve l'homme de la flagornerie et le rattache à la réalité et à la vérité.

Pour Waldo Emerson:

‘Mettons nous en état de guerre et excitations en nous le courage et la droiture. Nous aurons à agir ainsi en temps de paix, de calme et de repos de notre existence en tenant le langage de la vérité. Arrêtez la bienveillance mensongère envers les hôtes et chassez ces aspects d'amour faux. Ne vivez plus dès aujourd'hui comme vivent les gens trompés et trompeurs qui nous côtoient et dites-leur. J'ai vécu jusqu'aujourd'hui en me conformant aux règles de la cordialité, mais j'ai décidé, à partir de maintenant, d'être un homme de vérité. Sachez que pour le reste de ma vie, je n'obéirais plus à une loi autre que celle éternelle, alors si vous pouvez m'aimer tel que je suis j'en serais plus heureux, sinon j'espère qu'un jour viendra où je mériterai votre amour. Je crois sincèrement à ce que me dicte ma conscience et aux raisons de mon bonheur et j'œuvrerai inlassablement dans cette voie.

‘Vous me direz peut-être: ce comportement est insupportable pour les amis. Vous dites vrai en cela, mais nous ne pouvons sacrifier notre liberté, nos forces et nos énergies à leur sensibilité. Il arrivera un moment où les gens deviendront plus raisonnables dans la vie et lorsqu'ils pénétreront la

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vérité absolue, ils verront la justesse de mes convictions. Ceci est indéniable’.

Le rapport du courage aux prédispositions innées de l'être humain est du même ordre que celui de la volonté aux capacités et aux énergies. De même que tout homme ne peut rien entreprendre sans volonté, quelles que soient ses qualités, de même tout individu possédant discernement et intelligence ne peut rien réaliser si ses capacités ne sont pas mues par le dynamisme et le courage. Le courageux ne parle pas de faiblesse lorsqu'il fait face aux difficultés et aux dangers, mais supporte les aléas de la vie nécessaire et inévitable avec un esprit confiant, acceptant sacrifices et peines.

Quant au faible de caractère, c'est cet individu qui nourrit de grands espoirs sans avoir le courage de les réaliser. Les savants et penseurs savent parfaitement que nous devons sortir autant que possible du cercle de l'imaginaire et du rêve pour entreprendre des actes concrets. À défaut, la faiblesse et le relâchement transformeront les choses possibles en choses impossibles aux yeux de l'homme dénué de volonté.

Nous devons savoir que tout comme, à certains instants de la vie, nous sommes contraints de faire face et de lutter, nous devons également, à d'autres moments, choisir de reculer et refuser le combat. Ceux qui décident de ne rien laisser apparaître de leur défaillance et d'affronter les difficultés, pour préserver leurs intérêts personnels, peuvent certes y arriver et réaliser leurs espoirs, mais ils ne sauvent pas leur âme

Le plus spectaculaire des actes héroïques est la preuve

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que leurs auteurs dominent leur peur et qu'ils l'affrontent avec détermination et énergie, sans que diminue leur amour de la vie.

L'homme peut, à tout moment, à travers le fait de cacher sa peur, réaliser certains succès et en tirer quelque profit, mais cela dépend essentiellement de son niveau de dynamisme et d'activités et de sa capacité à masquer sa peur. Cependant, à partir du moment où il aura entrepris une action sans pouvoir la concrétiser, il se sentira incapable de ne rien réussir et perdra, dès lors, sa confiance en lui-même. Plus encore, il perdra une grande part de ses énergies et de ses capacités qui auraient pu lui être utiles en d'autres occasions.

Il fut rapporté du onzième Imam, Abi-el-Montadhir, qu'il dit:

‘(...) et que la résolution a de la valeur qui lorsqu'elle est excessive se transforme en lâcheté et que le courage a une valeur qui lorsqu'elle est dépassée se transforme en imprudence’.

Il existe une différence certaine entre l'état de peur et la résolution que rapporte le Calife Ali (que le salut soit sur lui) a souligné:

‘Si le destin le refuse, alors la réserve est inutile’.

Il disait également:

‘Lorsque la résolution s'allie à la volonté, alors s'accomplit le bonheur’.

Betrand Russell disait:

‘Les dangers remplissent l'existence et l'homme sage ne fait pas cas de ces impondérables; il ne fixe pas son attention sur eux et dans le calme et la sérénité, s'intéresse à ce qui est prévisible. On ne peut échapper à la mort, mais on a la possibilité de dresser son testament

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avant de mourir, alors écrivons notre testament et sachons que nous mourrons fatalement un jour. La prudence raisonnable est toute autre chose que la peur, car la prudence est précaution et la peur est soumission honteuse.

‘Si vous ne pouvez éviter la peur, alors faites en sorte que vos enfants ne la voient pas. Essayez d'élargir leur champ de vision pour qu'ils ne soient pas atteints plus tard, par le désespoir. C'est la seule manière d'en faire des hommes libres dans la vie.

‘Tandis que la pensée tente de découvrir le comportement approprié, la peur représente un mal qui apporte anxiété et trouble de l'esprit. Nous avons donc besoin de pouvoir appréhender les évènements douloureux sans sombrer dans la peur, et de consacrer notre raison à la combattre, car nous devons nous comporter dans ces évènements avec courage et résolution’.

Il est ainsi communément admis que nous ne pouvons résoudre les problèmes de la vie tout en étant dominé par la peur et l'anxiété, mais que nous avons besoin d'un esprit serein et en paix et d'une âme forte et courageuse pour solutionner les difficultés, car quiconque dont l'esprit est obscurci par la crainte voit le monde d'un œil noir et pessimiste.

Ceux qui ne possèdent pas le courage ne savent ni où ni vers qui se tourner aux moments difficiles de l'existence et il est à craindre qu'ils ne tentent de mettre fin à leurs jours pour se libérer des affres de la peur et de la crainte dans lesquelles ils vivent continuellement.

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About center

In the name of Allah

هَلْیَسْتَوِیالَّذِینَیَعْلَمُونَوَالَّذِینَلَایَعْلَمُونَ
Are those who know equal to those who do not know?
al-Zumar: 9

Introduction:
Ghaemiyeh Computer Research Institute of Isfahan, from 2007, under the authority of Ayatollah Haj SayyedHasanFaqihImami (God blesses his soul), by sincere and daily efforts of university and seminary elites and sophisticated groups began its activities in religious, cultural and scientific fields.

Manifesto:
Ghaemiyeh Computer Research Institute of Isfahan in order to facilitate and accelerate the accessibility of researchers to the books and tools of research, in the field of Islamic science, and regarding the multiplicity and dispersion of active centers in this field
and numerous and inaccessible sources by a mere scientific intention and far from any kind of social, political, tribal and personal prejudices and currents, based on performing a project in the shape of (management of produced and published works from all Shia centers) tries to provide a rich and free collection of books and research papers for the experts, and helpful contents and discussions for the educated generation and all classes of people interested in reading, with various formats in the cyberspace.
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-propagating the culture and teachings of Thaqalayn (Quran and Ahlulbayt p.b.u.t)
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-spreading culture study in the publich
-paving the way for the publications and authors to digitize their works

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